Ernesto Kova.

[nobodies]

Mémoires d'un vieux mage.

Chapitre 4: Ernesto Kova

Je vais à présent vous parler d'un de mes plus anciens amis, bien que je ne l'ai pas vu depuis des lustres. Il se nomme Ernesto Kova.
Nous nous connaissons depuis notre plus tendre enfance, Ernesto et moi. Il est né à Clantor et y a passé sa jeunesse, tout comme moi. A mon souvenir, il était le cadet d'une famille de quatre enfants. Tous des petits garçons. L'aîné devait se préparer à reprendre le flambeau de l'entreprise de son père, entreprise de textile florissante mais encore une fois je peux me tromper ma mémoire me joue de mauvais tours en ce moment. Les trois autres garçons étaient donc destiné à rentrer dans le métier d'homme d'Eglise, car sa famille était très croyante et pensait que plus ils auraient de personnes de leurs sang vouer leur vie à une divinité, plus ils seraient bien vu de cette divinité.
Mais mon ami n'était pas de cet avis et la magie le fascinait. Un jour, lorsque je lui appris que je m'inscrivais à l'école de magie de Clantor, il me suivit sans hésiter et renia sa famille. Il coupa tout contact et vint même dormir chez moi, le temps de trouver sa propre maison.

A nos trente-cinq ans, nous finîmes nos études brillamment. Je m'étais incliné vers les arts du contrôle des éléments, sans vraiment de "spécialité" alors qu'Ernesto se tourna plus vers l'invocation, la conjuration et même le contrôle de bête sauvage. Il avait d'ailleurs adopté un corbeau qui était devenu bien vite un familier très attaché à son maitre. Je me souvins ma stupéfaction lorsque le corbeau exécutait sans hésiter des ordres simples, mais seulement au son de la voix de mon ami. Confiants par nos brillantes réussites (nous étions de très bons mages), nous décidâmes d'aller nous inscrire à l'académie des mages de Clantor.
Moins de deux mois après cette inscription, nous étions acceptés ce qui était un véritable miracle tant la sélection était dure.
C'est alors que le drame arriva... Lentement... Sans vraiment que je m'en rende compte...

Connaissez-vous beaucoup de nécromanciens bons et généreux? Moi non plus. En fait, je n'en connais qu'un seul: Ernesto Kova.

Car oui, après ses études dans la conjuration et l'invocation, mon ami fut attiré par l'art de la nécromancie, un savoir interdit et dangereux.
Bien des signes aurait dû me mettre la puce à l'oreille, et j'aurais sûrement dû l'empêcher de continuer dans cette folie, mais j'étais un véritable aveugle, incapable de percevoir le mal qui rongeait mon ami. Les indices ne manquaient pas: ses excursions nocturnes pour aller "chercher des champignons", la cave de notre maison commune où il s'enfermait souvent et où lorsque j'entrais de petites tâches de sang marquaient le sol... En fait, je ne m'en suis rendu compte que le jour où il me présenta son bâton en avouant la vérité: un bâton avec accroché au bout un crâne de chèvre, le pur artefact de nécromancie.
Il me montra ce qu'il savait faire, à savoir relever les morts et les faire marcher, les faire combattre entre eux. J'en frissonnais d'horreur au début, je croyais que mon ancien ami était devenu mon pire ennemi, qu'il me tuerait rien que pour manger mon cœur et avoir le plaisir de contrôler mon cadavre tel un pantin.
Puis je me rendis compte que cette "art" comme il l'appelait, ne le rendait pas fou ni sanguinaire. non, il semblait plus heureux, plus épanoui.

Vous savez, on dit souvent que les nécromanciens sont tous des fous dangereux voulant conquérir le monde avec leurs légions morts-vivantes. Oh, il existe de nombreuses théories à ce sujet, de la plus probable qui consiste à dire que le mage pratiquant la nécromancie à accès à un grand pouvoir qui lui donnerait la folie des grandeurs, à la plus farfelue qui veut que lorsque le nécromancien commence à réveiller trop de morts, les fragments d'âmes encore présents dans les cadavres affaiblissent son esprit jusqu'à le contrôler complètement et lui ordonner la vengeance qu'attendent les morts sur les vivants... Bref, pour tout vous avouer ami lecteur, les nécromanciens sont très mal vus dans la société humaines actuelles.
Mais Ernesto est le parfait contrexemple de ce stéréotype.
Il faisait juste cela car le réveil des morts le fascinait, à un tel point qu'il voulait trouver un moyen de les faire parler sur leurs passés, mais tout le monde sait que les nécromanciens ne donnent pas ou ne rendent pas leur ancienne conscience à leurs esclaves, sauf quelques uns qui sont passés maitre dans l'art... Cependant, allez expliquer cela à l'Académie de magiciens de Clantor...

En effet, ils finirent par découvrir qu'Ernesto pratiquait la nécromancie. Beaucoup de temps avait passé depuis notre entrée dans l'Académie, et lui et moi étions haut-placés et avions une légère influence sur la plus prestigieuse institution de Clantor. Malheureusement, nos supérieurs ne voulurent rien entendre: Ernesto fut renvoyé, et on placarda le lendemain des affiches dans toute la ville avec son visage et son nom ainsi qu'une forte somme à quiconque ramènerait sa tête aux mages de Clantor. Je ne sais pas comment il fit pour sortir de la ville sans se faire tuer ce jour-là, tout le monde le cherchait et des gardes étaient postés à toutes les sorties. Mais il réussit malgré tout, il avait toujours eu de la chance.

Pendant presque trois ans, je n'entendit plus parler de lui et j'en vins même à l'oublier tant mes affaires dans l'Académie m'accaparait. Car oui, j'avais été gardé malgré mon amitié pour le "mage assoiffé de sang", je n'avais rien fait de mal après tout... Et un beau jour, il toqua à ma porte. J’eus un haut-le-cœur en reconnaissant Ernesto autrefois plein de santé et d'énergie, maintenant tout ridé et fatigué. Même son corbeau était déplumé!
Il me raconta comment il avait vécu en dehors de Clantor, parfois il volait, parfois il rejoignait des aventuriers pour une mission avec une récompense à la clé. Il n'avait néanmoins pas perdu sa bonne humeur et son extrême gentillesse, il acceptait sans sourciller son sort et vivait avec sans se poser de problèmes, et ceci me rendit un peu espoir. Il avait aussi apprit à connaitre le monde extérieur, et je l'enviais quelque part même si je ne me sentait pas le courage de vivre tout ce qu'il avait accompli. Cet entretien dura une journée, puis il repartit comme il était venu. Tout le monde avait oublié l'histoire du "nécromancien infiltré" à Clantor, et il n'eut aucun problème pour sortir.

Je ne le revit jamais plus, mais j'étais déjà heureux d'avoir eu cette ultime visite de mon meilleur ami, renégat traqué pour sa passion malgré lui... Et, même au seuil de ma mort qui ne devrait plus tarder, je pense toujours à lui et je le verrais toujours comme un ami fidèle et loyal, pas comme un voleur et pilleur de tombes...

Ce texte, faisant partie des Mémoires de Sigmünd l'Indomptable qu'il avait écrit peu avant sa mort, fut bien entendu enlevé de la version publiée de "Mémoires d'un vieux mage" qui date de 127 après le Grand Cataclysme qui frappa Clantor. Il a néanmoins été préservé malgré la censure dont il a fait l'objet, très certainement par des collègues magiciens dignes de confiance...

Ernesto Kova, aujourd'hui: