L'arrivée de Götz
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L'arrivée de Götz
Chaque pas l'entrainait vers de nouveaux charniers incandescents. Si Götz n'avait pas le temps de s’en émouvoir, c'était car sa vision du monde se limitait à un voile gris bordé de flammes ardentes pour ses yeux larmoyants. Dans sa course, les ombres immobiles et hagardes n'étaient que des obstacles. Sans ménagement, il les poussait hors de son chemin et mordait les mains implorantes qui l'agrippaient au col. Une explosion dans son dos l'encouragea à forcer encore davantage sur ses jambes lourdes comme du plomb.
Son sprint le mena à un carrefour où l'épuisement et le désespoir l’abattirent nets.
Étendu sur toute la longueur du boulevard, un cortège de chariots avait bloqué toutes les voies. Les chevaux, paniqués, se débattaient dans leurs harnais enflammés, écrasant les malheureux qui tentaient la traversée. Les hommes, devenus déments, s’accrochaient à leurs affaires renversées alors même que les braises embrasaient leurs vêtements.
Ceux qui tentèrent de prendre les autres voies périrent enseveli sous des chutes de pierres et de tuiles fondues.
Le séisme avait violemment frappé Clantor, et dans les rues effondrées, chaque foyer où une famille préparait le déjeuner était devenu une source d'incendie. En moins d'une heure, tout le quartier sud avait été consumé.
Götz lui garda son calme alors même que du sang noir coulait de son front cloqué. Il n'avait aucun désir de périr ici, à peine arrivé à Clantor. D'un pas clopinant et ferme, il poussa la porte de "l'auberge du chants de l'elfe". De l'escalier menant aux étages supérieurs, il ne restait qu'une bouche infernale. Deux corps, un homme et une femme enlacés, s'étaient cachés sous une table, probablement lors du séisme, mais une armoire avait creusé un trou dans le plafond et eu raison d'eux. Götz s’accroupit près de l'homme, sa bouche ouverte exhalant des volutes de brume noir.
Dans des bruits de succions et d'os brisés, l'Abomination dévora et suça la chair tendre et fraiche.
Quand Götz se releva, le visage barbouillé de sang, un simulacre de sourire se dessina sous ses yeux de charbon.
Le goût des hommes pour la boisson fraiche l'avait sauvé. Derrière le buffet, une trappe cadenassée menait à la réserve où les tonneaux d'hydromel étaient immergés en permanence dans l'eau du fleuve grâce à un étroit chenal souterrain. La clé, cachée dans un tiroir secret, était déjà dans sa main et il s’apprêtait à s'échapper de cet enfer lorsque un son l’arrêta net.
Merenwen, la fille de l'aubergiste, affichait un visage blanc de peur tandis qu'une chope roulait sur les lames de bois.
Au cours des années, il avait développé une fierté dans son art. Jamais deux fois au même endroit, toujours en mouvement. Être imprévisible et prévoyant l'avait rendu insaisissable et méconnaissable pour le monde. Merenwen n'était qu'une enfant. Elle aimait jouer du luth et danser dans sa chambre quand elle croyait être seul. Si elle appréciait de coiffer sa poupée et d'aider sa mère à servir les plateaux, elle rêvait en grandissant de joindre une troupe d'artiste. Son père secrètement plaçait de l'argent en réserve pour lui payer des cours à l’académie des bardes. Tout cela, il le savait grâce aux souvenirs de l'homme qu'il avait mangé sous les yeux de la fille. Merenwen devait mourir. Götz soupira, et laissant la trappe ouverte derrière lui, il se dirigea lentement vers la forme prostrée, une lame suintante d'un liquide verdâtre en main.
Allongé sur l'herbe fraiche des rivages, Götz observait les restes fumants de Clantor. Il avait survécu là ou tant d'autre avait périt. Pourtant, cela le rendait indifférent. Il avait eu de la chance et une fois ses plaies nettoyées et bandées, la vie continuait pour lui comme avant. Les quartiers détruits seront reconstruits, la cendre lavait par les pluies et la charogne festoiera des cadavres jusqu’à ce que seul les os restent. Tout juste arrivé que déjà il devait repartir. Prendrait t-il par l'Ouest, par les plaines fendillés de crevasses, ou prendra t-il par la foret de l'Est.
Un coup de pied dans sa côte le coupa dans ses réflexions.
L'enfant était au prise avec un cauchemar, et le sédatif allait bientôt cesser de faire effet.
"Que diable vais-je faire de toi, Merenwen?" marmonna t-il avant que toute la fatigue accumulée sur la journée ne l'emporte lui aussi dans un sommeil peuplé d'horreurs.
Son sprint le mena à un carrefour où l'épuisement et le désespoir l’abattirent nets.
Étendu sur toute la longueur du boulevard, un cortège de chariots avait bloqué toutes les voies. Les chevaux, paniqués, se débattaient dans leurs harnais enflammés, écrasant les malheureux qui tentaient la traversée. Les hommes, devenus déments, s’accrochaient à leurs affaires renversées alors même que les braises embrasaient leurs vêtements.
Ceux qui tentèrent de prendre les autres voies périrent enseveli sous des chutes de pierres et de tuiles fondues.
Le séisme avait violemment frappé Clantor, et dans les rues effondrées, chaque foyer où une famille préparait le déjeuner était devenu une source d'incendie. En moins d'une heure, tout le quartier sud avait été consumé.
Götz lui garda son calme alors même que du sang noir coulait de son front cloqué. Il n'avait aucun désir de périr ici, à peine arrivé à Clantor. D'un pas clopinant et ferme, il poussa la porte de "l'auberge du chants de l'elfe". De l'escalier menant aux étages supérieurs, il ne restait qu'une bouche infernale. Deux corps, un homme et une femme enlacés, s'étaient cachés sous une table, probablement lors du séisme, mais une armoire avait creusé un trou dans le plafond et eu raison d'eux. Götz s’accroupit près de l'homme, sa bouche ouverte exhalant des volutes de brume noir.
Dans des bruits de succions et d'os brisés, l'Abomination dévora et suça la chair tendre et fraiche.
Quand Götz se releva, le visage barbouillé de sang, un simulacre de sourire se dessina sous ses yeux de charbon.
Le goût des hommes pour la boisson fraiche l'avait sauvé. Derrière le buffet, une trappe cadenassée menait à la réserve où les tonneaux d'hydromel étaient immergés en permanence dans l'eau du fleuve grâce à un étroit chenal souterrain. La clé, cachée dans un tiroir secret, était déjà dans sa main et il s’apprêtait à s'échapper de cet enfer lorsque un son l’arrêta net.
Merenwen, la fille de l'aubergiste, affichait un visage blanc de peur tandis qu'une chope roulait sur les lames de bois.
Au cours des années, il avait développé une fierté dans son art. Jamais deux fois au même endroit, toujours en mouvement. Être imprévisible et prévoyant l'avait rendu insaisissable et méconnaissable pour le monde. Merenwen n'était qu'une enfant. Elle aimait jouer du luth et danser dans sa chambre quand elle croyait être seul. Si elle appréciait de coiffer sa poupée et d'aider sa mère à servir les plateaux, elle rêvait en grandissant de joindre une troupe d'artiste. Son père secrètement plaçait de l'argent en réserve pour lui payer des cours à l’académie des bardes. Tout cela, il le savait grâce aux souvenirs de l'homme qu'il avait mangé sous les yeux de la fille. Merenwen devait mourir. Götz soupira, et laissant la trappe ouverte derrière lui, il se dirigea lentement vers la forme prostrée, une lame suintante d'un liquide verdâtre en main.
Allongé sur l'herbe fraiche des rivages, Götz observait les restes fumants de Clantor. Il avait survécu là ou tant d'autre avait périt. Pourtant, cela le rendait indifférent. Il avait eu de la chance et une fois ses plaies nettoyées et bandées, la vie continuait pour lui comme avant. Les quartiers détruits seront reconstruits, la cendre lavait par les pluies et la charogne festoiera des cadavres jusqu’à ce que seul les os restent. Tout juste arrivé que déjà il devait repartir. Prendrait t-il par l'Ouest, par les plaines fendillés de crevasses, ou prendra t-il par la foret de l'Est.
Un coup de pied dans sa côte le coupa dans ses réflexions.
L'enfant était au prise avec un cauchemar, et le sédatif allait bientôt cesser de faire effet.
"Que diable vais-je faire de toi, Merenwen?" marmonna t-il avant que toute la fatigue accumulée sur la journée ne l'emporte lui aussi dans un sommeil peuplé d'horreurs.
swipp- Nouvel arrivant
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