Démonstration de Chasse...

[Rexia]

Au-dehors, les oiseaux gazouillaient, ce fut ce qui finit par réveiller la jeune dragonne rouge, qui dormait aussi durement qu'une souche... un réveil qui n'était, ma-fois, pas si désagréable que ça. Rexia resta un instant les yeux fermés, le temps que les lambeaux de fatigue qui s'accrochaient encore à son esprit disparaissent... et enfin, elle redressa la tête, souleva ses doubles-paupière et regarda autour d'elle, après s'être habituée à la lumière. Elle se trouvait dans une grande caverne, emplit de stalagmites et de stalactites. L'endroit était cependant un peu trop carré pour faire penser à une véritable caverne, et la porte en bois marron qui trônait dans un coin, donnant sur un couloir, n'aidait pas à la chose. Et les rayons qui passaient par l'entrée déchiqueté de sa caverne devaient traverser une baie vitrée. Rexia bailla un grand coup, puis sourit d'un air encore endormit : sa chambre était clairement une caverne artificielle, mais le simulacre lui permettait quand-même de se sentir bien. Elle redressa les ailes et regarda dans son nid... la couverture de Jari était vide, elle avait dû se lever plus tôt et partir sans la réveiller. C'est qu'il était difficile de réveiller un dragon qui dort bien. A moins qu'elle ne se trompe, elle devait s'occuper de son arc, vu qu'elle semblait tellement vouloir le faire hier.

Rexia hésita : elle avait plusieurs options, sachant qu'aujourd'hui, Melkerah ne serait pas là pour s'occuper d'elle. Elle pouvait accompagner sa dragonnière, l'observer tendis qu'elle s'occuper de son arme et s'entraîner avec, et somnoler à-côté d'elle, n'ayant besoin de rien de plus que sa présence pour se sentir bien. Elle pouvait aussi s'entraîner à lire, continuer l'histoire qu'elles avaient commencée hier, dont le livre était encore posé par-terre, près du nid. Mais non, à bien y réfléchir, elle pensa à autre-chose : il se trouvait qu'elle avait faim, et qu'après avoir passé la journée de la veille à lire, elle voulait un peu se dérouiller les muscles. Alors aujourd'hui, elle irait chasser, mais elle n'irait pas seule : elle devait encore un service à Uri, la tante de Jari.

Sans chercher à prévenir Jari, elle se leva, traversa leur "petite" maison et sortie, prenant tranquillement la route à-pattes, ne se sentant pas le moins du monde pressée. Elle décida qu'il n'y avait pas lieu de déranger sa dragonnière dans son travail, après-tout, elle n'était plus un bébé, elle n'avait pas besoin qu'on sache partout où elle allait. Et elle savait Jari assez mure pour deviner que si elle n'était pas là, ce n'était pas parce qu'elle était en danger, mais parce qu'elle était occupée, elle-aussi. Fait rare, donc, car généralement, elle le faisait soit accompagnée de Jari, soit elle le survolait, elle traversa sa petite ville seule. Il était encore tôt, mais il y avait déjà de l'animation : les boutiques ouvraient, et certaines personnes y courraient déjà pour avoir au plus vite les meilleurs promotions. Les réactions étaient partagées, lorsqu'on la voyait : certains étaient encore effrayés par elle, d'autres étaient simplement intrigués, et d'autres encore étaient impressionnés. Dans l'ordre général, la dragonne avait finit par se faire accepter des habitants. La plupart préférer la regarder sa rien dire, mais certains la saluer, saluts auxquels elle répondait d'un hochement du museau. Lorsqu'elle passa près de son échoppe, un boucher eut même la gentillesse de lui lancer un morceau de viande qu'il venait de couper, qu'elle goba au vol avant de le remercier d'un grondement amical. Elle se demanda cependant si il faisait cela par gentillesse, parce qu'il la prenait pour un animal... ou si il voulait gagner sa gratitude parce qu'il avait peur d'elle, ou parce qu'il cherchait sa protection.

Certaines personnes lui étaient cependant encore hostiles... on ne pouvait pas empêcher les idiots d'avoir peur d'elle, ou tout-simplement de ne pas aimer les autres races intelligentes. Elle jeta un regard sombre au bâtiment lorsqu'elle passa devant la taverne, déjà ouverte... la dernière fois, un ivrogne lui avait jeter une chope vide en vociférant un truc du genre "va-t-en, démon !"... le malheureux, si on pouvait appeler ça comme ça, s'était retrouvé suspendu par la ceinture au clocher de l'église. Il avait eu de la chance : par respect pour ce que chercher à lui inculqué Jari, elle ne l'avait pas tué, ni blessé, elle lui avait juste fait bien peur. Et, après de longues négociations, elle avait accepté de le descendre. Ça ne l'avait pas fait monté dans le cœur de ceux qui désiraient la voir partir... mais son contrôle avait conforté dans leur idée ceux qui avaient confiance en elle. En tout-cas, depuis cet incident, elle pouvait passer devant la taverne sans qu'on lui ne dise ni lui lance quoi que ce soit.

Elle arriva finalement devant le manoir de la noctalienne. Elle hésita un instant... puis, se disant que Uri était quelqu'un d'occupée et qu'elle avait tout son temps, de toute-façon, elle décida de s'asseoir devant le portail et d'attendre... elle finirait bien par sortir à un moment ou à un autre, ou alors elle la verrait et viendrait lui demander ce qu'elle voulait... et si ça n'arrivait pas, au bout d'un moment, elle finirait finalement par l'appeler. Du coin de l’œil, elle repéra un groupe d'enfants qui l'observaient, cachés dans l'angle des maisons. Les enfants aimaient la dragonne, elle les impressionnait, les faisait rêver, mais ils n'osaient jamais l'approcher, soit parce qu'ils avaient peur, soit parce que leurs parents le leur interdisait. Elle aurait été prête à parier qu'ils étaient en-train de se lancer des défis pour savoir qui oserait l'approcher le plus près...

[Melkerah]

A ce moment-là, Uri était en train de relire un texte fort complexe qui allait lui donner mal à la tête, la fenêtre ouverte. C'est ainsi qu'elle repéra l'odeur particulière de la jeune dragonne de sa nièce. Intriguée et lasse de sa lecture, la noctalienne vint se pencher à la fenêtre pour voir ce que voulaient Jari et Rexia. Il lui fallut quelques instants pour comprendre que sa nièce n'était pas là, ce qui était rare. D'habitude, les noctaliens ne voyaient pas la dragonne sans sa dragonnière. L'inquiétude assaillit Uri, mais elle songea que Rexia n'avait pas l'air angoissé et qu'il ne devait donc pas y avoir de problème. Elle retourna vers son bureau, rangea son livre et ses notes et descendit à la rencontre de l'énorme reptile.

-Rexia ? l'interpela-t-elle. Tu as besoin de quelque chose ?

Si Uri ne craignait pas la dragonne de rubis, elle reconnaissait sa puissance et la respectait, s'efforçant de la traiter de la même façon que sa nièce. Ce qui n'était pas toujours évident vu la masse de Rexia.
En la voyant, les gamins qui épiaient la dragonne s'enfuirent à toutes jambes.

[Rexia]

Finalement, Rexia n'eut pas à attendre très longtemps, la tante de Jari la remarqua peu de temps après son arrivé. Elle se demanda si cela avait un rapport avec ce que Jari lui avait contait sur elle la veille, en-rapport avec ses fameux sens de loups... en attendant d’élucider ce mystère, elle se contenta d'accueillir la noctalienne en lui faisant un large sourire reptilien, tout-du-moins en souriant autant qu'un dragon le pouvait, ce qui se soldait le plus souvent par une grotesque grimace. Elle vit, du coin de l’œil, les enfants s'enfuir...

Ils avaient déjà du mal à suivre la dragonne lorsqu'elle était seule, et ils ne s'approchaient jamais lorsqu'elle était accompagnée... à croire qu'ils avaient plus peur des noctaliens que d'elle. C'était peut-être à-cause de la réaction de sa dragonnière, peu de temps après sa naissance, lorsqu'elle se promenait avec un petit dragon de la taille d'un chat dans les bras et qu'elle avait été agacée par leur attroupement. *" Ah, les humains... "* songea Rexia, n'étant pas inquiète que Uri l'entende, mi-amusée, mi-exaspérée.

Puis elle retourna son attention vers Uri, qu'elle salua en inclinant légèrement le museau... elle aussi, elle appréciait la noctalienne, qui avait été présente le jour de sa naissance. Avant, elle la craignait... mais c'était avant qu'elle la dépasse en taille. Maintenant, si elle ne l'aimait pas autant que sa dragonnière, elle la voyait comme un membre de sa famille. *" Bonjour, Uri... "* lui répondit-elle, son esprit rayonnant de bonne humeur. *" Non, je n'ai besoin de rien. Je suis simplement venu car je viens de passer ma première nuit dans la maison tes semblables nous ont créée, et je tenais à te remercier : elle est vraiment fantastique. Elle contient tout ce dont Jari, et moi-même, rêvions. Je t'en serais éternellement reconnaissante. "*. A-nouveau, elle inclina le museau. *" Jari m'a annoncée hier que tu aimerais étudier mes chasses... "*. Elle déploya ses ailes, comme pour montrer qu'elle était sur le départ : *" Je pars en chasse, justement. Souhaites-tu m'accompagner ? "*.

[Melkerah]

Ravie de voir que la maison qu'elle avait fait construire plaisait à ses occupantes, Uri accepta la reconnaissance de Rexia d'une inclinaison de la tête.

-J'ai participé aux plans, nos moyens étaient un peu limités, j'avais peur que le résultat ne soit pas à la hauteur. Mais je suis rassurée. Si vous avez besoin de quelque chose de plus, n'hésitez pas, Jari et toi.

La noctalienne ne cacha pas sa joie à la proposition de la dragonne. Elle en avait un peu parlé avec Jari, sans vraiment croire que cela serait possible, et voilà que ce vœu se réalisait ! Comment ne pas bondir d'excitation à l'idée d'accompagner une dragonne à la chasse ? Le loup en elle se mit à frémir d'anticipation.

-Avec grand plaisir ! répondit-elle. Laisse-moi juste le temps de me préparer, je reviens vite...

Le sourire aux lèvres, Uri retourna dans le manoir, mit sa cuirasse, prit ses dagues et son sabre, rangea ses diverses affaires dans ses nombreuses poches et revint près de Rexia, l'air férocement impatiente. Elle n'avait pas vraiment besoin de tout ça si elle se transformait, mais l'habitude est une seconde nature, et un noctalien apprend très jeune à parer à toute éventualité et à ne jamais se séparer de son équipement.

-Je suis prête. Je devrais pouvoir te suivre depuis le sol si tu ne voles pas trop vite, mais je préférerais qu'on sorte de la ville avant de commencer la chasse. Je n'aime pas me transformer en public. Et puis je crois qu'on effraie déjà bien assez nos voisins, pas la peine d'en remettre une couche.

En effet, les Umbra n'aimant pas qu'on se mêle de leurs affaires, ils avaient veillé depuis leur installation au manoir à dissuader quiconque de s'approcher. D'où la réaction des gamins quand Uri était venue parler à Rexia. Cela ne posait aucun problème à la plupart des noctaliens, mais certains des plus jeunes se lassaient d'avoir tant de difficultés à nouer des contacts.

[Rexia]

Rexia ne fut pas surprise de voir Uri la quitter, puis revenir parer comme une guerrière avant le début d'un combat épique alors qu'un arc, ou tout-simplement les crocs de sa forme animale, auraient été plus efficace dans une chasse, en supposant qu'elle y participe... mais elle ne fit pas de remarque, n'eut pas l'air étonné. C'est que partager l'âme et les pensées d'une noctalienne depuis sa naissance faisait qu'elle en savait maintenant pas-mal sur cette espèce à-part. Elle ne savait, certes, pas tout, mais assez pour savoir qu'un noctalien ne quittait jamais ses armes, pas même pour une simple balade. Jari ne quittait jamais ses deux dagues, que la jeune dragonne s'amusait à appeler "ses griffes". Elle trouvait parfois cela exaspérant qu'ils aient toujours besoin de se balader avec autant de métal tranchant sur eux... mais lorsqu'elle songeait à cela, elle se disait toujours qu'elle n'aimerait pas, de son côté, perdre ses griffes ou ses crocs.

A la remarque de la tante Uri, Rexia retroussa les lèvres, dévoilant ses crocs, et laissa échapper un sorte de bruit roc... non, elle ne grognait pas, elle était en-train de rire. *" Je n'aurais jamais chasser en ville, de toute-façon, ni trop près de celle-ci. Les habitants pourraient craindre que je m'en prenne encore à leurs bêtes... "*. En effet, le lendemain du jour où elle avait enfin appris à voler correctement, Rexia avait tué et mangé un mouton, dans un prais, sous les yeux de son berger. A l'époque, elle ignorait encore le principe des animaux domestiques et de l'élevage, pensant que tout animal était une proie qu'elle pouvait prendre. Jari lui avait expliquée son erreur... la dragonne avait acceptée de s'excuser, avait promis de ne plus recommencer, et avait payé son "larcin" en offrant un cerf au berger. Et depuis, elle chassait dans les bois...

Et pourtant, même là, elle n'avait pas été tranquille : quelques jours plus tard, un messager était venu à la rencontre des noctaliens pour leur parler d'elle. Un noble, un duc de la région, visiblement, avait rétorqué que la part de la forêt dans laquelle elle chassait lui appartenait, et il lui avait demandé de cesser, et de lui payer ce qu'il avait déjà tué. Là, elle ne s'était laissé faire : elle avait rétorqué que la forêt appartenait aux bêtes et aux prédateurs, que ces animaux étaient sauvages, et qu'elle avait le droit de les chasser... et que si le duc n'était pas contant, il n'avait cas venir l'affronter lui-même pour garder son "territoire de chasse". Elle n'avait plus eu de nouvelles de lui... trop lâche pour mettre un dragon en colère, sans-doute.

La noctalienne prête, donc, et visiblement pressée de commencer, ce qui ravissait Rexia, contente de pouvoir lui faire plaisir, la jeune dragonne se mit à battre des ailes et monta vers le ciel. Un courant né de ses battement ébouriffa les cheveux d'Uri. Le vent fouettait par la membrane faisait un bruit assourdissant... par-chance, le langage dont usait la dragonne rouge, parlant par télépathie, résonnait directement dans la tête, pas dans les oreilles : *" Et puis, de toute-façon, pour avoir les meilleurs coins de chasse, il faut s'enfoncer plus profondément dans la nature sauvage. Je vais te montrer mes coins préférés. Je vais voler bas et lentement, tâche de ne pas me perdre de vue. "*, ce qui était plutôt simple, vu que la dragonne brillait comme un rubis sous le soleil. Elle vira vers l'est et prit la direction de la forêt...

[Melkerah]

La noctalienne dut se presser car si la dragonne pouvait voler tout droit, elle devait faire des détours dans les ruelles parfois tortueuses de Clantor pour sortir de la ville après Rexia. Elles se retrouvèrent enfin hors des murs et Uri put courir plus librement sur le sillage de sa compagne de chasse d'un jour.
Ce n'est qu'une fois sous le couvert des arbres qu'elle se transforma. Cela alla vite car le loup en elle s'agitait, impatient de courir après la dragonne pour chasser avec un prédateur si puissant. Une fourrure noire lui poussa sur le corps, des crocs pointèrent dans sa bouche devenue gueule et des griffes trop aiguisées pour être celles d'un simple loup remplacèrent ses ongles inutiles. Une grande louve noire prit la place de la noctalienne et reprit la poursuite de Rexia avec une course souple et puissante, bien plus rapide que sur deux pieds. En tant que noctalienne, elle se servait surtout de ses yeux, mais une fois transformée, c'était son odorat développé qui prenait le relais. L'odeur d'un dragon était impossible à rater.
Elle retransforma momentanément ses organes vocaux.

-Préviens-moi quand tu trouves une proie ! hurla-t-elle à pleins poumons pour se faire entendre. Je ne te gênerai pas, mais je veux te voir faire !

Et elle revint à une forme purement lupine. Toute sa réserve naturelle s'était envolée dans la joie exubérante de la chasse en pleine nature, et son self-control risquait de lâcher si une occasion se présentait, mais elle se surveillait. Pour le moment, seule sa course sauvage comptait.

[Rexia]

Rexia volait peut-être haut au-dessus de la noctalienne lycanthrope, tendis que celle-ci courait dans la forêt, mais elle n'en avait pas moins une vue perçante extrêmement développée : elle observa ainsi, depuis le ciel, la fameuse métamorphose d'Uri. La voir se changer en cette grande louve à la fourrure lustrée était impressionnant, tout en étant un peu perturbant : elle n'avait pas mesuré l'ampleur de ce que lui avait enseigné Jari sur les loup-garou avant d'y assisté directement. Elle ne put s'empêcher de lui faire la remarque, après qu'elle lui eut fait sa demande :

*" Je te trouve bien plus belle et impressionnante sous ta forme lupine. J'aime ce côté sauvage qui se dégage de toi. Oh, et ne te prend pas le museau à crier pour me parler : pense tes paroles, je les entendrais. Nos esprits sont connectés, c'est grâce à cela que je te parle par télépathie. Ce n'est pas le même genre de lien qui m'unis à Jari, et je me garderais bien de fouiller dans ta mémoire, rassure-toi... mais nous pouvons ainsi communiquer sans être obligé d'utiliser des sons. "*. En effet, Rexia ne pourrait jamais parler le langage des humains, même si elle le voulait... pour communiquer, elle devait libérer son esprit et le connecté aux personnes avec qui elle désirait parler, ce qu'elle avait fait avec Uri, une faculté que les dragons apprenaient à faire naturellement, surtout ceux liés à un dragonnier, car c'était ainsi qu'ils communiquaient avec les autres espèces. Elle ne le faisait cependant pas souvent, car à-part sa dragonnière, la famille de celle-ci et Melkerah, il n'y avait que peu de personnes avec qui elle voulait discuter.

Rexia s'amusa durant leur court trajet à observer la louve tenter de rivaliser de vitesse avec elle... mais quel animal, qu'il soit canidé ou encore plus rapide, était capable d'aller plus vite qu'un dragon en vol. Elle ne voulait pas qu'elle la perde de vu, mais si ça avait été la cas, il lui aurait suffit d'accélérer juste un peu, et de monter vers les nuages où elle aurait été difficile à repérer. Elles mirent environs un quart d'heure à atteindre sa destination... temps qui aurait été divisé par deux si elle avait été seule, mais elle devait admettre que pour qu'une à-demi louve, Uri était vraiment rapide, et elle l'impressionnait. Elle lui signala par la pensée *" C'est dans cette zone que se trouvent les plus grand troupeaux de cerfs sauvages. Le duc considère qu'ils lui appartiennent... bah, je veux bien ne pas toucher aux animaux d'élevage, mais pour les animaux sauvages, il n'a aucun droit de m'en empêcher ! "*.

Elle monta légèrement et fit des rond dans le ciel, cherchant à repérer ses proies. Elle finit par les trouver : un groupe de biche, surveillée par quelques mâles aux bois courts, qui se désaltéraient à une rivière. Quand elles buvaient et quand elles mangeaient... le moment idéal pour les attraper. C'était, certes, un peu "lâche", mais quel prédateur n'utilisait pas ce genre de technique à la chasse ?

Elle se plaça dos au vent, les ailes droite de chaque côté de son corps, et se laissa descendre, silencieuse, vers l'attroupement. *" J'ai repérées les biches... "*, signala-t-elle. *" Tache de rester cachée, pour ne pas les effrayer. Il serait dommage que je rate ma démonstration parce que tu leur as fait peur. "*.

[Melkerah]

Uri déployait autant de puissance qu'elle le pouvait sans s'épuiser pour suivre la dragonne de rubis, mais elle se doutait que quelques battements d'ailes suffiraient à la semer. Pour autant, elle n'allait pas ralentir Rexia plus que nécessaire.

#Très bien... J'ai très rarement utilisé la télépathie, j'espère que ça ne posera pas problème. Mais merci du compliment !#

Elle avait toujours supposé que Rexia connaissait par Jari sa nature de lycan, et donc les inconvénients qui allaient avec. Elle ne se doutait pas que la jeune dragonne n'avait appris tout ça que la veille.
Enfin, la créature scintillante annonça qu'elles arrivaient près des proies. Uri ralentit et leva le museau pour repérer le troupeau et ainsi approcher sans se faire repérer. Heureusement, elle n'arrivait pas avec le vent dans le dos, ce qui aurait porté sa trace olfactive directement aux cervidés, mais elle préféra tout de même faire un détour pour se mettre face au vent. D'un pas de velours, elle avança en se collant au sol jusqu'à voir les biches. Son instinct lui commandait de bondir, mais elle se brida et resta immobile en attendant que Rexia fasse son œuvre.

#Ne t'inquiète pas, rester caché est la spécialité de la famille...# pensa-t-elle à l'intention de Rexia.

La lycan avait veillé à ne pas trop imposer sa pensée pour ne pas risquer de déconcentrer la dragonne, mais elle ne savait pas trop comment manier ce type de communication. Ensuite, elle resta aussi immobile et silencieuse qu'une statue et attendit...

[Rexia]

Uri allait déjà apprendre une chose importante sur les techniques de chasse des dragons... sur celle de Rexia, en tout-cas, bien qu'elle ne soit pas nécessairement un exemple flagrant, sachant que la seule autre dragonne qu'elle connaissait, c'était Melkerah, qu'elle n'avait eu aucun autre exemple dans la vie et qu'elle avait trouvée seule sa technique... : un dragon, ça frappait vite et fort, c'était foudroyant, ça ne laissait aucune chance à sa victime.

Rexia se laissa planer, aussi silencieuse qu'un souffle de vent malgré sa masse, et se plaça juste au-dessus du troupeau. Son ombre cacha le soleil, et les biches relevèrent la tête, les oreilles droites, visiblement inquiète. Lorsque le soleil se cachait en pleine journée, c'était un mauvais présage, même pour les animaux. Avant qu'ils ne la repèrent, la jeune dragonne rouge rabattit donc ses ailes sur ses flans, et se laissa tomber, droite comme un piqué, dans leur direction. Juste avant l'impact, elle déploya à-nouveau les ailes, les faisant claquer au vent dans un bruit de tonnerre. Les équidés la repairèrent alors, tentèrent de se cabrer et de fuir... trop-tard. Elle leur tomba dessus, littéralement, et elle en tua trois d'un coup en les écrasant, deux avec ses pattes-avant, une troisième dans une de ses pattes-arrière.

Autour d'elle, ce fut la débandade, tendis que le troupeau fuyait en désordre, faisant voler poussière, petits cailloux et feuilles qui ricochaient sur ses écailles sans lui faire mal. Mais avant qu'elles ne soient trop loin, elle lança sa tête en-avant, tel un serpent tentant de mordre, et en attrapa une entre ses mâchoires, la souleva et la tua en la cognant contre le sol. Puis elle resta immobile sur ses proies, grognant avec un certain plaisir à ce carnage... elle n'était pas un être mauvais, mais l'instinct du prédateur l'habitait encore... le temps que les autres prennent la fuite, au loin. Mais elle entendit encore les cris et les bruits de sabots de l'une d'entre-elle.

Rexia tourna les yeux vers le bruit : l'une des biches s'était cassée l'une de ses fines jambes, et elle battait l'air de ses sabots en essayant de se remettre debout. Mais la pauvre ne réussissait qu'à se faire mal. La dragonne eut une bouffée de compassion pour elle : tuer pour manger était une chose, être cruel en était une autre. Elle ne faisait jamais souffrir inutilement ses proies, et ne trouvait jamais de plaisir à les torturer. Elle marcha d'un pas droit et digne vers elle et la tua en abattant sa patte sur sa nuque. Elle abrégeait ainsi ses souffrance, et augmentait le fruit de sa chasse.

Elle l'attrapa entre ses mâchoires et la ramena près des autres. Cinq... elle en avait tué cinq en une seule fois. Elle s'impressionna elle-même... a réalité, à chaque chasse, elle n'en tuait jamais plus de une ou deux, et, sa digestion étant lente, elle ne chassait que une fois toutes les une ou deux semaines. Si elle en tuait autant à chaque-fois, elle risquait de faire s'éteindre le troupeau et de ne plus rien avoir à se mettre sous la dents. Elle connaissait cette règle de la nature et la respectait, généralement... mais ce coup-ci, disons qu'elle avait voulu faire du zèle pour sa démonstration... et en plus, toutes ces biches n'étaient pas pour elle, mais elle doutait qu'Uri le sache.

En parlant d'Uri, elle tourna le museau dans la direction de sa cachette... si elle avait dû paraître effrayante pendant son massacre, la férocité avait quitté ses trait, elle semblait désormais plutôt apaisée, tendis que l'adrénaline de la chasse la quittait. Elle lui dit *" J'ai finie, tu peux sortir. "*.

[Melkerah]

Aussitôt, la louve se redressa et sortit des buissons qui la dissimulaient. Uri était impressionnée par ce qu'elle venait de voir, toute la puissance de cette créature qui venait de tuer cinq biches en un instant sans leur laisser la moindre chance d'en réchapper. Et cette créature faisait pratiquement partie de sa famille par le lien avec Jari. C'était particulièrement étrange d'y penser après cette démonstration. La lycan songea qu'il valait mieux ne pas avoir Rexia comme ennemie...
Comme la tentation de la viande et de la chasse devenaient trop forts, Uri préféra reprendre sa forme humanoïde. Elle se contrôlait mieux ainsi.

-Tu es vraiment terrifiante quand tu chasses ! fit Uri.

Mais alors qu'elle disait cela, ni sa voix ni son visage n'exprimaient la terreur. C'était de l'admiration, ainsi que la fierté de savoir sa nièce liée à un tel prédateur, qui imprégnaient son attitude. Il était difficile de relier la jeune dragonne presque enfantine et pleine d'énergie à cette dragonne efficace et implacable, mais la noctalienne s'y ferait.

-Je n'aurais pas aimé être à leur place, ajouta-t-elle en désignant les biches mortes. Enfin, je ne suis pas aussi démunie pour me défendre, mais quand même...

[Rexia]

Rexia s'était déjà allongée sur le sol au-milieu de ses proies, veillant ainsi à ce qu'aucun charognard de vienne lui en chiper un morceau, l'une d'entre elle calée entre ses pattes-avant, et elle avait déjà commencé à lui déchiqueter les flans de ses crocs, rejetant ensuite la tête en arrière pour avaler de gros morceaux tout-rond, lorsqu'Uri la rejoignit finalement. C'est que, déjà qu'elle chassait ce matin parce qu'elle avait faim, chasser était un exercice qui donnait encore plus faim, surtout lorsqu'on avait le goût du sang sur la langue après en avoir tuée une en la mordant.

Prenant les paroles de la noctalienne lycanthrope pour un compliment, aimant grandement la terreur qu'elle pouvait inspirée, que ce soit pour ses proies, pour ses ennemis, et même au final, pour ceux qu'elle appréciait, la jeune dragonne redressa fièrement la tête. Le sang se fondait parfaitement sur ses écailles couleur rubis, mais le liquide couleur vermeil les faisait briller d'avantage et coulait de ses mâchoires pour aller tâcher le sol. *" Merci ! "*, lui répondit-elle d'une voie chevrotante, avant de prendre un autre morceau de viande fraiche, puis de se tourner vers Uri pour la regarder.

Elle fut surprise de voir qu'elle avait repris forme humaine... mais elle n'eut pas besoin de lire dans son esprit pour en deviner la raison. Elle saisit de l'une de ses pattes l'un des corps qu'elle n'avait pas touché et le poussa vers elle : *" Tu peux en avoir, si tu veux. Je ne vais pas tout manger... "*. Elle retourna à sa proie, tout en continuant de parler par l'esprit : *" De toute-façon, toutes ces biches ne sont pas pour moi. Une seule suffira à me repaître pour une semaine, je n'en tue généralement jamais autant d'un coup. Les autres sont un cadeau que je tiens à faire à ta famille. C'est que tu n'es pas la seule que je dois remercier pour la maison. "*.

[Melkerah]

La noctalienne hésita en regardant les biches que Rexia lui offrait, mourant d'envie de se retransformer pour en dévorer une immédiatement. Elle était ravie du cadeau de la dragonne et se réjouissait déjà à l'idée de le partager avec sa famille ; les noctaliens n'avaient rien de gastronomes, ils avaient gardé l'étrange habitude de manger des rations et autres galettes de céréales sans goût, mais ils appréciaient la bonne nourriture et savoureraient ce gibier comme il se doit.

-Merci beaucoup Rexia, dit Uri avec un large sourire, je suis sûre que ça plaira à tout le monde.

Elle hésita encore un peu, mais la tentation était trop forte, et puis elle ne risquait pas tellement de causer des dégâts ici. Rexia n'avait rien à craindre d'un loup, même s'il s'agissait d'un lycan transformé. La noctalienne reprit son apparence lupine et s'attaqua à la plus petite des biches, dévorant avec appétit la viande encore chaude.

#Tu sais, le père de Jari est très fier d'elle. Il ne sait pas le dire, mais il le pense sincèrement. Nerit est très heureux pour elle de t'avoir trouvée. Même si tu l'intimides... Ne répète pas que je t'ai dit ça ! Il serait vexé#

Uri gronda, ce qui était l'équivalent d'un rire sous cette forme. Elle commençait à se sentir un peu plus à l'aise avec la télépathie, mais c'était uniquement parce qu'elle faisait confiance à Rexia. Elle engloutit le croupion charnu de la biche et s'écarta, le museau sanglant, pour laisser le reste aux autres. Ses instincts calmés par le repas, il était plus facile de garder le contrôle, aussi elle resta sous sa forme de louve pour le simple plaisir de se laisser aller à sa nature de lycan.
Un sujet cependant la préoccupait, et elle estima que Rexia était prête à l'entendre. Ne sachant pas si Jari en avait parlé à la dragonne, Uri essaya d'aborder le sujet avec délicatesse.

#Est-ce que Jari t'a parlé des noctaliens ?# demanda-t-elle pour tâter le terrain.

[Rexia]

*" Oh ! Il n'y a pas de raison qu'il se vexe. "*, répondit Rexia, toujours à sa viande, mais réussissant malgré-tout à suivre une conversation par la pensée, lorsque Uri lui parla du père de Jari. *" Après-tout, quelle créature humanoïde, mis-à-part un fou, ne serait pas un minimum intimidé par un dragon ? Et encore, sache que je n'ai pas encore finie ma croissance. Je suis encore considérée comme une enfant, tout-de-moins temps que je n'aurais pas cracher mes premières flammes. "*. Ce détail ne l'agaçait pas vraiment, comme on aurait pu le penser : on la considérait pour une question d'âge, mais maintenant, même Melkerah ne la traitait plus comme une enfant. Elle aimait savoir qu'elle pouvait devenir encore plus puissante qu'elle ne l'était déjà. Elle prit le temps d'avaler une nouvelle bouchée, puis termina en répondant : *" Mais malgré cela, je te promet de ne pas lui répéter ce que tu as dit. "*.

Alors que la tante de sa dragonnière ne mangeait qu'une part de la proie qu'elle lui avait donnée, Rexia, elle, engloutit sa biche en entière. Elle ne s'inquiétait même pas des os qu'elle broyait entre ses dents avant de les avaler, n'en laissant que quelques-uns qui pouvaient se briser en tout petits morceaux et lui piquer les gencives. Lorsqu'elle eut terminée, elle repoussa les quelques restes au loin, à la merci des fourmis, et se laissa aller en s'allongeant sur le sol. Après un bon repas, elle restait toujours au calme, allongée durant un petit moment, le temps que son estomac assimile ce qu'elle avait mangé. Il lui arrivé de faire la sieste... mais être au repos le l'empêchait pas d'avoir l'esprit clair et de bavarder.

Aussi se tourna-t-elle vers Uri, observant cette louve qui semblait également calmée par un bon repas. Elle connaissait la dangerosité des lycanthropes, Jari le lui avait enseignée la veille... mais elle ne craignait pas la louve-garou, ses écailles étaient trop solides pour que des crocs de loup puissent lui faire du mal... et si un malheureux passant venait exacerber ses instincts, alors elle serait là pour l'empêcher de commettre l'erreur irréparable.

Un peu embrumée, elle émergea en entendant la question de Uri, qui la surpris : elle releva un peu la tête et posa son œil ambré sur elle. *" Et bien, il y a les choses dont elle m'a parlé, les choses que j'ai lu dans son esprit, et les choses que j'ai vu par moi-même. Je sais que vous êtes une espèce humaine un peu à-part, même si je ne saisis pas vraiment pourquoi. Vous êtes voleurs, mais pas mauvais. Vous êtes des guerriers habiles et rusés. Vous préférez vivre dans l'ombre et éviter le contact avec les autres, même si vous le faite lorsqu'il le faut. C'est grosso-modo ce que j'ai compris. Pourquoi ? Y-a-t'il quelque-chose que j'ignore ? "*.

[Melkerah]

Uri avait espéré que sa nièce en aurait parlé à la dragonne, mais elle songea que vu son jeune âge et le fait qu'elle ne soit plus vraiment concernée, cela ajouté aux tabous... Jari comprenait-elle elle-même la nature de ses propres semblables ? La lycan ne le savait pas, mais elle croyait de toute façon que Rexia devait savoir. Dans le pire des cas, une discussion avec la cadette du clan serait toujours possible pour éclaircir les choses.

#Oui, en effet# fit Uri.

Préférant garder son esprit pour elle pour parler de ça, elle reprit forme humaine et poursuivit à voix haute.

-Il y a une raison à ce que nous soyons tous des voleurs, expliqua-t-elle, et à ce que nous évitions les gens normaux. Ce n'est pas par choix. En vérité, les noctaliens et les humains sont deux espèces distinctes, même si les deux se ressemblent énormément en apparence. On se distingue par notre peau très pâle, nos cheveux et nos yeux sombres, dans certains cas par nos pouvoirs... Mais surtout par ce qu'on appelle la "faiblesse noctalienne".

Le sujet n'était pas simple et Uri sortit son sabre du fourreau pour le regarder et occuper ses mains tandis qu'elle parlait.

-Jari connait sans doute tout ça, mais je ne sais pas si elle le comprend vraiment, et dans tous les cas... Nous avons toujours vécu dans les secrets et les tabous, alors je suppose qu'elle pourrait l'avoir enfoui au point que tu ne sois pas encore tombée dessus. De toute façon, grâce à toi, elle n'est plus directement concernée...

Tout en se rendant bien compte qu'elle tournait autour du pot, Uri eut du mal à se convaincre d'entrer dans le vif du sujet. Elle inspira et se lança.

-Les noctaliens souffrent, de par leur nature même, d'une sorte de malédiction. Dès notre naissance, l'intérêt et l'attention que nous portent les gens, quelle que soit leur espèce ou leur nature, nous "efface" à petit feu, jusqu'à notre disparition totale et définitive. Chaque fois qu'on nous remarque, chaque regard, et pire encore les sentiments à notre égard nous condamnent, en fin de compte, à connaître une fin peu enviable.

C'était impressionnant comme le simple acte de mettre des mots sur cette fatalité la rendait différente.

-J'ai moi-même failli y laisser la vie, il y a quelques années, mais il semble que j'aie été la toute première à vaincre cette faiblesse, par hasard, le jour où je suis devenue lycan, et j'ai définitivement écarté tout risque pour moi de disparaître. Le deuxième a été mon frère, l'oncle de Jari, mais lui a décidé de nous trahir pour ça. Et Jari est la troisième, grâce à votre rencontre.

[Rexia]

Rexia se redressa, se trouva une position plus confortable en ramollissant la terre de ses griffes, et garda le museau pointé sur la noctalienne, écoutant son récit avec grande attention. Et plus elle avançait dans son récit, plus la surprise s'installait dans l'esprit de la dragonne... ainsi, Jari lui avait caché une chose aussi importante. Si Rexia n'avait pas éclot pour elle, elle serait morte sous les regards des autres, elle aurait disparu. Cela faisait une drôle de sensation pour la jeune reptile. Elle ne savait pas vraiment comment prendre le fait que sa dragonnière n'avait pas jugé utile de lui parler de ça. Était-elle fâché ? Était-elle vexé ? Oh... non, elle ne ressentait même pas cela. Elle était simplement surprise, et ne ressentait pas d'autre sentiment pour le moment.

Et il y avait également un certain détail dans cette histoire qui la touchait grandement : ainsi donc, en se liant à elle, Rexia avait sauvée la vie à Jari, tout comme le loup-garou avait sauvée la vie à Uri en la mordant... bien qu'elle doute que pour ce détail, ça ait été fait avec le consentement de cette dernière. Ce qui était étrange, c'était de savoir que sans Jari, Rexia n'aurait pas pue vivre. A cet instant, elle serait encore dans son œuf à passer de mains en mains. Et sans Rexia, Jari aurait été touchée par la malédiction. Chacune avait offert sa vie à l'autre, et si dans l'ancien temps, un dragonnier offrait sa vie à son dragon, il était rare qu'un dragon offre sa vie à son dragonnier. Est-ce que cela changeait quelque-chose ? Non, pas vraiment... mais Rexia ressentait que le lien qu'elle avait avec Jari n'en était que renforcé.

*" Ainsi donc, si je n'avais pas éclot pour elle, Jari serait morte... "* commença Rexia, avant de se rendre compte que sa phrase n'avait pas de sens : tout-le-monde était condamné à mourir un jour, même elle, même Jari. Mais si elles survivaient aux épreuves de la vie, elles étaient condamnées à mourir dans de nombreuses années, s'endormant paisiblement après la longue vie des dragonniers. *" Je veux dire... je l'ai sauvé de la malédiction planant sur les noctaliens et je lui ai offert une vie "normale". "*.

Rexia ne regardait plus Uri. Son regard se posait sur différents endroits de la forêt. Un arbre, un insecte qui rampe, les cadavres de ses proies, une feuille qui tombe, le ciel... bougeait l'aidait à mieux réfléchir, et la tante de sa dragonnière lui avait donnée matière à beaucoup de réflexion. Puis finalement, elle posa à nouveau ses yeux sur Uri et lui dit : *" Mais je n'ai pas tout saisis : comment peut-on mourir simplement parce qu'on nous regarde ? Pourquoi vous effacez-vous ? Est-ce de la magie, un sort qu'on vous aurez lancé ? Est-ce un virus ? Est-ce un trait naturel de votre espèce ? "*.

[Melkerah]

Uri ne parvenait pas à décoder la réaction de la jeune dragonne, ce qui la dérangeait un peu. Les expressions d'un dragon étaient indéchiffrables pour un humain ne l'ayant pas vraiment côtoyé, et la noctalienne était habituée à guetter les émotions et réflexions de ses interlocuteurs pour s'y adapter, ce qui rendait la situation assez complexe pour elle.
Elle hocha simplement la tête en confirmation de ce que disait Rexia au sujet de Jari, puis chercha comment répondre au mieux à la question qui suivit.

-C'est un peu compliqué... C'est un trait naturel de notre espèce, c'est notre nature même. Mais ce n'est pas vraiment "mourir", c'est autre chose : on considère qu'un noctalien ne "meurt" pas. On dit qu'il disparait, qu'il s'efface de la réalité, qu'il part dans le néant... C'est progressif, et son corps s'efface en même temps que son esprit quand il a dépassé la limite.

La lycan se leva et imita Rexia, bougeant pour organiser ses idées. Elle éluda une partie du sujet, qu'elle avait décidé de ne pas révéler à sa nièce, sachant qu'en parler à Rexia revenait à le dire à Jari.

-Tu sais, ce que tu connais des noctaliens est trompeur. Les Umbra sont totalement à part parmi notre race à cause de mon influence, que ce soit une bonne ou une mauvaise chose. J'avais été séparée d'eux quand j'avais à peu près l'âge de Jari et je suis arrivée à Clantor il y a quelques années. Ensuite j'ai été transformée en lycan, et divers autres événements m'ont décidée à retrouver ma famille et à la ramener ici pour changer leur vie. Nous ne vivons presque plus comme de vrais noctaliens.

Sentant bien à quel point elle avait plombé l'ambiance, Uri leva une main de laquelle s'échappa aussitôt une sorte de fumée de noirceur pure, comme celle qu'avait utilisé, une fois, Jari elle-même*. Avec un effort manifeste, Uri donna à sa noirceur la forme grossière d'un dragon en vol et sourit.

-Notre héritage a tout de même des avantages non négligeables !

Elle réussit à faire battre les ailes de son modelage maladroit, mais étant donné que c'était son premier essai artistique, le résultat était plutôt satisfaisant.

*voir la première mission de Jari et Rexia, RP abandonné dans l'océan

[Rexia]

*" Tu as raison : c'est compliqué. "* répondit Rexia, grattant le sol d'un air absent, réussissant ainsi à avoir les pattes occupées et à organiser son esprit et ses pensées, creusant un sillon dans le sol et dérangeant au passage une colonie de fourmis. Elle ne faisait cependant pas plus attention aux petites bêtes noires qui grimpaient sur ses griffes, cherchant dans une veine tentative à protéger leur fourmilière de cette intruse maladroite, que si ça avait été un souffle de vent sur ses cornes. Elle ne les sentait pas, n'avait même pas fait attention à ce qu'elle faisait. *" C'est compliqué. Je ne pense pas avoir tout saisi. Mais j'imagine que c'est comme si je tentais de t'expliquer ce que ça faisait de voler : on ne peut pas le saisir totalement sans être un dragon, et je ne peux pas saisir totalement la nature noctalienne, puisque je n'en suis pas une. Je pense déjà en avoir compris assez pour voir où tu veux en venir. "*.

Après avoir longuement réfléchie à ce que venait de lui apprendre Uri, et en avoir déduit cette vérité, qu'elle ne saisirait pas la totalité de cette fausse-mort et de sa nature, mais qu'au moins elle en avait saisi l'essentiel, elle releva le museau vers Uri... pour la voir en-train de jouer avec son simulacre de dragon fait de fumée noire. Curieuse, la jeune dragonne se leva et alla observer la magie par-dessus l'épaule d'Uri. En effet, cette représentation n'était qu'une pale copie d'un véritable dragon. Elle trouvait en-fait que ça ressemblait d'avantage à une grosse libellule. Mais bon, c'était joli. Les mouvement de queue de Rexia et la lueur dans ses yeux montrèrent qu'elle aimait bien.

*" C'est amusant. "* dit-elle. *" Penses-tu que je serais aussi capable de le faire, ou est-ce un pouvoir typique des noctaliens dont tu m'as parlée ? "*. Elle hésita un instant, puis ajouta *" J'espère que ce n'est pas moi que tu voulais représenter, parce que je ne suis pas aussi grassouillette ! "*. Elle fit rouler le grondement de son rire de dragon à travers sa gorge.

Rexia hésita également à poser la question suivant, comprenant que Uri semblait vouloir changer de sujet. L'ennui, c'était qu'elle avait piqué sa curiosité à vif, et que lorsque notre petite curieuse de dragonne se posait des questions, il fallait qu'elles sortent de son esprit, et elle faisait alors en sorte d'obtenir des réponses. Donc, finalement, elle posa une dernière question : *" Tu dis que l'oncle de Jari vous a trahis... mais pourquoi ? Qu'a-t-il fait ? "*.

[Melkerah]

La noctalienne laissa son ersatz de dragon s'évaporer en riant.

-Je t'avoue que je suis déjà assez fière que ça ait ressemblé à quelque chose, alors je ne me serais pas risquée à te vexer en te représentant !

Puis Uri reprit un peu de sérieux pour ses explications au sujet de cette magie.

-En fait, ce que je viens de te montrer est une sorte de dérivé des pouvoirs spécifiques aux noctaliens. Aux dernières nouvelles, je suis la seule capable de faire ça, et ce uniquement suite à... des circonstances particulières.

Se maudissant d'avoir failli parler de cet épisode tragique à Rexia, Uri fut presque soulagée par la question pourtant à peine moins tragique qui suivit. Elle baissa un instant le regard et évoqua la terrible trahison de son frère.

-Eh bien... C'est une longue histoire, alors je vais résumer. Autrefois, à la période où j'ai ramené le clan à Clantor, j'avais un ennemi très dangereux. On a passé pas mal de temps à essayer de s'entretuer... Cet ennemi n'était pas humain, ou plutôt il ne l'était plus, et de la même manière qu'un lycan, il pouvait transmettre sa transformation. Lors d'un affrontement où quasiment toute la famille avait du prêter main-forte, Romias a décidé de nous tourner le dos pour se faire transformer. Il nous a reniés et s'est allié à notre ennemi pour ne plus subir la malédiction.

[Rexia]

Rexia leva un sourcil interrogateur : elle se demandait quelles étaient ces "circonstances particulières" que Uri venait, elle en était persuadée, de lâcher par inadvertance. Comme dit plus tôt, chaque fois que la jeune dragonne se posait une question, elle voulait avoir une réponse... mais cela allait après le respect qu'elle pouvait porter aux autres, et elle comprenait bien que la noctalienne avait lâchée quelque-chose qu'elle regrettait et qu'elle ne voulait pas partager avec un tiers. Elle s'empressa d'ailleurs de répondre à sa dernière question avec un peu trop de plaisir, vu le sujet, qu'elle aurait dû en avoir. Une lueur traversa les yeux de la dragonne, montrant qu'elle avait compris qu'elle cherchait à lui faire oublier ses paroles...

Et finalement, Rexia accepta d'oublier ce petit incident... tout-du-moins, elle accepta de le mettre de côté, mais il était possible qu'elle tente d'aborder le sujet de façon détournée, un jour, ou alors qu'elle interroge Jari. La question allait tarauder l'esprit de la dragonne de rubis pendant quelques heures... mais elle ne voulait pas forcer la main à son amie, si elle ne voulait pas lui en parler, et ceux malgré la curiosité de son jeune âge. Alors elle mit de côté cette interrogation et écouta attentivement ce qu'elle lui raconta.

Lorsqu'elle eut terminée, Rexia montrait les crocs, non pas contre elle, mais contre un noctalien sans visage qu'elle était en-train de s'imaginer voir, représentant pour elle ce Romias qu'elle ne connaissait pas. De tous les méchants qu'elle avait put connaître en lisant des contes ou en se les faisant raconter, les "traîtres" étaient ceux qu'elle détestait le plus, particulièrement ceux qui tournaient le dos à leur famille. Trahir était une action indigne, à ses yeux. Si Rexia avait été née à cette époque, et qu'elle avait connue l'oncle de sa dragonnière, si elle l'avait appréciait autant qu'elle appréciait Uri... alors elle aurait prise cette trahison comme une insulte, et elle aurait réagit comme tout dragon face à un traître : elle lui aurait arraché la tête d'un coup de dents. Elle se demandait si le clan noctalien avec lequel elle vivait ressentait la même chose...

Rexia l'aurait fait, et elle n'en aurait pas eue honte, quitte à s'attirer les foudres de la famille, car c'était dans sa nature... mais elle décida de ne pas parler en ces termes à Uri, pour cette fois, car au cas où elle ne serait pas d'accord, il serait inutile de se fâcher pour une hypothèse sans fondement, puisque ce n'était pas arrivé. A la place, elle conclut, le museau un peu bas pour montrer qu'elle était sincère : *" C'est triste. Je suis désolée pour tout-cela, Uri... je suis aussi désolée pour les autres membres de ta famille qui sont encore liés à cette malédiction. Si je pouvais, je partagerais mon pouvoir avec chacun d'entre-eux... hélas, un dragon ne peut se lier qu'à une seule personne. "*.

Et de toute-façon, elle doutait que son corps puisse supporter plus que son âme et celle de Jari sans la rendre folle. Elle réfléchit un instant à d'autres questions qui lui tourmentaient la cervelle. Elle se souvenait avoir entendu parler d'autres créatures de la nuit, proche des lycans, sans être de la même espèce. Proche dans les légendes, en fait... alors elle demanda : *" Ton ennemi, était-ce un vampire ? "*.

[Melkerah]

Uri haussa une sourcil, surprise par la supposition fort pertinente mais bel et bien erronée de Rexia au sujet d'Amok. Malgré elle un gloussement sans joie lui échappa.

-Si seulement, dit-elle avec amertume, mais non, ce n'était pas un vampire. Il était d'une race dont il semblait être le premier représentant, les "homo-novus" comme il disait...

Un rictus méprisant déforma le visage de la noctalienne tandis qu'elle tentait d'expliciter cette obscure appellation.

-Il s'agit d'espèces d'humanoïdes monstrueux avec des tentacules dans le dos. Ils contrôlent des insectes qu'ils logent dans leur propre corps... Crois-moi, tu n'aimerais pas en voir un.

Une fois sa rage retombée, elle revint sur la précédente déclaration de la jeune dragonne.

-Même si tu avais la possibilité de sauver d'autres noctaliens en te liant à eux, je ne voudrais pas que tu le fasses. Ni toi ni Jari n'en sortiriez indemne... et ce n'est pas à vous de porter ce poids. Tu sais, je pourrais les mordre pour les transformer... Et je le ferai sans doute si cela devenait trop urgent. Mais ce n'est pas une véritable solution. Trop d'entre nous risqueraient de ne pas réussir à se contrôler, ou d'en souffrir, et cela ne protégera pas les générations suivantes. C'est pour ça que je recherche encore un autre moyen.

[Rexia]

"Homo-novus" ? Mh, rien qu'à entendre ce nom, Rexia sentait qu'elle n'allait pas aimer l'espèce qui la représentait. Non-pas qu'elle soit "raciste" ou quoi que ce soit, bien que comme la plupart des dragons, elle considérait qu'aucune espèce ne lui était supérieur en puissance et en beauté... surtout qu'à son âge, à-part Melkerah, elle n'avait eue l'occasion de rencontrer aucune autre créature lui étant plus forte... mais ce nom-là, elle ne le sentait pas. Il sonnait à ses oreilles comme le nom d'un parasite. Peut-être était-ce le ton qu'utilisa Uri pour le prononcer et sa grimace de mépris qui la conforta dans cette idée. Désireuse d'en savoir plus, elle écouta avec une grande attention...

Vivre avec des insectes logés dans son corps ?! Elle trouva cette idée répugnante ! Finalement, elle n'avait pas été loin de la vérité : plutôt que d'être un parasite, c'était lui qui contrôlait les parasites, et même qui leur donnait naissance. Rien qu'à cette idée, elle eut l'impression de sentir plein de petites bestioles ramper sous ses écailles et en eut un frisson. Mais elle ne laissa pas effrayer par cette créature... elle redressa fièrement le museau et répondit à la tante de sa dragonnière : *" Si j'en voyais un, et particulièrement si je voyais celui que tu sembles tellement haïr, je me ferais un plaisir de lui arracher la tête uniquement pour te débarrasser de ton ennemi. Je ne suis pas adulte et je ne peux pas encore cracher de feu, mais tu peux me croire : Jari est ma dragonnière, et toi et les autres noctaliens êtes sa famille... et donc, vous êtes ma famille également ! Vous pourrez compter sur moi dans vos batailles. "*. Elle lui fit un clin d’œil qui fit crisser ses écailles comme deux morceaux de métal, et termina en demandant : *" Et depuis, y-a-t'il eu d'autres homo-novus, à part ton frère ? Et sont-ils tous de nature "mauvaise" ? "*.

Par la suite de la conversation, Uri fit preuve d'une grande vivacité d'esprit : tout comme Rexia, elle avait compris que partager son âme avec d'autres que sa dragonnière serait douloureux pour la jeune dragonne... bien qu'elle aurait fait en sorte de laisser Jari en-dehors de ça. Mais ça ne l'étonna pas, au fond : elle avait toujours vu Uri comme une personne particulièrement intelligente. Elle lui accorda un léger sourire de dragon et lui répondit : *" Tu as raison... mais si je le peux, j'aimerais quand-même vous aider. "*. Elle déploya ses ailes : *" Je possède le moyen de me déplacer rapidement sur de longues distance. Si tu le souhaites, je peux faire des recherches, essayer de voir si il n'existe pas d'anciens moyens, magiques ou pas, pour vous débarrasser de la malédiction. "*.

[Melkerah]

Uri eut un petit sourire triste.

-Même s'il était encore un danger pour nous, jamais je ne te laisserais approcher cet individu. Il a bien plus de ressources que tu ne peux l'imaginer et je refuse de risquer la vie de Jari et la tienne dans ces conditions. Non que je doute de ta puissance... Simplement, l'expérience m'a appris que la puissance ne fait pas tout, surtout contre lui. Un jour, tu seras sans aucun doute de taille, mais pour le moment, tu dois encore grandir. Mais ton soutien m'est très précieux, et je t'en remercie.

La noctalienne sourit plus joyeusement, bien qu'inquiète d'avoir peut-être vexé la fougueuse dragonne de rubis.

-Oui, il y en a d'autres, même si je ne sais pas combien. Je ne sais pas s'ils sont "mauvais", mais d'après ce que j'en sais, ils s'estiment supérieurs aux autres races, qu'ils veulent anéantir pour prendre leur place.

La sollicitude de Rexia était touchante, si sincère et impliquée, mais Uri savait que la jeune dragonne ne pourrait sans doute rien. Elle garda cependant la proposition en tête, au cas où.

-Si j'ai besoin de ton aide, je te préviendrai. Pour le moment, je ne crois pas que tu puisses faire quoi que ce soit, mais si c'était le cas, j'accepterais ta proposition avec grand plaisir.

[Rexia]

Rexia observa longuement la noctalienne de son œil d'ambre, ne sachant vraiment si elle devait prendre ses mises en garde au sérieux... ou tout-du-moins, ne sachant pas si elle voulait les prendre au sérieux. Finalement, bien que légèrement vexée, touchée dans son amour-propre de dragonne, elle ne fit pas de remarque... elle se contenta de faire mine de détourner les remarques d'Uri d'un coup de museau, et poussa un son qui ressemblait à s'y méprendre au "pf" qu'aurait poussé un humain vexé et désireux de changer de conversation. Elle ne voyait pas en quoi un homme au corps rempli d'insectes pouvait bien être dangereux. Dès qu'elle aurait appris à souffler le feu, il lui suffirait d'un bon coup et elle les réduirait, lui et toute sa "ruche", en cendres. Elle ignorait tout de cette créature, c'était vrai... mais elle refusait d'imaginer qu'elle puisse être plus forte qu'elle. La fougue de sa jeunesse, encore une fois. Au moins eut-elle assez de maturité pour ne pas lancer plus en avant la conversation, ni de répliquer, au risque de se disputer avec son amie.

Supérieur aux autres races, ça, elle le comprenait... elle se considérait comme tel aussi, et n'hésitait pas à le montrer en exhibant sa force et son adresse. C'était la raison pour laquelle elle aimait tant les acrobaties aériennes qui effrayaient tant sa dragonnière. Mais au point de tuer les autres races... là, il y avait quand-même un monde. Peut-être était-ce parce qu'elle était liée à une humanoïde, mais elle n'avait jamais aspirée à détruire, ou à régner sur les autres... elle voulait qu'on la reconnaisse pour sa valeur, mais rien de plus. Ces êtres, elle n'avait qu'un mot pour les décrire : *" Ce sont des parasites ! "*, et elle s'arrêta à cette simple remarque.

Oubliant bien vite cet incident, elle se tourna à-nouveau vers Uri. Elle ne voyait pas en quoi la dragonne pouvait lui être utile, pour le moment... elle non-plus, d'ailleurs. Mais elle avait des yeux, des oreilles, et des ailes. *" Très bien. "* dit-elle, retrouvant son timbre neutre et amical. *" Je reste à ta disposition. Mais je garderais également les sens en éveil. Si j'apprend que quelque-chose peut t'être utile, je t'en ferais part. "*. Elle lui fit un nouveau clin d’œil, puis allongea sa tête sur le sol pour se reposer.

Mais elle se sentait quand-même inquiète : Jari survivrait à cette malédiction, mais si on ne trouvait pas un moyen de sauver sa famille, elle souffrirait de survivre alors que les autres périssaient simplement parce qu'on les aimait. C'était l'un des mauvais côtés de l'immortalité : survivre à ses proches, à sa famille, à ses amis. Mais les perdre ainsi, par une maladie qu'on devrait aussi avoir et à laquelle on échappait par pure chance... elle avait l'impression que ça devait être encore pire. Jari pourrait se sentir coupable de survivre, et d'autres, encore, pourraient être jaloux. C'était la raison pour laquelle elle voulait tant aider : au-delà de sa sympathie pour les noctaliens, elle voulait éviter cela à Jari. *" Jari connait-elle tout de cette malédictions ? "* voulut-elle alors savoir. *" Ou y-a-t'il des parties qui lui ont été cachées, aussi ? "*.

[Melkerah]

Uri grimaça brièvement devant la réaction de la dragonne. Il était évident, même pour elle qui ne déchiffrait pas bien ses expressions, que Rexia était vexée, ce qui l'inquiétait : la jeune dragonne ne croyait pas à la dangerosité d'Amok. Heureusement que ce dernier n'était plus, parce que Rexia pourrait bien prendre des risques inconsidérés sinon...
La noctalienne accepta sans broncher de changer de sujet et inclina légèrement la tête en signe de reconnaissance quand la dragonne l'assura de son soutien. La question suivante, pas si simple, la fit soupirer.

-Hmm... Eh bien pour être honnête je ne sais pas. Jari est la plus jeune du clan et ne se souvient donc pas aussi bien de notre ancien mode de vie, et sachant que nous ne parlons presque jamais de ce genre de sujet... Cela fait encore trop peu de temps que nous avons changé pour pouvoir en parler librement.

Elle se tut quelques instants avant d'ajouter :

-Mais ne te méprend pas, si elle ignore quelque chose de cette malédiction, ce n'est pas qu'on le lui a "caché", ce n'est pas volontaire de notre part. C'est simplement... que personne n'en parle. Enfin, à part moi, mais c'est une situation exceptionnelle. Si tu en parles avec elle et qu'il s'avère qu'elle ignore des choses, je serai là pour lui en parler. Si elle le souhaite.

Ce qu'Uri ne dit pas, c'est qu'on cachait bel et bien quelque chose à sa nièce, mais puisque ce n'était pas exactement sur la malédiction, elle n'avait pas menti à Rexia. Elle s'y refusait. Ce fut à elle de changer de sujet.

-Bien, on devrait rentrer avant que la viande se gâte !

[Rexia]

Rexia resta un instant silencieuse... elle comprenait pourquoi les noctaliens ne voulaient pas parler de leur malédiction. Ce sujet devait être aussi tabou pour eux que le serait pour elle le fait d'avoir cette maladie dont lui avait un jour parlé Melkerah, mais dont elle avait oublié le nom. C'était une maladie qui faisait tomber les crocs et jaunir les écailles, et qui était mortelle à long terme, , car si ce n'était pas le virus, c'était la faim qui nous tuait, et bien-évidemment cette maladie été incurable. Un dragon pouvait l'attraper en mangeant de la chaire faisandée, c'était la raison pour laquelle ils évitaient de manger des charognes et préféraient les proies qu'ils tuaient eux-même. C'était, au final, presque le même genre de maladie : mortelle dont on ne voulait pas parler. Et elle se rendait également compte à quelle point il avait dû falloir du courage à Uri pour aborder le sujet avec elle, un sujet qui ne devait pas vraiment la rendre heureuse. Elle lui en était reconnaissante de l'avoir fait, de ne la laissant ainsi pas dans l'ignorance, et lui permettant de mieux comprendre cette famille dans laquelle elle était née...

*" Merci... "* lui murmura-t-elle, supposant que Uri était assez intelligente pour comprendre la raison de ce remerciement sans qu'elle n'eut à lui donner d'explication. Puis elle continua en disant : *" Je n'en parlerais pas avec Jari, car j'imagine que tu m'as dit tout ce qu'il y avait à savoir. Et puis, si il y a vraiment des choses qu'elle ignore, je pense que ce n'est pas à moi de les lui enseigner. Cela touche intimement votre race et votre famille, dont je ne fais pas totalement partie, même si je suis liée à l'une des votre. C'est à sa famille de le faire. Tout du moins c'est ce que je pense. "*. Elle changea de position avant de continuer : *" Et puis, je crains que cela soit un sujet douloureux également pour elle. Vois-tu, quand un dragon se lient à son dragonnier, il lui apporte sa longévité, presque l'immortalité. Je sais que ça peut être triste, car elle verra ses proches mourir et leur survivra. Je ne voudrais pas qu'elle se sente coupable en sachant qu'elle a échappée à cette mort-ci alors que les autres y sont encore soumis. "*.

Rexia en avait assez de cette discussion : elle avait voulu passer une agréable après-midi avec Uri, et elles parlaient de sujets tristes. Elle se rendait compte que c'était important, mais maintenant que sa curiosité était étanchée, elle voulait passé à quelque-chose de plus léger, et elle supposait que son amie le voulait également. Alors elle lui laissa ajouter quelque-chose si elle le désirait... puis, ayant une soudaine envie, eut un grand sourire : *" Me ferais-tu une démonstration de chasse d'un loup-garou ? J'avoue être assez curieuse de voir ça. "*. Se souvenant également de la peur de Uri de perdre le contrôle et d'attaquer des innocents, elle lui promit : *" Ne t'en fait pas : si les choses doivent dégénérer, je serais là pour te bloquer sous ma patte. "*.

Comme pour faire une démonstration, elle leva sa patte avant-droite et frappa violemment le sol, faisant voler un nuage de poussière, de feuilles et de brindilles. Elle y laissa une empreinte de cinq centimètres de profondeur... elle prit également un peu de terre dans les naseaux et éternua.

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