Re: Mission récupération

[Thurias de Narzyom]

Et Thurias grogna à nouveau. C'est vrai quoi ! Il s'embête à maintenir la couverture de Saké pour que celle-ci ne la fasse tomber comme un château de carte en créant des clones d'elle même. De plus, cette intervention avait détourné l'attention de ces insectes répugnants. Beaucoup moins intéressant de leur briser le crâne lorsqu'il ne s'y attendent pas... Le barbare continua alors à faire tournoyer son lourd marteau de guerre accompagnés de cris brutaux. Quelques insectes se retrouvèrent estropiés par l'attaque du barbare, certains morts sur le coup. Momentanément imprudent, Thurias dût vite se reprendre ne main lorsqu'il sentit l'un d'eux lui foncer dessus malgré tout. Malheureusement, dans toute cette agitation, le barbare n'eût le temps de se retourner qu'une fois la bête sur lui. Top proche pour le frapper convenablement, le nazyite donna un coup de marteau de petite envergure sur la tête de la bestiole, seulement, cette dernière semblait acharné, et même presque fanatisé. Elle grimpa sur Thurias et tenta de lui planter ses crochets venimeux. Malgré la bonne volonté du barbare, la bête ne voulut pas lâcher prise, et elle parvint à frapper le barbare d'un de ses crochet. Thurias poussa un cri de colère mêlé de douleur et repoussa violemment la bête, qui, ainsi envoyée se retrouva sur le dos, laissant au barbare le loisir de broyer son ventre d'un grand coup de masse.

La respiration haletante, le narzyite décida de s'éloigner du combat un instant. Il ne doutait aucunement du fait qu'il eût été piqué, seulement, il voulait savoir à quel point. Une fois en arrière, non loin d'un gros rocher, il s'agenouilla et observa sa blessure : l'animal avait frappé au tibia droit, et le venin dégoulinait encore de la plaie. Aucune os n'avait été touché, juste  un muscle qui semble tenir le coup. Thurias soupira : Il détestait être empoisonné. Sa constitution impressionnante le rendait très résistant à certains poison, mais il était également au courant du fait que certains venins et poisons sont bien plus forts que d'autres. Il dégagea d'un coup de main le venin qui dégoulinait encore de sa plaie et prit un morceau de braie encore attaché à sa botte pour panser sa plaie. En faisant le bandage, il repensa d'ailleurs que ces foutus insectes avait eu raison de ses vêtements narzyite qu'il avait réussi a garder jusqu'ici en état... Correct. Mécontent, très mécontent. A peine eût-il finit son bandage qu'il monta à nouveau à l'assaut, avec un cri de guerre monstrueux, sautant en avant, masse en l'air afin de l'abattre sur un insecte malchanceux. Dans toute cette animalité, Thurias prit le temps de dire à Uri :

"J'me suis fait piqué par l'un d'eux, j'espère que tu sauras traiter ce venin !"

Au fur et à mesure des coups qu'ils portait, Thurias se sentit moins énergique. Le poison faisait déjà effet apparemment. Sa pensée était alors devenu simpliste : Tuer le plus vite possible avant de ne devenir trop faible.

[Mortelune]

Au fur et à mesure que Saké s'éloignait du lieu de la rixe, les bruits d'affrontements se faisaient de moins en moins perceptibles. Toujours aux aguets, tous sens en alerte, la jeune femme ne tarda pas à voir lui sauter aux yeux des signes évocateurs d'une piste à suivre.

Branchages rompus, feuillages anormalement déplacés, empruntes de pas relativement visibles par endroits... La comédienne était loin d'être une pisteuse hors pair et aurait certainement beaucoup à apprendre sur le sujet, notamment d'un professeur comme Thurias, mais en l’occurrence, les indices à suivre étaient tout sauf imperceptibles. Alors qu'elle continuait à se mouvoir le plus silencieusement possible à mi hauteur entre le sol mousseux et les cimes de la canopée, Saké ne pouvait s’empêcher de se questionner au sujet de sa stratégie. Ce qui l'inquiétait le plus était de savoir comment ses deux alliés interpréteraient son choix. Verraient-ils cela comme une sorte d'abandon, de désertion ? Une marque de lâcheté ? Elle s'imaginait déjà devant eux, plaidant sa cause et sa bonne foi et inconsciemment, elle choisissait déjà les mots qui composeraient son argumentaire. 

Techniquement sa stratégie était la meilleure. Assurément. Uri avait insisté sur ce point. La commanditaire leur avait offert carte blanche. Improviser, surprendre, prendre à revers. Ce genres d'approches étaient sa spécialité a elle. Elle laissait volontiers les batailles rangées où l'honneur prévaut sur le culot à ce bon vieux barbare de Thurias. Chacun devait faire avec ses qualités et ainsi mettre à profit au mieux son talent et ses compétences. L'essentiel était de parvenir à ses fins. Intercepter Romias. Mettre la main dessus avant qu'il ne s'échappe, lorsqu'il s'y attend le moins. Lorsque c'est imprévisible.

Et quoi de moins prévisible de se faire pourchasser par une personne que l'on croyait morte ?

Ce petit exercice d’auto-persuasion mentale lui redonna un peu de baume au cœur. Peu importaient les réactions des autres au final. Elle saurait s'en accommoder le moment venu. Et ce moment force sera de constater qu'elle avait eu raison et que son talent avait une fois de plus rayonné sur l'ensemble du groupe. Avec un peu de chance, peut-être l’applaudiraient-elle ? En tout cas, s'ils étaient beaux joueurs, ils le devraient.

Perdue dans ses délires égocentriques, Saké se rapprochait petit à petit de son but. Tout était silencieux à présent, plus aucun bruit de combat. Même la faune locale semblait avoir déserté les lieux.

[Melkerah]

Uri comprit vite l'urgence de la situation. Thurias, qui semblait mettre une ardeur renouvelée à massacrer leurs adversaires, lui apprit qu'il venait d'être piqué par un des monstres. Si sa logique était bonne, la noctalienne en déduisait que le venin risquait d'amoindrir les capacités du barbare qui se dépêchait donc d'en finir avant de se retrouver en situation périlleuse. Elle s'empressa d'aider le Narzyite à mettre fin au combat, ce qui fut relativement rapide grâce à la rage presque animal qu'il y mettait.
Une fois le dernier insecte abattu, elle se dirigea vers son coéquipier et regarda où il avait été touché : à la jambe, vers le tibia vu le bandage déjà imbibé qu'il s'y était confectionné.

-C'est profond ? demanda-t-elle. Je ne sais pas quel genre de venin c'est, je ne peux donc pas t'assurer que je saurai quoi y faire, mais connaissant ces saletés, il y a un risque pour qu'il t'ait infecté avec des œufs. Vu la bête, j'ai des doutes, mais tu devrais vérifier...

Tout en disant cela, elle sortit son petit matériel de soin et fit le tour des antidotes divers et variés. Avec une grimace, elle en désigna un.

-Essaie celui-là, dit-elle, il faut en appliquer sur la plaie et en avaler un peu. C'est répugnant, mais souvent efficace. Si dans un quart d'heure il n'y a pas d'amélioration, on essaiera autre chose...

La lycan était soucieuse. Elle n'avait aucun moyen de s'assurer qu'elle avait de quoi traiter l'empoisonnement de Thurias, surtout qu'étant des créatures artificiellement conçues, les monstres chitineux pouvaient très bien posséder un poison encore inconnu.

A bonne distance de l'échec cuisant qu'avait été l'assaut, l'homo-novus qui avait supervisé l'affaire se croyait en sécurité, caché dans un tronc creux. Elle était en train de chercher frénétiquement comment expliquer à son chef qu'elle avait du fuir. Romias allait la massacrer ! Trop préoccupée par sa situation, elle ne sentit pas la comédienne approcher silencieusement de sa cachette. En revanche, les sentinelles la virent et transmirent l'information à leur maître, qui décida froidement de sacrifier son pion.

[Thurias de Narzyom]

Le barbare inspecta à nouveau sa plaie, au beau milieu du grotesque charnier qu'il avait engendré avec Uri. Il releva les yeux vers Uri et se redressa. Sa vision semblait plus trouble et la voix de la noctalienne était plus sourde. Il compris cependant la question et répondit approximativement :

"Je... Je crois pas. Ça a percé un muscle, mais j'ai... Je me remets bien de ce genre de blessures... Pas de... Soucis. Pour les œufs, je ne m'inquiète pas non plus. Mon sang... En viendra à bout."

Thurias sombra alors à nouveau dans une rêverie, le temps qu'Uri ne trouve un remède. Son esprit tentait de rester combattif. Il savait pertinemment que le venin agissait et le rendait lent et faible. Un peu de plus, et il s'endormait. Ses paupières se fermaient à vue d’œil et son visage s'avachissait. Vite, il faut se reprendre ! Rester en alerte ! La mission n'est pas terminée. Thurias attrapa le breuvage d'Uri, et suivit ses consignes à la lettre. En l’appliquant, Thurias n'offra même pas une grimace. Cependant, en le buvant, le visage du barbare fut tordu de dégoût. Il n'avait probablement jamais bu quelque chose d'aussi répugnant, mais il ne cracha rien et ne vomit pas. Il rendit la potion à Uri en s'essuyant la bouche d'un revers de main, toujours le visage tordu par le dégoût.

"J'espère que les autres traitements sont plus... Agréables à boire."

Le venin semblait persister mais Thurias se porta mieux. La potion et son sang de gorgone faisait très bien le travail. Soudain, Thurias se sentit plus réactif et c'est alors qu'il réalisa. Il tourna la tête de tous les côté, comme si il se sentait épié, puis il se tourna vers Uri et questionna :

"Où est Saké ?"

[Mortelune]

Saké fut extrêmement étonnée de parvenir si vite à ses fins. En suivant les traces grossières, elle était arrivée à proximité du lieu qui semblait avoir servit à la préparation de l'assaut auquel ses compagnons et elle même avaient été confronté.


Il ne restait visiblement qu'un individu sur place, qui peinait grandement à se faire discret, malgré le fait qu'il avait trouvé refuge dans le cœur d'un arbre creux. Saké avait progressé en arc de cercle autour de son objectif afin de rester indétectable au possible et de tenter une approche par le flanc de ce qu'elle pensait être la planque de Romias. Il, ou du moins l'individu repéré, était visiblement agité et nerveux. Il ne semblait pas avoir constaté son approche et cela convenait très bien à la jeune femme qui n’était pourtant pas dotée de grandes aptitudes en matière de furtivité.


De sa position, un peu en retrait, elle put observer un moment sa cible. Elle ressemblait assez à l'une des gravures qu'avait montré Uri, alors qu'elle était encore à la Taverne du Loup Hurlant à la Lune. Cet être était tout à fait étrange, à mi chemin entre l'humain, l'insecte et d'autres choses encore. Malgré son avantage stratégique certain, Saké restait méfiante. Elle n'aimait pas cette chose, sa constitution et les moyens de défense dont elle semblait disposer.


Elle souhaitait en finir rapidement. Cependant, l'objectif était clair, il fallait neutraliser sans tuer. 


Bien décidée à tenter une attaque sournoise de dos, Saké se mit alors à courir rapidement vers sa cible, le manche de son épée fermement tenu par ses deux mains crispées placées à hauteur de hanches. Avançant à grandes foulées, la lame d'acier se balançait derrière elle, dans son sillage.


Lorsqu'elle fut à distance raisonnable, la comédienne hurla un cri rageur qui fit sursauter sa cible. Cette dernière se retourna aussitôt vers Saké, ne pouvant que constater le plat de la lame de l'artiste s'abattre sur son crâne.


-"On fait moins le malin là, HEIN !!!!!" hurla Saké à l'attention de sa victime gisant au sol.


La bête s’écroula de tout son poids sur le sol, assommée mais visiblement bien vivante à en juger par les mouvements respiratoires saccadés de sa cage thoracique. D'un geste du pied, Saké fit se retourner l'Homo-Novus afin qu'elle lui présente son visage. Elle jugea celui-ci plutôt immonde et légèrement difforme. Elle fut néanmoins prise d'un doute. A y regarder de plus près ce monstre ne ressemblait pas vraiment au portrait qu'avait proposé Uri. Il y avait quelques traits communs, certes, mais les similarités étaient loin d'être flagrantes. 


Dans tous les cas, Saké pris l'initiative de ligoter fermement sa prise. Il lui faudrait soumettre celle-ci à l'identification d'Uri quand elle et Thurias la rejoindraient.


Si ils étaient toujours en vie, ce dont elle n'avait aucune certitude.

[Melkerah]

La noctalienne ne commenta pas l'air hagard de Thurias, mais eut une grimace amusée à la mention du goût ignoble de la potion.

-Je crois que celui-ci est l'un des pires, mais au moins il est efficace. Enfin, en général.

Elle surveilla attentivement Thurias tandis que l'antidote agissait, cherchant un signe d'efficacité ou d'échec. Avec soulagement, elle crut constater un léger mieux, étonnamment rapide en plus.
Mais le barbare la tira de ses réflexions en rappelant que Saké n'était plus avec eux. Uri fronça les sourcils et se remétamorphosa en louve pour améliorer son odorat et ainsi trouver la piste de la comédienne. L'odeur était ténue, mais elle parvint à déterminer la direction à suivre jusqu'à trouver le chemin emprunté par Saké, où son odeur était bien nette.
Ils s'enfoncèrent dans la forêt et tombèrent sur elle, accompagnée d'un prisonnier ligoté. Le cœur d'Uri sauta un battement : l'individu était un homo-novus... Romias ? Elle reprit forme humaine et se précipita pour s'en assurer.

-Bien joué Saké... souffla-t-elle en se penchant sur le captif inconscient.

Mais l'identification ne donna que déception.

-Ce n'est pas lui, constata-t-elle d'un ton amer.

Ce fut, évidemment, le moment que choisit l'inconnu pour retrouver ses esprits.

Dès qu'elle eut les idées à peu près en place, elle se débattit furieusement dans ses liens, essayant en vain de libérer ses tentacules coincés dans son dos tout en grondant de rage. Non seulement elle avait échoué, mais elle avait été prise par l'ennemi. Romias ne lui pardonnerait jamais ! Elle savait aussi qu'elle ne pouvait compter que sur elle-même pour se sortit de cette situation, car le chef n'aidait jamais les perdants.
Il lui fallut un peu plus de temps pour songer à regarder celle qui l'avait ainsi humiliée et fut incroyablement surprise de constater qu'ils étaient trois, dont celle qui était censée être morte. Une des deux femmes était penchée sur elle, la regardant d'un air menaçant. Le plus surprenant, c'est qu'on aurait dit une version féminine de chef lorsqu'il reprenait forme humaine.

[Thurias de Narzyom]

Thurias ne décrocha plus un mot lorsqu'Uri se mit à la recherche de Saké. Il se contenta de suivre tel un animal, le dos courbé et le mouvement primitif. Son allure était plus lente qu'auparavant et il semblait avoir certaines difficultés à sauter assez loin et haut pour passer d'une corniche à une autre. Le barbare se surpris même à être essoufflé. Il soupira de lassitude. Saleté de poison ! Ce dernier parvenait encore à s'insinuer dans ses veines et Thurias parvenait difficilement à regagner son énergie habituelle. Une fois à destination, il fût heureux qu'Uri ait un odorat si développé : Le sien semblait atténué également à cause du poison. Il reprit calmement son souffle et tenta de masquer la présence persistante du venin dans ses veines, mais son teint était maladif et son air fatigué lorsqu'il demeurait passif. Saké se trouvait à l'endroit où Uri s'était arrêtée. Elle était en compagnie d'une bête qu'Uri lui avait décrit. Ce n'étais en fait pas vraiment une bête, mais plutôt une créature humanoïde des plus étrange. Il s'avéra qu'il ne s'agissait pas de Romias, mais plutôt d'une autre de son "espèce". Ni une ni deux, le barbare empli de colère à cause de ce fichu poison, s'avança à grand pas vers la prise de Saké, la souleva et l'envoya valdinguer en arrière. Il l'observa sa cible un cours instant sans parler, puis il prit calmement la parole avec son accent significatif et son ton calme :


"Où est Romias ? Avec combien de ses créatures nous attend t-il ? Je te conseille de me répondre, car si tu as des nerfs, ils risquent d'êtres sévèrement mis à l'épreuve dans quelques instant."

Le colosse fit craquer ses poings puis son dos d'un étirement, sans quitter l'otage des yeux. L'emportement soudain du barbare en disait long sur son état : Ses capacités amoindries, il voulait en finir vite avant que le mal ne l'empêche d'accomplir sa mission. En voyant que la prise ne décrocha pas un seul mot, toisant le barbare d'un air rageur, Thurias décida d'entamer les hostilités. Dans un cri guttural, le guerrier envoya son pied se ficher dans ce qui ressemblait à peu prêt au buste de sa victime, et le bruit de craquement fut assez perturbant. Heureusement, la victime ne mourut pas sur le coup, se plaignant seulement d'un cri strident. D'une voix plus colérique, Thurias questionna à nouveau :


"Alors ?! Ca te pousse à parler, strangyi ? J'en ai encore à ton service tu sais, je pourrais remodeler ton corps avec mes mains nues toute la nuit si tu as décidé de rester muet !"

Thurias termina son petit monologue entre ses dents, probablement en narzyite. Il marcha autour de sa cible comme une bête en cage, s'apprêtant à frapper comme jamais.

[Mortelune]

Il n'y eut pas d'applaudissement. Encore moins de hourra. Elle ne fut pas portée aux nue et son nom ne fut pas loué. Aucune haie d'honneur, pas plus qu'aucun autre signe manifeste de reconnaissance. En ce moment, Saké aurait tout donné ne serait-ce que pour une vulgaire tape sur l'épaule, un clin d’œil,un regard admirateur.

Uri avait bien lancé un "bien joué Saké" à son attention. Mais le ton utilisé avait été froid et sans saveur. D'une neutralité écœurante. Un biscuit pour chien jeté à son visage l'aurait autant récompensé pour ses efforts.

Du coup, la comédienne se renferma sur elle même et, silencieusement rassembla ses affaires restées en arrière pendant que Thurias se défoulait sur sa prise. Elle lui laissait volontiers le rôle du bourreau. Elle y préférait largement la beauté du travail parfait qu'elle venait d'accomplir. Une magnifique incursion dans les règles de l'art et sans accroc.

Et tant pis pour eux s'ils n'avaient pas l'objectivité et la présence d'esprit nécessaire pour s'en rendre compte et la féliciter en conséquence, pensa-t-elle en ramassant son sac de voyage étalé sur un épais matelas de feuilles mortes. En tatonnant elle vérifia rapidement son contenu, pour s’apercevoir que tout semblait en place et plutôt en bon état.

Le shamisen était entier, et cela lui importait grandement. Dans le même temps, son oreille percevait le bruit des assauts rageur du barbare narzyite sur sa victime ligotée.

Intérieurement Saké pensait qu'il ne parviendrait jamais à tirer quoique ce soit de ce genre de bestiole. Elle se disait que ces monstres ne raisonnaient pas comme eux. Qu'ils se souciaient bien plus de leur honneur que de la douleur et qu'en conséquence elle mourrait probablement avant d'avoir lâcher la moindre information majeure.

D'un pas qui manquait vraiment d'entrain, la jeune orientale du Pays du Thé rejoignit les membres de son groupe et accordant machinalement les cordes de son instrument de musique. Ce petit exercice, dans la mesure ou les cordes étaient déjà parfaitement accordées, lui permettait d'occuper son esprit et accessoirement, d'éviter d'avoir à faire la conversation.

Le visage de Saké, bien que charmant malgré ses joues sales de crasse et de quelques projections de sang, était complètement fermé. Son œil ne fixait que les mouvements agiles et précis de ses doigts qui courraient le long du manche de son shamisen et qui claquaient quelques notes légères et discrètes avant de revenir sur les chevilles d'accord aussi appelées itomaki.

Il lui tardait à présent de reprendre le chemin qui les mèneraient vers Romias afin d'en finir avec cette mission. 

[Melkerah]

Troublée, Uri regarda avec une certaine gêne la violence dont le barbare faisait preuve avec le prisonnier. Elle avait cru un instant avoir retrouvé son frère... Mais si ça avait été lui, songea-t-elle, Saké aurait sans doute eu plus de difficultés, ne serait-ce que pour le localiser. D'ailleurs...

-Saké, comment l'as-tu déniché ? On était pris par les insectes, et comme tu avais envoyé tes clones, on ne s'était pas rendus compte que tu étais partie à la recherche du meneur... Je suppose que lui non plus d'ailleurs.


La comédienne semblait avoir changé d'attitude depuis un moment, ce qui inquiétait un peu Uri. Elle manipulait son instrument de musique, ignorant superbement le monde alentour, y compris les cris de Thurias.

-En tous cas, vu que tu es indemne, je suppose que cette saleté ne t'a posé aucun problème. Tu l'as eue par surprise ?

En plus d'être sincèrement curieuse, la noctalienne voulait détourner son attention de Thurias et de sa victime, dont les cris la mettaient mal à l'aise.

L'homo-novus s'efforçait tant qu'elle pouvait de ne pas gémir de douleur, mais ses côtes fêlées par le coup de l'homme l'élançaient furieusement. Elle ne pouvait pas trahir son maître, pas une seconde fois. L'échec était déjà bien assez grave, seule la mort l'attendrait si elle les donnait à l'ennemi.

-Je ne trahirai pas mon maître, fit-elle d'un ton étranglé, vous pourrez me battre à mort et me torturer tant que vous voudrez, je ne vous dirai rien.

Avec un craquement sinistre, ses côtes se ressoudèrent. Comme elle bénissait la capacité de régénération offerte par Romias ! Comme la douleur refluait, elle se remit à se débattre frénétiquement pour libérer ses tentacules, essayant de cisailler la corde avec les crocs de leurs extrémités.

-Nous sommes en supériorité numérique, et encore plus en terme de pouvoirs. Même si vous trouvez le maître, il vous tuera sans que vous puissiez rien y faire !

Soudain, elle eut un haut-le-cœur. Elle eut des espèces de spasmes jusqu'à ce qu'un gros insecte vert et bleu sorte de sa gorge et s'envole pour se jeter au visage de Thurias. Il n'avait pas de dard, mais ses mandibules promettaient un moment douloureux à celui qui les verrait de trop près.

[Thurias de Narzyom]

Les jérémiades de la prisonnière commencèrent alors à donner un puissant mal de crâne au barbare. Le poison faisait probablement son effet à nouveau, et Thurias ne put s'empêcher de lâcher quelques mugissements de douleur. En réalité il n'écoutait même plus vraiment ce qu'elle disait. Tout ce qu'il entendait devenait flou et il ne put tirer aucune information. Il fût alors très surpris d'être tout à coup agressé par une nouvelle bestiole insupportable, prometteuse d'une mort certaine. Le barbare eût le réflexe un peu tardif d'attraper la bestiole après qu'elle se soit accrochée à son visage. Il ne se sentit pas blessé par la suite, mais il envoya la créature se fendre contre un rocher avant qu'elle ne puisse lui rajouter un nouveau poison. Ainsi fait, Thurias sentit le décor bouger autour de lui. Tout tournait, tournait et tournait encore. Les couleurs devenaient trop vives, criardes et malsaines. Les bruits étaient devenus des bourdonnements sourds et incessants. C'en fût trop pour Thurias. Il se pencha en avant, les mains sur ses genoux et vomit à plusieurs reprises, peinant à tenir en place. Après quelques minutes de ce pitoyable spectacle, le barbare s'éloigna lentement, le visage tordu de douleur. Il était facile de lire sur son visage à quel point cette dernière était insupportable.


Thurias s'adossa alors à un arbre, plus pâle encore que d’accoutumée, et se laissa glisser contre l'écorce de ce dernier, se retrouvant assis sur ses racines. Il pencha sa tête en avant et la maintint de sa main. Depuis lors, Thurias demeura silencieux. Plus un gémissement, pas une seule complainte, même pas un soupir. Il releva la têt après quelques instants, regardant autour de lui si le paysage était redevenu normal. A son visage éteint, il était impossible de dire si il allait mieux qu'avant, mais le barbare, lui, vit déjà un changement. Le poison qui naviguait dans ses veines commençait à se désagréger et Thurias retrouvait peu à peu ses couleurs habituelle, ainsi qu'un sourire vainqueur qui se dessinait peu à peu sur son visage blafard.

[Mortelune]

Saké, observa une gestuelle qu'on aurait dit presque cérémonielle lorsqu'elle s'accroupit légèrement et d'un mouvement solennel du bras, posa son instrument contre le tronc brun d'un arbre proche. Dans le même temps et sans même se tourner vers Uri ou ne serait-ce que lui adresser un regard, elle répondit aux interrogations de son employeuse sur un ton, qui sans être agressif, ne marquait à l'inverse aucun signe de franche camaraderie ni de complicité.

-"C’était justement le but de la manœuvre, que personne ne se rende compte de rien, pas même vous. Même si je suppose que Thurias a bien du sentir quelque chose lorsque j'ai usé de mon talent de transposition... Pour le reste, il m'a suffit de remonter les traces laissées par nos assaillants depuis la cime des arbres. De là, je pouvais voir sans... presque... être vue. Lorsque les traces étaient moins espacées, j'ai compris que je me rapprochait de leur lieu de départ, là ou la vitesse de course est moins importante et donc les foulées moins longues. J'ai alors engagé une manœuvre de contournement pour m’immiscer dans la zone à revers et ne prendre aucun risque mais aussi, pour être en mesure de tenter une approche sournoise."

Le récit de la jeune orientale, qui n’était pas peu fière de relater ses exploits, fut interrompu par le cri aigu de l'homo-novus qui se plia sous l'assaut rageur de Thurias. Après avoir jeté un regard dans la direction de la scène de torture, Saké se tourna alors vers Uri, les traits tirés et le sourcil froncé.

-"J'ai ensuite localisé la bête que, de loin, j'ai confondu avec votre frère. Visiblement celle ci semblait tracassée par quelque chose... Probablement les conséquences de son échec, si bien qu'elle n'a pas senti que je me faufilais dans son dos. Une fois à portée, je l’assommais du plat de ma lame, d'un coup précis. Je me suis rendu compte de me méprise après coup. Il ne doit s'agir d'un sbire lambda de Romias."

L'artiste afficha une moue déçue sur son visage comme si elle regrettait de ne pas avoir eu l'opportunité de se frotter à la cible principale.

-"L'ennui est qu'à présent, il sait que je suis toujours là." dit-elle sèchement, avant de saisir Zabuza de sa main droite, alors que la petite cruche venait tout juste de surgir de nulle part. 

Saké déboucha rageusement la bouteille magique et en but une rasade qui sembla durer une éternité. Comme à son habitude, l'artiste s'essuya la bouche d'un revers de la manche de son ample vêtement aux liserés décorés de fleurs, qui en avait vu d'autres. Ce petit remontant eut le mérite de faire retomber sa nervosité et sa rancœur vis à vis de ses compères. Alors qu'elle s’apprêtait à faire contre mauvaise fortune bon cœur et féliciter Uri pour leur victoire face aux bestioles, elle fut interrompue dans son élan soudain de sagesse par l'assaut surprise du séide de Romias. 

La comédienne eut juste le temps de tressaillir sur place que le Barbare s’était déjà débarrassé du projectile vivant... Après quoi le Narzyite offrit un spectacle peu rassurant quant à son état de santé aux deux femmes qui se tenaient près de lui.

Partagée entre sa volonté d'assister son compagnon d'aventure et celle de ne pas froisser sa pseudo fierté de mal dominant s'il en est, Saké ne sut trancher et resta clouée sur place, telle une statue de cire qui donnait l'impression, au final, de faire preuve d'un détachement total vis à vis de la douleur de Thurias, à la limite du mépris. Entre temps, le barbare, dur au mal, s’était visiblement ressaisi, encore que, son teint était à présent aussi maladif et blafard que celui d'un Noctalien... mais il semblait à Saké que ses pas se faisaient plus assurés et que sa silhouette était moins fébrile. Vomir avait du lui faire du bien.

Elle jeta malgré tout un regard qui en disait long vers Uri, plein de détresse et qui trahissait son impuissance et son désarroi.

[Melkerah]

Uri réfléchissait à la situation, à présent que la ruse de Saké était tombée à l'eau, il fallait revoir leur stratégie. Elle connaissait son frère, il avait sans aucun doute compris à quoi s'attendre avec l'Orientale... Quoique.

-Certes, il sait que tu es vivante, dit pensivement Uri à voix basse, mais ça ne va pas forcément poser problème finalement. Il sait maintenant que tu es capable de ce genre de coups de bluff et s'efforcera d'anticiper... Mais il ne sait pas précisément quelles sont tes compétences et est donc incapable de prévoir tes actions. Non seulement tu restes un atout parce que tu es imprévisible pour lui, mais en plus tu vas lui mettre la pression et cela pourrait le pousser à la faute.

Un sourire sans joie étira les lèvres de la Noctalienne qui trouvait bien ironique de profiter des faiblesses de son propre frère et ancien allié. Elle fut tirée de ces pensées par le bruit de l'attaque surprise de l'homo-novus, qui tourna court grâce au barbare. Mais Thurias avait l'air très mal en point et cela inquiéta beaucoup Uri, qui craignait que Romias ait réussi à mettre un de ses compagnons hors-jeu.
Tandis qu'il allait se mettre à l'écart pour essayer de récupérer, la Noctalienne revint vers le prisonnier qui se tortillait pour essayer de se débarrasser de ses liens. Elle le toisa d'un air sombre et menaçant, mais se contenta de rajouter quelques cordes pour éviter tout risque de fuite.
Le regard de Saké vint croiser le sien, exprimant tout le malaise de la comédienne face à son compagnon mal en point. Un regard vers Thurias apprit à Uri que son état ne semblait pas empirer, ce qui était un bon début, mais cela restait inquiétant. Elle revint vers Saké.

-Je pense que nous devrions nous arrêter et nous reposer le temps qu'il se remette totalement, dit-elle de façon à ce que le barbare ne puisse pas l'entendre, dans son état, ce serait prendre des risques inutiles que de continuer. Et puis connaissant mon frère, il va sans doute tenter une embuscade sur notre route, ce serait idiot d'y foncer tête baissée.

Après un rapide coup d’œil au guerrier, Uri fouilla ses poches une nouvelle fois pour en tirer une fiole qu'elle lui amena.

-Un remontant, ça aidera ton organisme à reprendre plus vite des forces. N'en prends pas trop, tu le payerais ce soir.

Sans attendre de commentaire, elle posa la petite bouteille près de lui et alla s'asseoir près de la comédienne. Puis une idée surgit.

-Dis-moi Saké, tu maîtrises l'illusion, la manipulation... Tu serais capable de monter un piège pour attirer Romias ici et le capturer ?

Évidemment, la Noctalienne ignorait les effets de la boisson sur les capacités magiques de sa coéquipière...

[Thurias de Narzyom]

Le barbare se saisit de la fiole que lui laissa Uri et l'observa comme un plat répugnant qu'il ne voudrait pas ingurgiter. Il leva les yeux vers Uri qui était repartie s'asseoir, et répondit :

"Non, garde là pour toi ou Saké, ça ira mieux pour moi dans quelques heures, peut être même dans moins d'une heure. De plus, comme la ruse semble être très importante en ce moment, je ferai bien plus illusion avec ce teint maladif que complétement rétabli."

Thurias ne semblait pas voir de danger dans la situation. Pour lui, ce poison n'était qu'un contretemps primaire qui ne risquait pas de lui ôter la vie.Mais à voir l'endurance du colosse, peut-être ne fut-il pas trop présomptueux sur son état de santé. Péniblement, le barbare se redressa et rendit la fiole à Uri, la plaquant avec nonchalance sur la poitrine de la Noctalienne. Bien que sa voix ne fut plus si portante et que sa condition physique n'était pas à son apogée, Thurias reprit avec le courage dans la voix, sans se soucier de la question qu'avait put poser Uri à Saké :

"Par Ockar, qu'est-ce qu'on attend encore ici ? Finissons-en avec ce monstre captif et allons trouver l'autre ! Si il a la même odeur que cette saleté puante, je devrait pouvoir le retrouver aisément."

Un peu hors de ses godasses, le narzyite peinait à tenir correctement debout, et il semblait fatigué. Il était très perceptible enfin que le géant luttait constamment contre le poison, et cela expliquait probablement la différence entre le discours guerrier et le corps maladif. Pour lui, la suite et le succès de l'opération seraient sans aucun doute une réussite, mais sa forme physique pouvait laisser perplexe.

[Mortelune]

Le goulot de sa cruche collé à ses lèvres, Saké observait le manège chaotique auquel se livrait Thurias, qui tentait avec plus ou moins de succès et d'aisance, de paraître en parfaite condition. Malgré ses intentions il ne trompait personne, le barbare avait besoin de repos et probablement, de manger un morceau maintenant que son estomac s'était intégralement vidé.

Absorbée qu'elle fût par le spectacle offert par le narzyite, l'artiste en occulta complètement la présence d'Uri qui venait de s'installer à ses côtés. Si bien que lorsque celle-ci s'adressa à elle, presque directement dans son oreille, elle fut si surprise qu'elle en cracha son alcool par le nez... Il faut dire qu'avec ce qu'elle venait de s'envoyer dans le gosier, elle était déjà bien imbibée et avait quelque peu perdu en capacité de perception. C’était aussi l'une des caractéristiques du breuvage contenu dans Zabuza.... une capacité extrême à rendre ivre en un temps record... Saké était coutumière du fait. Fêter ses victoires avec de l'alcool l'aidait également à évacuer la tension générée lors du combat et de rapidement passer à autre chose... une bonne gueule de bois par exemple.

C'est donc un œil brillant et légèrement hagard qu'elle posa sur le visage blafard d'Uri qui venait de l'interpeller. Avant de répondre à celle-ci, Saké avait prit soin de bourrer sa pipe d'un tabac sombre et odorant, qui donnait à l'air des effluves sauvages et sucrées. Elle inspira profondément, si bien que de l’extérieur, on percevait presque le cheminement des volutes de fumée au travers de son corps. Puis à la manière d'un poète ou d'un philosophe, elle posa sa main droite sur son menton, et deux doigts de celle ci sur sa tempe. La manœuvre visait à se donner un peu de contenance face à son employeuse qui visiblement, espérait beaucoup de ses talents. Ainsi comme un enfant qui souhaitait esquiver une punition après une bêtise, elle tentait de surjouer une parfaite maîtrise d'elle même alors qu'elle était déjà fin saoul...Plusieurs fois Saké ouvrit la bouche pour répondre à la question posée mais autant de fois elle se ravisa pour demeurer silencieuse, comme si elle essayait désespérément de trouver la formule parfaite à opposer à la demande d'Uri.

Il était évidement que le principe de piège ne lui posait aucun problème particulier. Elle trouvait même l'idée plutôt bonne, de prendre l'ennemi à son propre jeu. Mais son état actuel d'ivresse lui imposait le respect total du silence afin de ne pas trahir son ébriété aux yeux de sa commanditaire. Bien qu'il aurait fallu être aveugle en plus de sourd pour ne pas s'en apercevoir... La pudeur et le désir de garder la face à tout prix, propre aux habitants du Pays du Thé la poussait à tenir cette posture aussi ridicule qu'attendrissante.

La fatigue mentale et physique ressentie par la jeune artiste ne l'aidait guère dans son entreprise. Les moments vécus avaient été plutôt éprouvants jusqu'ici et leur petit groupe avait bien mérité une pause. Elle jeta un regard de plus vers Thurias, installé dans un coin un peu à l'écart, qui semblait à présent un peu mieux. Elle fouilla alors l'un des amples pans de sa toge noire pour en extraire une autre pipe en bois, plus fine que celle qu'elle portait actuellement en bouche. Certainement un objet de dépannage. Ses doigts agiles et précis dénouèrent alors le cordon qui rabattait les rebords de sa pochette de cuir dans laquelle elle conservait sa précieuse herbe. Elle en bourra alors l’ustensile puis le glissa temporairement dans son chignon pour garder ses deux mains libres. Elle replongea sa main sous son vêtement afin d'y replacer la bourse et en extirpa ensuite une petite outre en peau.La position observée par la jeune femme, assise en tailleur, le dos droit comme un i, le visage impassible tourné vers le sol, son œil mi clos, ses mouvements harmonieux et pleins de grâce donnaient à ce petit rituel des allures de chorégraphie. Enfin quand tout fut achevé, elle retira la pipe de ses cheveux noirs et la tendit à la noctalienne ainsi que l'outre qui visiblement semblait pleine.

C'est le moment qu'elle choisit finalement pour enfin se décider à répondre à Uri, en essayant de conserver une élocution la plus digne possible.

-"Je bois et fume trop souvent seule... un peu de compagnie dans ma dépravation me fera le plus grand bien...si cela vous sied" Avoua-t-elle à Uri en regardant le vague, puis de reprendre.

-"Je pense que je suis capable d’élaborer ce genre de traquenard, quelque chose d'élaboré, oui... Par contre... *hips* - pardon -, je disais, par contre, il nous faudra un appât pour le débusquer et l’amener jusqu'à nous. J'ai déjà une petite idée... mais il va falloir... que je me détende un peu... j'ai, comment dire, l'esprit embrumé et j'ai du mal à... me concentrer lorsque je suis ainsi..." 

Elle se laissa alors lentement tomber en arrière jusqu'à se que son dos s'installe contre l’écorce d'une souche d'arbre massive. Son regard fixait le ciel, comme celui d'un prisonnier au travers des barreaux de sa cellule et semblait animé d'une certaine nostalgie contemplative. Elle repensait à l'époque où Saké n'avait pas encore prit le dessus sur Keira Itsumémi. Une époque où elle aurait pu se contenter de paisible vie d'une fille de notable. Qui sait ce qu'elle serait devenue si elle n'avait pas choisit d'aller à l'encontre des dogmes ancestraux ? En tous cas certainement très loin de la foret dans laquelle elle se trouvait à présent.

-"Vous m'excuserez, Dame Uri, mais comme je vous l'avouait plus tôt assez ouvertement, je voyage toujours avec mes vieux démons...et ils ont tendance à prendre beaucoup de place..."

[Melkerah]

Un soupir fatigué échappa à la Noctalienne, qui commençait à s'inquiéter de voir ses deux compagnons en si piteux état. Si Saké avait l'air tout à fait bien quelques minutes plus tôt, elle dégageait à présent une puissante odeur d'alcool qui piquait presque douloureusement les narines de son employeuse. Et son élocution ne faisait que confirmer ce triste fait : elle était complètement ivre. Ce qui était d'ailleurs surprenant, quand avait-elle pu boire une telle quantité d'alcool ? Celui qu'elle transportait dans sa jarre magique devait être incroyablement puissant.
A première vue seule en état de gérer quoi que ce soit, Uri commença par essayer de calmer le barbare.

-Je suis désolée Thurias, mais je crois que ni toi ni Saké n'êtes en état d'aller le chercher pour le moment. On va attendre ici jusqu'à ce que tout le monde ait récupéré, puis on ira le cueillir. En attendant, vu que tu n'as pas l'air de tenir en place, guette les environs s'il te plait, on ne sait jamais...

Ensuite elle se tourna vers la comédienne, regardant avec curiosité la pipe qu'elle lui avait donnée. Le tabac avait une odeur étrange, suspecte mais pas désagréable.

-Je partagerais volontiers un moment de laisser-aller avec vous Saké, répondit honnêtement la lycan, mais je crois qu'il vaut mieux que je garde mes facultés pour le moment. Ce sera malgré tout avec grand plaisir pour fêter la réussite de cette mission. Pour l'instant, prenez le temps de vous reposer... enfin, à votre façon.

L'idée d'un appât était déjà venue à l'esprit d'Uri, et plusieurs possibilités étaient envisageables, mais elle était curieuse d'entendre ce qu'avait à proposer son associée. Une femme à l'esprit si retors aurait sans doute de quoi la surprendre !

-J'imagine que beaucoup de gens ont leurs démons passés avec eux, mais les vôtres semblent en effet plutôt... encombrants. Pour être honnête, je suis très curieuse au sujet de cette jarre, mais ce n'est pas le moment pour parler de ce genre de sujets je crois.





Au bout d'un moment, l'odorat affûté de Thurias fut titillé par une odeur désagréable, la même que celle de la prisonnière. Pour peu qu'il soit suffisamment attentif, il remarquerait que cette odeur était en fait composée de cinq fumets différents, extrêmement semblables mais discernables malgré tout, et que l'origine de ces odeurs se rapprochait, se répartissant tout autour de la clairière où se trouvaient les trois compagnons...

[Thurias de Narzyom]

"A mon avis, on aura pas le temps de se reposer."

Thurias se dressa de toute sa taille, observant les alentours, à la recherche d'un mouvement qui pourrait trahir la position de ce qui semble s'approcher. Son odorat lui avait permis de distinguer quelques odeurs connues. La vibration réapparu à nouveau dans son crâne, l'avertissant du danger à venir. Les yeux du barbare étaient  agités, toisant tous les cotés. Sa tête vérifiait chaque recoin tel un oiseau de proie. Dans un rugissement sourd, Thurias se saisit de son épée et la fit tournoyer , probablement pour s'assurer qu'il possédait bel et bien toutes ses capacités motrices, avant de la mettre ne garde, tournant sur lui même avec une respiration haletante. D'un air rageur et excédé, Thurias hurla à ses ennemis, qui semblaient n'être que dans sa tête :

"Alors montrez vous, calamités ! Je vous déchiquetterais un par un !"

Thurias jeta ensuite un regard à ses compagnons et expliqua plus calmement :

"On a pas le temps de se reposer, j'vous dis, préparez vos armes, on est encerclés"

Le puissant géant qu'incarnait Thurias habituellement semblait à présent plutôt affaibli et moins fiable, mais le courage et la volonté étaient encore présents en lui. Peut être cela suffirait il à maintenir cette haute stature pour le combat à venir, mais cela semblait compromis tant il tremblait autour de son épée. Ses genoux peinaient visiblement à le maintenir debout. Ce fut déjà remarquable qu'il tint debout jusqu'ici.

[Mortelune]

Saké sursauta de façon soudaine lorsque Thurias se redressa avant de hurler à l'endroit d'un invisible ennemi.


Elle jeta un regard perplexe à Uri, qui semblait lui demander quelle mouche pouvait bien avoir piqué le Barbare. Il était visiblement certain d'un assaut imminent. S'il disait vrai, alors le moment était plutôt mal choisit. L'état d'ébriété de l'artiste ne lui permettrait pas de faire usage de ses compétences habituelles d’illusionniste. Cela dit, elle ne maniait jamais aussi bien ses lames que sous l'emprise de l'alcool. Ainsi avait-elle été formée par son maître d'arme, alors qu'elle voyageait en compagnie de sa troupe de saltimbanques. L'ivresse rendait plus compliquée pour un adversaire l'anticipation de ses mouvements. Ses assauts étaient du coup, presque imprévisibles, de même que ses déplacements erratiques et compliqués. Outre cela, sa force elle même était décuplée et ses frappes ravageuses.


La comédienne se releva péniblement sur ses jambes instables et prit son épée de maître en main droite. Puis, elle renfila bruyamment avant de dégainer de sa main gauche un des sabres qui dormait en permanence sous son ample vêtement noir. Ne pouvant observer une posture classique de combat, elle se tenait en appui sur ce katana, dont elle avait planté la lame dans le sol meuble. Le genoux pliés, le dos courbé et le visage tourné vers le sol, elle semblait absolument inapte au combat...


Sa perception largement amoindrie par son état, Saké n'avait toujours pas la moindre idée des adversaires qu'elle aurait à affronter.

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