Arrivée de Höl [Libre]

[Höl]

C'était probablement le soleil qui lui avait fait rabattre sa capuche sur son visage, mais, ce fut également une bonne manière de cacher son identité ainsi que son appartenance raciale. Les elfes sombres n'étaient probablement pas les bienvenus à Clantor. Cependant, Höl n'en avait que faire de l'avis des humains : Si sa capuche était rabattue sur son crâne, ce n'était pas pour leur épargner son visage et encore moins pour éviter leurs insultes. Höl passait pour un rôdeur au milieu de toute cette foule et des éventuels aventuriers ayant fait escale ici. En somme, il parvenait à passer inaperçu dans la foule. L'elfe sombre n'avait pas arrêté son périple juste pour manger ou faire du tourisme : S'il était ici, c'est que sa proie était passée par là, et qu'un sorcier elfe sombre ne passerait pas inaperçu. Toujours lié à la Confrérie Cramoisie, Höl avait envoyé les Perçants enquêter à l'avance afin de faciliter la recherche de leur nouveau maître. Les Perçants sont de véritables ombres lorsqu'ils effectuent une mission : Rapides, précis et rarement détectés. Élevés depuis leur plus tendre enfance au sein de la Confrérie, leur loyauté est sans faille et leur efficacité sans pareille. Grâce à leurs informations, le Paria n'avait plus qu'à sonder la ville pour trouver un visage horrifié dès qu'il verrait un elfe sombre. Il était bien conscient que les elfes sombres migraient rarement hors de Bois-Ardent, ce qui attiserait soit la curiosité pour ceux qui n'en ont jamais vu, soit la peur pour ceux qui en ont déjà croisé un, et puisque Shirius aurait séjourné à Clantor, cette peur serait compréhensible ...

Les yeux de feu de l'elfe sombre paraissaient comme deux braises dans l'obscurité de sa capuche. La lourde cape noire sur ses épaules, frappées de la lumière ud soleil, chauffa d'une manière étouffante. Höl sourit alors en coin. Cette chaleur lourde lui rappelait celle de Bois-Ardent : Finalement, il semblait avoir trouvé un bon compromis pour ne pas trop être dépaysé. Ses yeux de braise semblaient un peu attirer l'attention, mais, le peuple de Clantor en avaient vu, et, ils ne feraient pas forcément le lien avec les yeux d'un elfe sombre. Cela n'aidait pas ses recherches, mais il ne perdit pas patience. Il savait, comme dans sa propre contrée, où est-ce que les ragots, rumeurs et autres potins circulaient : La taverne. Malheureusement, Höl n'avait pas d'or pour consommer, mais, l'elfe sombre est plein de ressources.


Il s'engagea dans des ruelles sombres où la foule est moins susceptible d'y mettre les pieds, cherchant la taverne la plus louche de la ville, et par conséquent, celle qui aura le plus de rumeurs et d'informations à lui rapporter. Il tomba sur une enseigne tenue par une seule chaîne, l'autre s'étant brisé par manque d'entretien ou par une quelconque bagarre. Höl pencha alors la tête sur le côté comme pour mieux lire ce qu'il y avait écrit dessus : Au Gnome Fou. Un sourire malsain se dessina à nouveau sur son visage. L'originalité de certains de leur noms de taverne l'amusait toujours un peu. Il ne perdit pas de temps et entra dans l'établissement, où se côtoyaient tous les rebuts et autres chasseurs de primes et assassins louches. Il planait dans la taverne une odeur d'alcool forte et une chaleur des plus étouffante. Höl fit craquer son cou alors qu'il toisait la salle, puis enleva sa capuche, laissant tomber ses cheveux au bas de son cou. Il se dirigea sans bruit vers le comptoir lorsqu'il fût interpellé :



-Hé toi là ! L'elfe bizarroïde ! Ça te dis d'défier l'champion et d'te faire un peu d'maille ? J'suis sûr qu'un grand gaillard comme toi est capable de relever l'défi !

Höl se retourna vers son interlocuteur : Un humain un peu miteux aux vêtements un peu cossu, sûrement acheté avec l'argent qu'il gagnait par les combats qu'il organisait. Il décala un peu sa tête pour constater derrière l'homme une petite arène dans un recoin sombre éclairé d'une simple lanterne, où attendait une petit groupe de spectateurs et de combattants. Dans l'arène - probablement le champion en question - se tenait un humain, pas très grand, mais assez costaud, et visiblement, assez bon au combat à mains nues. Höl avait besoin d'argent, et, il n'avait pas eu le temps d'évaluer si le combat serait gagné d'avance ou non, mais il avait une idée derrière la tête. Il hocha brièvement la tête et s'approcha du cercle en enlevant ses armes et sa cape sous les acclamations du public. Sous sa cape, la lueur de la lanterne rendait sa peau un peu moins pâle et ses coups de fouets ressortaient d'autant plus. L'Elfe fit craquer son dos, ses bras puis son cou, sans lâcher son adversaire des yeux. L'air confiant du teneur des paris ainsi que du combattant lui laissait pensé que ces derniers étaient de beaux arnaqueurs. Mais, à en juger par les visage amoché de certains combattant dans le public ainsi qu'à l'air émerveillé des autres spectateur, cette combine ne semblait être connue que des deux larrons.



-Alors messieurs, pas de coups en dessous de la ceinture, le combat s'arrête au premier abandon, au premier sang ou au premier qui tombe inconsc...
-Combien je gagnerais pour ce combat ?

Höl se permit d'interrompre l'organisateur, le fixant dans les yeux de son air apathique. Le concerné se sentit quelque peu agressé, tandis que le public semblait amusé de l'arrogance de l'elfe, il répondit courtoisement.

-Et bien, si tu triomphe contre Azorn le Briseur de Crâne ici présent, tu remportera 500 pièces d'or !

L'elfe scruta un moment l'organisateur, toujours aussi impassible, puis il tourna la tête vers son adversaire et fit signe à l'organisateur de poursuivre. Höl ne connaissait pas vraiment les prix, ici, mais ce serait probablement suffisant.




-Alors ... Herm ... prêts messieurs ? A ma gauche, vous le connaissez tous ! Le grand vainqueur des 10 derniers tournois, j'ai nommé Azorn le Briseur de Crâne ! Et à ma droite, le nouvel arrivant, celui qui pense pouvoir défier notre champion, j'ai nommé ...
-Höl.
-Höl l'elfe qui manque clairement de soleil !

Alors que le public semblait s'amuser de cette boutade, l'elfe sombre ne répondit pas et prit le temps d'observer son adversaire dans les moindres détails : Sa posture, ses blessures et sa façon de bouger. Il leva alors les yeux vers la lanterne un instant, ne la quittant pas des yeux jusqu'au coup de cloche.
La réaction de Höl ne se fit pas attendre : Il fit un coup de vent brusque à coté de la lanterne, soufflant la flamme de celle-ci, tandis qu'Azorn s'était déjà élancé sur lui. Höl eût à peine le temps d'esquiver l'humain qui négocia mal sa charge et s'affala. Höl avait remarqué qu'il avait glissé anormalement lorsqu'il esquiva la charge. La petite pièces n'était alors éclairée que par la lumière de la salle principale de la taverne. Mais Höl, lui, était plus que serein. Il pouvait voir les moindres mouvements de son adversaire et en profita avant que l'organisateur ne puisse dire quoi que ce soit. Il agrippa son adversaire et le ramena au centre du terrain, le gardant dos à la lumière afin de rester plonger dans l'ombre. Azorn ne pouvait que voir la faible lueur des yeux de son adversaire qui, lui, frappait un hématome de son tibia d'un grand coup de pied, avant de le repriser d'un coup de genou sauté en plein menton. Alors déboussolé, Azorn se fit enchainé de coup de poing et de pied, ne parvenant pas à localise le corps malgré les yeux lumineux de son adversaire. Tout ce que pouvait percevoir le publique, ce sont quelques déplacement de silhouette, mais surtout des bruits de coups, des craquements et des râles de douleurs, mais, ces derniers ne semblaient venir que d'une personne. La cacophonie prit alors fin en un bruit sourd et lourd. Un silence retentit un instant, ensuite couvert de bruit de pas lents, juste avant que la lanterne ne se rallume. L'organisateur, encore surpris de tout ce qui venait de se passer, observa bouche bée la scène : Höl n'avait pas été touché et attendait impassible devant lui, la main tendue, alors que gisait derrière le corps inconscient du soi-disant champion.

-Il devrait se réveiller d'ici peu. Si vous appelez ce que j'ai fait de la triche, je me demande ce que c'est de patiner la partie des concurrent de savon.

Il tendit encore plus sa main, fixant l'organisateur dans les yeux. Ce dernier sentait le regard des combattants précédemment vaincu se poser sur lui d'une manière menaçante. Il tendit alors une bourse remplie d'or à Höl et s'enfuit à toute jambes sans même ramasser son ami. L'elfe sombre observa le public et vida la moitié de sa bourse sur le sol avant de quitter la petite pièce en déclarant :

-Si vous voulez vos remboursements, ils sont par terre.

Il se posa ensuite à une table, après avoir commandé une bière avec ses gains, observant dans la salle les personnes qui pourraient l'aiguiller.

[Mortelune]

Alors il s'appelait Höl.


Elle l'avait autrefois connu sous un sobriquet peu élégant. Un surnom qui pourtant lui allait à merveille pensa-t-elle. Quel qualificatif plus avisé que le terme de Raclure pour un représentant de sa Race de mécréants ?


Elle était arrivée dans cette taverne sordide une minute à peine après lui. Elle avait donc pu assister à l'intégralité du combat et avait pu apprécier sa fougue et son intelligence martiale. C’était plutôt pas mal pour une pourriture d'Elfe Sombre songea-t-elle en triturant de façon frénétique le manche de sa lance tribale dissimulée sous son long manteau de voyage Sylvarien.


Des jours durant elle avait tracé la piste de Höl et avait finit par le localiser aux abords de Clantor.
Grace à son aspect de Chouette, elle n'avait eu aucun mal à l'approcher puis à le suivre dans l'immense ville jusqu'à ce qu'il pénètre au Gnome Fou.


Elle n'avait passé que quelques heures dans la Cité et déjà ressentait-elle un malaise profond. Elle, habituée à la majesté verdoyante de Puritas, la Cité-Arbre des Graines de Sylvareth, ne supportait pas de quitter la verte ville.


Tout la répugnait ici, ces ruelles immondes jonchées d'ordures dans la quartiers pauvres, l'exubérance frivole et hypocrite des gens d'ici, leur gout pour le superficiel et l'immédiat, l'infériorité intellectuelle des races présentes et leurs croyances païennes... elle aurait pu poursuivre la liste indéfiniment tant elle souffrait intérieurement de se trouver loin de chez elle.


Ces gens irrespectueux et sans charisme l'insupportaient. Cette foule désorganisée, vociférante... Elle aurait pu éventrer d'un coup de lance cet effronté qui s’était approché si près d'elle pour lui demander quelques écus pour manger, ou encore ce gros joufflu qui l'avait bousculé alors qu'elle entrait dans la taverne.


Elle avait même esquissé un sourire coupable en imaginant le gros tenter de ramasser frénétiquement ses boyaux traînant à ses pieds après un coup de taille bien placé.


Mais il n'en fut rien. Elle était seule et, bien qu’infiniment supérieure à toute la raclure et ces débris d'humains et d'autres races dégénérées qui sirotaient leur bières, elle aurait probablement du plier sous le nombre. D'autant qu'elle n’était pas au meilleur de sa forme dans cet environnement et après la filature de Höl en aspect animal.


Elle se tenait donc là, non loin de La Raclure, assise à une table crasseuse et qui dégageait une odeur de vomis répugnante. Elle se demanda comment l'on pouvait se complaire dans pareille fange alors que son regard sombre, sous sa capuche qui lui tombait presque sur le nez, croisait furtivement celui de l'Elfe de Bois-Ardent.


Les réminiscences de sa captivité à Fort-Sadis resurgirent alors à son esprit. le froid, la faim, l’humidité des geôles et cette raclure d'elfe qui lui apportait chaque jour son repas sans texture ni saveur. Il avait même osé un jour lui servir des restes de viande... Comme si elle, Naev' ou plutôt l'illustre Naevia Admar Sol’Andïl, Fille d'Aedor le Grand Forestier des Graines de Sylvareth pouvait apprécier le gout de la viande. Est-ce qu'elle ressemblait à un de ces chiens d'Orcs ou de ces Humains qui vendraient père ou mère pour planter leurs crocs dans un animal mort ?


Elle aurait volontiers admis que parmi tous les Sombres Elfes qu'elle avait rencontré et avec lesquels elles avait pu échanger avant de les tuer, pour la plupart, celui-ci s’était montré plutôt correct avec elle et jamais ne l'avait-il maltraitée.


Ses souvenirs la faisaient néanmoins atrocement souffrir, telles des flammèches que l'on aurait vicieusement placé sous les paumes de ses mains. Ses doigts étaient si fortement crispés sur la table que l'on en entendait craquer le bois.


Elle ne put tenir plus longtemps et se leva d'un bon, puis d'un pas assuré progressa vers l'Elfe Sombre en prenant soin d'emporter son plat de choux marinés avec elle. Le haut de son visage était presque entièrement dissimulé sous une capuche. Sa longue cape de voyage en peau traînait avec élégance derrière ses foulées silencieuses.


Arrivée à destination, elle tira la chaise qui se trouvait face à Höl et s'y installa sans mot dire après avoir poser son assiette façe à l'Elfe Sombre. Alors elle fit glisser le revers de sa capuche sur sa nuque pour lui révéler son visage.


Les yeux sombres et la mine sévère elle esquissa un sourire de contentement. Elle qui exécrait rien de plus qu'un Elfe Sombre, allait devoir aujourd'hui mettre sa haine de côté pour entretenir l'espoir un jour de revoir son père. Cette perspective l'amusait autant qu'elle la dérangeait.


D'une voix qui murmurait, à peine audible, elle s'adressa à Höl :


- "Trinquons aux vieux souvenirs, Raclure, aujourd'hui c'est moi qui t'apporte ton repas..."


Elle reprit, la mine réjouie et le sourire aux lèvre, l'air presque sadique :


- "Patiente un peu avant de saisir ton arme et de faire une bêtise. Si j'avais voulu te tuer, nul doute que j'aurai profité d'un de tes passages en forets... Je suis ici, car j'ai besoin de réponses à mes questions."

[Höl]

L'elfe sombre descendait sa bière lentement, le regard dans le vague. Quelque chose le gênait : Pour un assassin, se sentir suivit, c'est plutôt rare, mais le sentir à peine, cela prouvait que le pisteur n'étais pas un banal rôdeur. Quelques humains ou autres clients de la taverne, ayant assisté au combat qu'il mena sans trop d'encombres, vinrent lui faire part de leur admiration, auxquelles il répondit de regards neutres et de "Merci" à endormir un cheval. Höl été bien trop préoccupé pour discuter avec le bas peuple de cette taverne. Tout ce qui semblait préoccuper l'elfe, c'était sa boisson pour le moment, ainsi que cette ombre sur laquelle il n'avait put mettre de race, de nom ou de visage. Il grogna timidement, observant la sale, c'est alors qu'il reconnu une odeur. Cette odeur, il l'avait sentie depuis qu'il suspectait que quelqu'un l'avait suivit. Il observa alors rapidement mais discrètement de mouvement de tête rapide pour savoir d'où venait cette odeur. Il fut alors intrigué, et surtout, agacé de voir que ce fût une elfe. Une elfe ? Mais ... Cette elfe, il la connaissait non ? Ses sourcils se fronçaient, il tentait de savoir où il avait vu ce visage hypocrite par le passé. La capuche de cette dernière ne masquait en rien son visage grâce à sa vision nocturne. Cela lui évoquait un mauvais souvenir, et, des mauvais souvenirs, il en avait, mais le seul qui lui en avait fourni, c'était Shirius.



C'est ça ! Cette elfe désagréable faisait partie des prisonniers que Shirius lui ordonnait de nourrir. Il se rappelait alors du regard dédaigneux de ces derniers sur sa personne : Ils semblaient envier sa position, mais, aucun d'eux n'avait autant été torturé, autant rabaissé. Dans sa cellule à lui, il n'y avait pas de paillasse pour dormir, seulement des chaînes, des rats, de la crasse, de la puanteur, et un coin où il était obligé de faire ses besoin. Sans avoir de grief particulier contre les prisonnier de Shirius, étant donné qu'ils furent dans le même bateau, Höl n’appréciait pas vraiment d'être traité comme un "sous-prisonnier" qu'eux même se permettaient de juger. Mais elle, c'était différent. Elle, c'était une elfe des île, une Graine de Sylvareth, et qui plus est, une des plus méprisante. Si il y avait bien une race que Höl ne pouvait encore moins supporter que les elfes communs, c'était bien eux : Imbus d'eux même, donneurs de leçon, méprisant et probablement ... Dégénérés. Pire encore que certains elfes sombres de sa connaissance, excepté Shirius.

Cette dernière s'approcha rapidement. Höl ne perdit pas sa sérénité, tenant toujours sa chope dans sa main. Son dégoût envers elle et son actuel air méprisant et sûre d'elle ne transparaissait pas sur son visage apathique. Si cette dernière s'approchait si assurément, elle ne lui voudrait probablement aucun mal, du moins, pas pour le moment. Il ne vit donc pas l'utilité de s'alarmer. L'elfe s'assit alors face à lui et prit la parole, des plus méprisante, comme il s'y attendait. Il observa l'assiette un instant, et répondit en portant sa chope à sa bouche, descendant lentement la bière dans sa gorge avant de la reposer quand elle reprit à nouveau la parole. Höl avait déjà traité avec des personnes arrogantes, ce qui lui permit de filtrer l'essentiel des paroles de l'elfe. Il laissa un temps de pause avant de répondre d'une voix grave et presque monocorde :

"Tiens donc ? Une elfe sauvage qui demande l'aide d'un paria d'elfe sombre comme moi ... C'est quelque chose qu'on ne voit pas tous les jours ... C'est avec cette maigre pitance de raton laveur que tu veux me rassasier ? dit il en désignant l'assiette de son interlocutrice d'un geste de main négligeant. Je ne vois pas pourquoi je te donnerais des informations sur quoi que ce soit ... Après tout, si tu es ici aujourd'hui, je suis sûr que c'est toi ... Qui a une dette envers moi"

Höl désigna tour à tour l'elfe puis lui d'un geste de main très lent, avant de se poser plus en arrière dans sa chaise, en ricanant. Höl n'avait strictement rien contre les nains, les humains, les gnomes, les halfelins ou toutes autres races humanoïdes et sociales, mais les autres elfes ? Il prenait un immense plaisir à leur mettre des bâtons dans les roues. En réalité, il ne se demanda même pas pourquoi cette dernière avait besoin de son aide, mais il savait pertinemment que cette fanatique tenterait de se débarasser de lui après qu'elle aurait eût ce qu'elle voulait, alors, Höl préférait jouer carte sur table.

[Mortelune]

Naev' pesta intérieurement à l'évocation du terme d'elfe sauvage. Elle n'avait jamais supporté d'être appelée ainsi, surtout lorsque cela venait d'elfes sombres.
Comment osait-il  ? Il s'agissait clairement d'une provocation. S'il existait des sauvages, c’étaient eux et leurs manières abjectes. Quoiqu'il en fut, elle ne tomberait pas dans le piège trop évident. Il se délectait de la voir ici face à lui avec un service à lui demander et ça, elle en était bien consciente.

Elle pourrait tout autant envisager d'autres solutions pour retrouver la piste de son père mais, Höl était le mieux placé dans son jugement pour l'y aider. Il lui fallait quelqu'un à ses cotés qui connaisse son adversaire, et accessoirement un combattant hors pair. Il remplissait haut la main les deux critères, elle en était persuadée. Il fallait donc bon-gré, mal-gré ravaler sa fierté et se montrer diplomate. Se connaissant, elle savait que cela n'allait pas être une mince affaire.

La Graine de Sylvareth étouffait dans ce maudit troquet. Elle aurait donné n'importe quoi pour être assise à l'une des terrasses de Puritas, située dans les branches des grands arbres et perchée à plusieurs centaines de mètres du sol. Elle aurait de là une vue magnifique sur l'une des plus belle cascades des Iles Vertes et sentirait la bruine et le souffle léger du vent rafraîchir sa peau satinée. Sous un ciel rougit par la lumière d'un soleil déclinant, elle siroterait tranquillement un verre de sève bleue en conversant avec elle-ne-savait-quel prétendant qui charmerait à la fois sa beauté et ses talents et dont elle devrait repousser les avances le soir venu. 

Mais au lieu de ça elle était là, dans ce trou à merde, à négocier avec cette face livide d'elfe sombre. Le destin pouvait parfois se montrer bien farceur. 

Vaincue par la chaleur et la fatigue, Naev' décida d’ôter simplement son épaisse cape en peau pour respirer un peu mieux. Sous celle-ci, elle ne portait que son plastron ciselé en écorces d'arbre de fer qui laissait apparents la peau mate et lisse de son ventre plat et de ses épaules nues. Elle portait également, comme toujours ses jambières de combat qui montaient à mi-cuisses et sa jupe brune fendue. Quelques élégants bijoux disposés autour de son cou et de sa taille, auraient pu être interprétés comme une touche de coquetterie si l'on ne connaissait pas le caractères pieux de ceux-ci. Si les Graines de Sylvareth n’étaient naturellement pas en quête perpétuelle d'esthétisme, à l'inverse ils affichaient ostensiblement leur foi en la Nature par le biais de ces ornements.

Elle déposa sa cape sur le dossier de sa chaise en prenant soin à ce qu'elle ne traîne pas au sol. Puis, elle disposa sa lance courte, à présent visible, à ses cotés et à portée de main. Elle avait gardé en lieux sûrs sa lance longue, avec laquelle elle aurait difficilement pu pister Höl en toute discrétion. 

Enfin, elle se recentra sur son siège pour s'y installer de façon plus confortable puisque la conversation risquait de durer un moment. Elle ajusta avec précision l'une des plumes d'oiseau qui ornait sa magnifique chevelure verte dont la frange tombait juste au dessus de ses yeux qui trahissaient une certaine tension. 

Inutile de dire que ce petit manège avait attiré l'attention de pas mal de clients avinés. Les occasions étaient rares de voire une elfe s’effeuiller de la sorte dans un tel rad et la Graine avait, à son insu quelque peu excité l'assemblée.

Sans prêter attention aux réactions des clients, elle reprit la conversation avec Höl dans un langage commun hésitant et avec un fort accent. Elle aurait pu tenter l'elfique mais, elle le maîtrisait aussi mal voire pire quel le commun puisque sa langue maternelle était le Sylvanien, le langage des Graines, phonétiquement à mi chemin entre le chant d'oiseau et les grondements d'un félin.

"Qui te parle de te demander de l'aide Höl ? Tu me vois ramper à tes pieds ou te faire du gringue comme une vulgaire fille de joie ? Non... Je suis issue d'une noble lignée, et j'ai un peu plus de prestance et d'amour propre que ça. Pour faire simple, j'ai un marché à te proposer, je souhai..."

A cet instant, un serveur s'approcha alors, hésitant, et s'adressa aux elfes d'une voix peu assurée pour savoir s'ils désiraient autre chose. De ce fait, il coupa Naev' dans ses explications... ce qui l’agaça au plus haut point. Comment ce cafard osait-il l'interrompre alors qu'elle conversait.

"Amn'e ithradill n'a gaovamn d'ila m'vashtar !!!" rugit-elle à l'attention de l'employé dans son langage natal alors que sa main droite saisissait déjà le manche de sa lance courte recouvert d'une épaisse peau écailleuse de serpent noir et que la gauche s'agitait pour lui faire signe de déguerpir.

Alertés par le bruit, les regards de quelques clients situés non loin se tournèrent vers eux. 

[Höl]

Höl percevait le dégoût de l'elfe face à lui, et il s'en réjouissait, mais son visage n'en laisser rien transparaître. Il l'observa s'effeuiller tranquillement, et son esprit d'elfe noir pensa immédiatement au vice de la luxure. Il réprima cette envie d'une grimace et d'un grognement léger : Cette elfe caractérisait tout ce qu'il détestait chez eux, et, cette vision lui coupa l'envie. Mais il ne se fit pas prier pour observer l'elfe dans ses moindres détails, non seulement pour le plaisir des yeux, mais également pour l'agacer encore plus. Après tout, cela faisait partie de ses vices raciaux : La vengeance, quelle qu'elle soit. Il termina sa bière en écoutant l'elfe qui décida de brider ses propos mais pas de calmer les flammes de haines qui illuminaient ses yeux. Cette dernière fut interrompue par le serveur, auquel Höl aurait probablement commandé une autre bière, sans plus discuter certes, mais sans pour autant le rabrouer comme Naev' le fit. Cette dernière fut prise d'un instinct qu'il trouva plutôt primaire, s'exprimant dans un langage typique des elfes sauvages. Il fronça les sourcils et observa tranquillement la salle se mettre aux aguets avant de porter son regard vers l'elfe et de lui signifier calmement :

"Tu sais, ici les gens ne comprennent pas le colibri, même si ton commun reste un peu hésitant, je pense que tu peux faire un effort. Et puis, tu n'es pas dans les îles Vertes, ici, alors ranges ta lance !"

Il observa l'elfe avec un air de menace, presque comme si ses yeux voulait la tuer. Il prit à nouveau calmement la parole :

"Je voudrais une seconde bière, s'il vous plait. Et pour la demoiselle un peu énervée, ce sera une carafe d'eau."

Le serveur, à moitié sur le départ lors de la requête, hocha vivement la tête vers Höl, effrayé par l'elfe sauvage. Höl détourna les yeux pour rendre des regards noirs aux curieux, histoire de rester au calme. Il reprit alors plus bas pendant ce temps là :

"Pour ton marché, je ne sais pas ce que tu veux, mais puisque tu ne semble pas lâcher l'affaire malgré notre évident manque d'affinité, tu devrais d'abord reconnaître que tu as besoin d'aide, ça te ferais du bien. Je suis prêt à t'écouter, mais je ne rends pas service pour des queues de cerise."

Höl s'étira le dos dans un craquement saccadé, affichant un sourire satisfait une fois ce dernier étiré, avant de faire craquer sa nuque sur le côté en fixant l'elfe face à lui. Que pouvait-elle lui vouloir ? Les Graines de Sylvareth n'étaient pas intéressés par l'or, par les possessions, et encore moins par ... Les elfes sombres. Höl perdit alors son sourire et plissa les yeux. Elle cherchait probablement Shirius.Pourquoi ? Pour une vengeance ? Non, les elfes sauvages méprisent TOUS les elfes sombres ... Ce dernier avait probablement fait quelque chose de plus conséquent que de l'emprisonner pour qu'elle soit si désespérée au point de lui demander de l'aide. C'est là qu'il perdit son air condescendant pour devenir presque empathique. Malgré tout, il reprit rapidement son visage neutre pour ne rien laisser transparaître : Après tout, c'est une elfe sauvage, et ni lui ni elle n'aimait la race de l'autre, alors pourquoi s'en soucier ? Il jeta quelques coups d’œils aux alentours, observant si quelques clients observaient encore dans leur direction ...

[Mortelune]

Demoiselle... et pourquoi pas jouvencelle, pauvre taré ? Voila ce que Naev' s’apprêtait à répondre à Höl, mais celui-ci la prit de court en passant une nouvelle commande auprès du serveur déconfit.


Elle profita de ce temps de pause pour se calmer. Ou du moins pour essayer. Elle nota que le regard de l'Elfe Sombre brûlait d'un feu de haine qui n'avait probablement rien à envier au sien.


Elle le haïssait, et il le lui rendait bien. Pourtant lui, semblait-il plus en mesure de faire la part des choses. Ou peut-être savait-il simplement mieux se contrôler en pareille situation.


Un point pour Höl. Un point pour la Raclure.


Ses doigts se décrispèrent un tantinet à mesure qu'elle l'écoutait parler. Direct et sans détour. Ferme et intrigué à la fois. Il voulait en savoir plus, et c’était une bonne chose. Pendant ce temps, dans l'auberge, la tension n’était pas retombée. Un groupe attablé non loin n'avait visiblement pas apprécié le coup de sang de la Graine... ou bien alors ne s’étaient-ils toujours pas remis de son petit effeuillage.


Le serveur revint bientôt avec la commande passée par l'Elfe Sombre. Il posa une bière sur la table ainsi qu'une carafe ébréchée, remplie d'une eau dont la couleur jaunâtre rappelait à Naev celle des marais toxiques d'Irunae, non loin de Puritas.


Elle désigna le contenu d'un geste de la main.

-"Et tu veux me faire boire ça ? Dis-moi, tu as glissé quelques pièces de trop au serveur pour qu'il m'empoisonne ?" Demanda-t-elle en essayant maladroitement d'être ironique.

Visiblement, l'humour était quelque chose qu'elle avait du mal à maîtriser. Il faut dire que les Graines de Sylvareth ne passaient pas vraiment leur temps à se faire des blagues... Mais elle savait que c’était une approche parfois utile pour faciliter l'aboutissement de négociations houleuses en rompant la glace.

-"Bon... Je vais être tout à fait claire avec toi. Je cherche Shirius. Et je sais que toi aussi. Ce que je te propose, c'est de t'aider à t'en débarrasser. Tu sais, même si tu ne l'admettra pas que c'est une entreprise bien risquée pour une personne seule, même pour toi, et qu'une Elfe telle que moi serait pour toi l'assurance inespérée de parvenir à tes fins... sans sortir les pieds devant."

Elle se tut un moment. Elle sentait, peut-être à tort l'Elfe dubitatif. Son visage était relativement dur à lire. Elle tenta d'argumenter à nouveau.

-"Je suis Naevia Admar Sol’Andïl - chanta-t-elle avec son accent Sylvanien -  la fille du légendaire Aedor Admar Sol’Andïl qui m'a enseigné l'art du combat. J'ai également suivi les précepts de Ménélas Sylvareth, le plus grand Archidruide que Zaerod est jamais porté. Aujourd'hui je leur suis vingt fois supérieure. Tout comme je te suis vingt fois supérieure. Refuser la proposition d'une Graine telle que moi serait pure folie. Cela même un Elfe Sombre peut le comprendre sans effort." dit-elle avec sa vantardise habituelle.

Alors qu'elle s’apprêtait à poursuivre, Naev' fut une nouvelle fois interrompue, mais pas par le serveur cette fois-ci. Une main velue et massive se posa sur son épaule frêle. Son visage marqua aussitôt un rictus de dégoût.


L'individu en question était une sorte de colosse de près de deux mètres. Le crâne rasé et le corps recouvert de cicatrices dont certaines semblaient plutôt récentes, il était presque aussi large que haut.


Il s'adressa alors à Höl, avec une voix de benêt :


- "C'est combien pour ta copine là ? Moi et mes copains on aimerait bien lui taper dessus avant de se la faire passer... Aller je t'en offre une dizaine d’écus et un coup à boire, tu topes là ?" Dit-il en tendant sa large main grasse.


Pendant ce temps les yeux de Naev', restée impassible et silencieuse tant elle était choquée par le contact de ce porc, s'animèrent d'une lumière orange. Elle se mit alors à fredonner quelques mots en Sylvanien, de façon imperceptible, que seuls les mouvements de ses lèvres pouvaient trahir.


Des oreilles averties pouvaient entendre le très léger bruit de craquement du plancher, par moment.

[Höl]

Ainsi parlé, Höl se vit servir sa bière et un pichet d'une eau jaunâtre, qui lui rappelait la rosée de la Saison Noir, malédiction elfique de plus sur sa terre natale. Il sourit en coin en imaginant la différence entre lui et elle à ce sujet. Elle ne pourrait jamais boire ça et il le constata rien qu’à son regard dégoûté. Lui, il avait l’habitude de la Saison Noir et du manque de vivre lors de cette saison qui tombait un automne sur deux. Les loups mourraient de faim car plus aucune proie n’était comestible à cause de la mousse pourrie que les Cerfs Noirs consommaient pour survivre. Mais les elfes sombres, eux, avaient appris à s’acclimater à la pourriture, à l’eau croupie et poisseuse. Mais, ceci n’était vraiment rien face à ce qu’il devait boire lorsqu’il était retenu à Fort-Sadis : L’eau des latrines. Cette époque était révolue et il ne comptait pas avoir à le refaire, mais, cette eau jaunâtre … Et bien, il avait soupé pire. Il profita alors de sa bière en regardant l’elfe dans les yeux qui émit alors une remarque à propos de cette eau. Höl soupira et répondit en ricanant :

 « Peut-être. Après tout, cette eau sale pourrait très probablement brûler ton gosier si fragile. »

Il n’aimait vraiment pas avoir à traiter avec une elfe sauvage, mais Höl redevint plus attentif lorsqu’elle se mit à parler sérieusement. Mais, bien qu’il eût quelques espoirs qu’elle ne fût pas la plus arrogante et dénuée de sentiment de ses pairs, il révisa bien vite son jugement. Son ton transpirait la suffisance, l’arrogance, l’ego et le mépris. Il fronça les sourcils lorsqu’elle fit une pause, trop courte pour que Höl ne garde son objectivité. La suite de ses propos était encore plus méprisable et remplie de haine.
L’Elfe sombre prit un air vexé, presque colérique et voulu prendre la parole, mais une main d’homme vint se poser sur l’épaule de la jeune elfe.

Ce dernier comptait assouvir ses vices sur cette dernière qui semblait … Choquée. L’homme proposa même de l’argent à Höl pour qu’il la lui vende. Bien que se débarrasser d’une telle teigne avait effleuré l’esprit de Höl, il ne pouvait se résoudre à la laisser à de telles brutes, si bien qu’il répliqua d’un ton sec, froid et d’une voix plutôt basse :

 « Hors de question. Celle-ci est à moi. Trouve toi une fille de joie, je n’ai pas besoin d’argent. »

Il souleva sa bourse fraîchement gagnée, attirant l’attention sur le combattant affalé dans l’ombre de la petite pièce de combats clandestins. Les oreilles de Höl frémirent subitement. Il avait entendu un craquement dans le plancher et avait fait le lien directement avec Naevia. Il tenta de lui faire comprendre qu’il ne valait mieux pas qu’elle attire l’attention sur elle d’un mouvement de tête. Il porta ensuite son regard vers l’humain, en attente d’une réponse, portant une main à l’un de ses dagues tandis que l’autre venait porter sa chope à ses lèvres.

[Mortelune]

La réponse que fit Höl au colosse provoqua une nouvelle réaction de dégoût sur le visage de Naev'. A lui ? Mais comment osait-il se moquer ouvertement d'elle. Quel affront. Non seulement l'elfe sombre sous entendait, par cette intervention, qu'elle lui appartenait mais en plus qu'elle n’était pas capable de régler la situation seule.


C'en était trop ! Elle tentait de se contrôler depuis trop longtemps maintenant. Son pouls s’était dangereusement accéléré et son souffle se faisait haletant. La luminescence qui animait ses yeux s'intensifia alors. La Graine de Sylvareth nota bien le mouvement de visage d'Höl qui discrètement l'intimait de se calmer. Mais c'était peine perdue. Déjà ses cheveux verts commençaient à s'agiter comme s'ils étaient balayés par une légère brise.


Tout ici la mettait hors d'elle, l'atmosphère oppressante, ces gens et leurs manières, les odeurs, les regards insistants des clients de cet immonde repaire de crevures et plus que tout l'elfe qui lui faisait face. Oh, elle avait bien compris son intention. Elle n’était pas sotte. Ils étaient tous deux en terre étrangère et en infériorité. Il voulait éviter le grabuge et les conséquences qui en découleraient certainement. Mais de là à sauver la vie d'un humain... Comment un individu se prétendant Elfe, même Sombre, pouvait se résoudre à préserver la vie d'un être inférieur ?


Les craquements du plancher se faisaient de plus en plus bruyants et rapprochés. Alors que Naev' s’apprêtait à libérer sa colère et à lancer l'assaut, le géant retira sa mais de l’épaule de l'Elfe Sauvage. Visiblement ce dernier avait compris le message et ne souhaitait pas se frotter à celui qui l'avait plutôt impressionné dans le cercle de combat.

-"Bwarf... - grogna-t-il résigné - De toute façon elle n'a que la peau sur les os, on l'aurait probablement cassé en deux coups de reins. Garde là ta fillette".

La tension palpable dans la salle tomba d'un cran. Les craquements du plancher cessèrent dans la seconde. Mais visiblement Naev' était encore folle de rage. Comme frustrée de n'avoir pu évacuer toute sa colère sur le géant qu'elle aurait volontiers renvoyé ad patrès. Elle n'aurait pas fait de détail. Avec le sort qu'elle lui préparait, l'agonie n'aurait duré qu'une poignée de seconde, après quoi, il serait retombé inerte sur le sol, telle une poupée de chiffon désarticulée.


Mais il n'en fut rien. 


Après un moment, les yeux de la jeune elfe reprirent leur teinte normale entre le jaune et le marron. Son visage se décrispa quelque peu même si son regard, fixé sur Höl, marquait une immense rancœur. Elle toisait l'elfe sombre, en le regardant de sous ses sourcils, sans dire le moindre mot.
Elle prit le temps de réajuster ses cheveux décoiffés par les effets de son incantation puis toujours silencieuse, se leva brusquement de sa chaise, enfila sa cape de voyage en recouvrant sa tête de sa capuche et  ramassa enfin sa lance avant de s'adresser à Höl. 


-"Je t'ai dis tout ce que j'avais à te dire. Je ne peux pas rester ici une seconde de plus sous peine d’égorger jusqu'au dernier des rats qui fréquentent cette gargote. Si tu souhaites poursuivre cette conversation, trouvons un endroit plus respirable. Un parc, un jardin, que sais-je, un endroit ou l'air ne sent pas la pisse. Si tu décides de rester ici et de décliner ma proposition, je te souhaite une mort rapide et sans souffrance quand tu te présenteras face à Shirius"


Sans attendre elle quitta l’établissement et claque la porte derrière elle. Au dehors, le soleil etait haut dans le ciel et Naev' laissa un instant ses rayons réchauffer son visage. Cette sensation agréable lui fit un bien fou. 


Elle souffla alors un grand coup, comme pour décompresser.

[Höl]

L'elfe sombre observait tour à tour le colosse et l'elfe, surveillant les réactions des deux. Le colosse abandonna sa "proie" en se justifiant d'une excuse peu crédible et machiste, histoire de ne pas montrer à sa bande qu'il se dégonflait, tandis que Naev' bouillonnait de rage bien qu'elle rétracta son sortilège. Il lâcha le manche de sa dague dès que le colosse eût lâché Naevia, en synchronisation parfaite. Il finit sa bière d'une traite alors que son regard s'était posé sur la jeune elfe. La colère était tellement grande en elle qu'elle parvenait à faire jubiler Höl intérieurement. Il ne laissa rien transparaître pour le coup : Après tout, il n'avait pas envoyé promener ce colosse pour rien. Mieux valait qu'elle reste calme. Höl sentait en lui que seul Clantor le préserver d'un combat à mort avec elle. Sa haine raciale aurait pût être atténuée si cette dernière s'était montrée reconnaissante, amicale et surtout, si elle ne s'était pas sentie supérieure. Les paroles de Naévia lui firent comprendre qu'il avait bel et bien raison. Mais Höl avait déjà suffisamment de trois ennemis : Les Néorta. Rajouter cette elfe n'aiderait pas ses plans.

Naévia se leva et sortit comme une furie de la taverne. Elle n'allait pas partir de suite, puisqu'elle lui proposa tout de même de la rejoindre ... Dans un parc ... Tssss ... Encore une entreprise égoïste de la part d'une elfe sauvage, se dit-il, elle se fichait éperdument que la lumière du soleil l'incommode. Il réfléchit un instant à la situation. Naevia aussi avait besoin d'aide, et elle ne le trahirait pas jusqu'à ce que Shirius soit mort. Mais voulait-elle la mort de Shirius ? Il trouvait cette explication un peu légère, il y avait quelque chose d'autre. Il revêtit sa cape, rabattant son capuchon sur sa tête et embarquant sa bourse et ses armes avec lui, se dirigeant furtivement vers la sortie, si bien que personne ne remarqua que l'elfe s'était faufilé. Et Naévia non plus ne s'était rendu compte de l'apparition de Höl dans son dos. Son pas léger témoignait d'un entrainement rigoureux d'assassin combiné à la furtivité naturelle des elfes sombres. Il prit doucement la parole afin de ne pas effrayer Naévia :

"Je crois que tu as encore des choses à dire à propos de Shirius. Allons à un endroit où je pourrait me mettre à l'ombre. La lumière du soleil m'éblouit ..."

Il devança Naévia en se faufilant dans les rues avec rapidité et dextérité, mais volontairement visible afin que Naévia ne le perde pas de vue.

[Mortelune]

Encore éprouvée par l'effort qu'elle avait dû fournir dans cette taverne pour contenir sa rage, Naev' ne sentit pas immédiatement la présence d'Höl dans son dos, trop occupée qu'elle était à essayer de retrouver calme et sérénité. Elle fut d'ailleurs relativement surprise de ne pas l'avoir détecté avant. Mais elle imputa cela à son état de grande fatigue. Sa tête tournait et sa vision était encore embrouillée lorsque l'elfe sombre s'adressa à elle pour lui signifier ses recommandations.

Il voulait parler de Shirius. Grand bien lui fasse, elle était venue pour cela. Elle sourit ouvertement à l'elfe lorsque ce dernier indiqua qu'il souhaitait gagner un endroit à l'ombre. Naev' avait en effet oublié l'une des innombrables tares des Elfes Sombres. Ces pauvres petits être fragiles ne supportaient même plus les bienfaits des rayons solaires. Leurs petites peaux laiteuses en souffraient le martyr... Cela l'amusait et après avoir elle même montré quelques signes de détresse en environnement hostile, cela la rassurait également. 

-"Je te suis" indiqua Naevia, sans que son ton ou son visage ne trahisse une quelconque émotion.

Elle avait retrouvé son calme à présent, et elle était disposée à échanger avec Höl avec ce qu'il lui était possible de diplomatie, dans la mesure où elle avait effectivement besoin de son aide.

Aussitôt après il s'enfonça furtivement dans les ruelles du quartier. Elle remarqua en le suivant qu'il faisait semble-t-il exprès de rester visible pour qu'elle puisse le suivre sans mal. Délicate mais inutile attention pensa-t-elle, dans la mesure où son instinct animal faisait d'elle une pisteuse hors pair. Elle pourrait lui laisser deux cent pas d'avance qu'elle parviendrait à le débusquer sans mal rien qu'en flairant son odeur caractéristique d'elfe sombre.

[Höl]

Höl pressa son pas, voyant que l'elfe ne semblait pas peiner le moins du monde. Il grimpa sur un mur craquelé, pour ensuite sauter sur le toit d'une maison en contrebas et continuer sa course vers un grenier délabré. Il s'assit dans l'ombre où l'on ne pouvait plus distinguer que ses yeux brillants comme la braise. Höl extirpa de ses effets personnels une pipe et son herbe à fumer. Il s'alluma d'une étincelle qu'il produit entre ses doigts, vain usage de la magie draconique, mais Höl voyait toujours le coté pratique des choses. L'elfe sombre attendit patiemment Naévia en fumant paisiblement, observant les oiseaux voler dans un ciel si bleu. Il grimaça à l'idée de mettre à nouveau son nez dehors. Il connaissait cette sensation, lorsqu'il sortait sur les rives d'Eynain en pleine journée. Les elfes n'avait pas manqué de rendre l'astre solaire nocif à la peau de leurs ennemis jurés. Il sortit de sa rêverie lorsque Naévia parvint à lui. Il prit la parole dès son arrivée :

"Pourquoi tu veux la peau de Shirius ? Des prisonniers, y en a des centaines dans chaque factions. Une fois que les prisonniers se font la belle, ils préfèrent rentrer chez eux et oublier le passé. Shirius était pas tendre avec les autres races, mpais ça reste correct comme traitement ... Du moins, pour les prisonniers de guerre. Alors pourquoi tu le veux mort ?"

Il souffla sa fumée vers Naévia, tout en observant Naévia d'un regard fixe.

[Mortelune]

Naev' suivait d'un pas léger les déplacements agiles de Höl. Le courant d'air provoqué par la vitesse de ses mouvements faisait onduler les fines mèches de ses cheveux verts. Le bougre d'elfe sombre se déplaçait plutôt rapidement et avait déjà prit pas mal d'avance sur elle. Néanmoins, les sens de la Graine de Sylvareth étaient aux aguets. Les yeux fermés elle suivaient les effluves odorantes dispersées au gré du vent par les déplacements du membre de la famille Dytania.
Un appui sur un muret, une impulsion depuis la rambarde d'un balcon suivi d'un petit saut périlleux et elle parvint à cette espèce de grenier dans lequel Höl s’était vraisemblablement réfugié. 

A mesure que Naev' se rapprochait du bâtiment en piteux état, elle percevait une odeur d'herbe à fumer de plus en plus forte. Il était bien là, cela ne faisait plus aucun doute. Elle pénétra dans le grenier par un trou béant dans sa toiture. Visiblement, ce lieu devait être désaffecté depuis un moment. Ils n'y seraient donc pas dérangés. A l’intérieur, elle constata que Höl s’était réfugié dans l'ombre. Seuls ses yeux rougeoyants étaient visibles immédiatement.


Naev', aidée par sa nyctalopie elfique dû patienter quelques secondes le temps que ses yeux s'adaptent à la luminosité des lieux et qu'elle puisse enfin distinguer les traits du visage de son interlocuteur. Ce dernier s'adressa à elle avant même qu'elle ne puisse dire le moindre mot. Il était visiblement étonné de la requête qu'elle avait formulée. Elle l'aurait été à moins. Elle estima qu'il n'était d'aucune utilité à cet instant de cacher ses véritables intentions. Un argumentaire franc pourrait probablement mieux servir ses intérêts qu'un tissu de mensonges.

Elle décida donc de jouer franc jeu et exposa à l'elfe sombre les raisons de sa demande.

-"Tes questions sont légitimes, Höl". 


Elle l'appelait ainsi pour la première fois et ressenti une étrange sensation à l'évocation de ce nom. Il semblait à présent qu'elle s'adressait à une personne différente, un être qui n'avait plus rien à voir avec la Raclure. L'appeler ainsi aiderait peut-être Naev' à mieux tolérer sa présence en lui permettant d'occulter leur passé commun.

-"Comme je te l'expliquais plus tôt, je me nomme Naevia Admar Sol’Andïl. Je suis la Fille d'Aedor Admar Sol'Andïl, le Grand Forestier des Graines de Sylvareth. Tu n'es pas sans savoir ce que ce titre signifie. Mon père occupe une place de rang dans la hiérarchie et est l'un des pontes de notre capitale, Puritas. Enfin, je devrais plutôt dire qu'il l’était. Car aujourd'hui mon père a disparu."

A mesure qu'elle expliquait la situation à Höl, le visage de Naev' se marquait de tristesse. Ses yeux habituellement flamboyants, se ternirent d'une lueur sombre, comme s'ils s'éteignaient. Sa voix et son ton étaient moins assurés et moins arrogants également.

-" J'ai appris de Menelas Sylvareth en personne, grand ami de ma famille, que mon père s'était lancé à ma recherche, seul, quelque temps avant que je ne parvienne à m'échapper de Fort-Sadis. A mon retour à Puritas, j'ai attendu quelques semaines le retour de mon père, en vain. Puis j'ai tenté de retrouver sa trace par tous les moyens. Mais je n'ai guère trouvé de pistes tangibles. Néanmoins, tout me laisse penser qu'il est toujours en vie et probablement aux mains de Shirius ou de quelque homme de main à sa solde."

Le regard tourné vers ses pieds, Naev' grattait le sol pensivement avec la lame effilée de sa lance de combat. Elle releva le menton et fixa Höl avant de reprendre.

-"Je me suis alors rappelé ton existence et ton retour à Fort-Sadis. J'ai pensé que si quelqu'un pouvait suffisamment détester Shirius pour tenter de le retrouver, c’était bien toi."

Sa main droite, frêle mais puissante, serrait nerveusement le manche de son arme si bien que l'ensemble tremblotait. 

-"Je veux retrouver cette ordure d'Elfe Sombre et lui faire cracher le lieu où il retient mon père. Après quoi il subira les foudres de ma colère pour avoir osé m'emprisonner dans sa geôle puante des années durant. Je lui arracherai les membres un à un, je cicatriserai les plaies au gros sel, en prenant soin de le garder en vie. Après quoi, je ramènerai le reste de son corps avec moi dans les Iles Vertes afin que chacune des Graines de Sylvareth puisse lui cracher au visage, avant qu'enfin je ne jette cette pourriture en pâture aux ours des cavernes scintillantes."

Alors qu'elle évoquait le sort qu'elle resservait à Shirius, l'expression de son visage se modifia du tout au tout, passant d'une tristesse marquée à la manifestation d'un sadisme indicible. Ses yeux fixaient le vide comme si elle était possédée.Son sourire, toutes dents apparentes, lui aussi, renforçait cet air de démente. Naev' finit par se rendre compte de son comportement et adopta une posture plus modérée. Son visage reprit alors une expression plus neutre. 

Visiblement éprouvée, elle décida de s’asseoir sur un vieux canapé défoncé, en attendant les commentaires de l'elfe sombre.

[Höl]

Höl écouta patiemment la réponse de l'elfe sauvage, tirant quelques bouffées sur sa pipe. Ces dernières lui montaient à la tête, rendant son visage plus paisible et ses rictus moins nerveux. Sa compassion lui permettait de faire abstraction de la barrière raciale qui séparait les deux elfes. Il comprenait sa détresse sans même essayer de la comparer à la sienne. Il comprenait, c'est tout. Il la laissa s'exprimer tranquillement, prenant même une posture plutôt relaxée pour ne pas envoyer de mauvaises ondes. Une fois que Naévia eût finit son discours visiblement rempli de sincérité, Höl expira un long nuage de fumée épaisse, marquant un temps de réflexion de quelques instants. Il porta sa main à son menton et fronça les sourcils, puis tourna son regard vers Naevia.

"Depuis combien de temps a t-il disparu environ ? Ça me permettrait de savoir si Shirius le retient ou non."

Höl se redressa de toute sa hauteur et enleva sa cape de ses épaules pour découvrir sa peau blanche jonchée d'affreux coups de fouet dont la douleur semble encore se ressentir rien qu'à leur vision. Il s'approcha lentement de Naevia, tout en restant précautionneusement dans l'ombre, sa pipe à la main.

"Quoi qu'il en soit, si ton père est si puissant que tu le dis, il est probable que Shirius tente de l'utiliser à ses fins plutôt que de s'en débarrasser. En ce cas, ton père n'est probablement pas mort. Mais je ne puis prédire avec exactitude la démence de cet être ignoble."

Il arriva à quelques centimètres de Naevia, la détaillant de haut en bas, comme pour s'assurer de la véracité des propos de l'elfe, avant de se retourner et de s'éloigner quelque peu avant de s'adosser à un poutre, s'abritant ainsi à nouveau de cette lumière assassine. Il reprit la parole d'une manière tout aussi calme que précédemment.

"Je peux t'aider à libérer ton père, mais je ne peux pas te laisser le loisir de faire ce que tu voudras avec Shirius. Et je ne peux en aucun cas te le céder pour que tu le ramène à Puritas. Tout ce que je peux te promettre, c'est sa mort."


L'elfe sombre semblait alors déterminé. Il voulait la peau de Shirius pour lui seul. Son regard à cet instant trahissait ses souvenirs les plus sombres, marques indélébiles laissées par le patriarche Néorta, qui le hantent encore et toujours. Ses poings se fermèrent de rage et ses muscles semblaient se contracter de colère. Höl glissa son regard vers Naevia, les sourcils froncés, mais tentant calmement de lui faire comprendre son point de vue.

HRP:

[Mortelune]

Depuis leur perchoir situé sur les poutres, deux chouettes effraie observaient silencieusement les protagonistes situés en contrebas. Les rayons du soleil perçaient la toiture du grenier et inondaient d'une lumière douce et apaisante, le lieu dans lequel le couple d'elfes avait choisit de se réfugier.


Si l'un deux se tenait à l’écart de la zone illuminée, l'autre en revanche appréciait grandement les caresses de l'astre solaire. Naev' profita de cette chaleureuse bénédiction pour ôter à son tour, sa pèlerine de voyage afin de permettre à tout son corps d’apprécier ces bienfaits. Elle disposa son vêtement et en disposa non loin, sur l'accoudoir du canapé qu'elle occupait.

La Graine de Sylvareth avait apprécié la posture adoptée par l'Elfe Sombre durant toute la durée des ses explications. Jamais ne l'avait-il interrompue. Elle n'avait ressenti aucune forme de jugement et n'avait observer aucun signe de satisfaction à l'évocation de ses malheurs. Bien évidement, a contrario, il n'avait montré aucune marque de compassion ou d'empathie. Elle avait finalement accueilli le verdict d'Höl avait un grand soulagement. Il l'aiderait.

Cette décision eut raison des derniers signes de tension que pouvait manifester Naev'. Enfin les choses avançaient dans le bon sens. Enfin l'espoir reprenait un peu de place dans son esprit. Ce sentiment dénoua le ventre de Naev', malmenée depuis trop longtemps par une souffrance psychologique omniprésente. L'idée de remercier Höl lui traversa la tête l'espace d'un instant, mais elle rejeta celle-ci assez rapidement. Si elle était suffisamment détendue à présent pour parvenir à contenir sa haine des Elfes Sombres, le chemin était encore long avant qu'elle ne soit capable de leur exposer le moindre signe de gratitude ou de reconnaissance. Elle esquissa néanmoins un sourire timide à son interlocuteur, qui en disait long.

Elle même fut assez surprise par son attitude. Dans un passé pas si lointain, jamais elle ne se serait imaginée sourire à Elfe de Bois-Ardent... Sauf peut-être si celui-ci agonisait à ses pieds, empalé sur sa lance. Naev' estima alors que la forte odeur d'herbes à fumer qui planait dans le grenier devait aussi y être pour quelque chose. Elle observait alors avec circonspection les volutes de fumées qui s’échappaient de la pipe de l'Elfe Sombre ainsi que de sa bouche. Quelle étrange coutume que celle-ci, pensa-t-elle. Il fallait bien être un peu dérangé pour oser utiliser la nature à cet effet.

Assise en tailleur sur son canapé, Naev' s’apprêtait alors à répondre aux diverses interrogation de Höl. Au même moment, l'une des chouettes quitta son perchoir pour se poser sur l'avant-bras de la Graine de Sylvareth, probablement attirée par l'aura d'Oth, la Déesse Chouette Blanche, qui lui avait accordé sa bénédiction et incarnait à présent son animal totem. Cette dernière, d'abord étonnée, fut ensuite attendrie par ce témoignage d'affection. Naev' adressa à l'oiseau quelques douces paroles en Sylvanien tout en le caressant, ce que l'oiseau sembla apprécier. Elle répondit ensuite à l'elfe sombre qui observait la scène.

-"Je suis résolue à accepter ta requête et te laisser disposer de Shirius comme bon te semblera, à la condition seule que tu me garantisses une mort lente et douloureuse pour ce chien. D'après Ménélas, mon père aurait prit les armes et quitté Puritas environ deux semaines avant que je ne m'échappe de Fort-Sadis. Ce qui est étrange, c'est que dans éventualité ou il serait actuellement aux mains de Shirius, nous n'ayons reçu aucune demande de rançon... Quelle utilité de faire prisonnier un ennemi important si l'on ne s'en sert pas à des fins stratégiques ?"

[Höl]

Höl observa l'elfe se détendre en présence d'une chouette, venue se poser sur son bras. Cette vision adoucit alors son jugement sur cette dernière... Une fois encore. Déconcerté, il tira quelques bouffées sur sa pipe, histoire de remettre un peu d'ordre dans sa tête, ou de masquer son visage par l'épaisse fumée blanche qui s'en dégageait. Il écouta attentivement  ce que Naev' dit sur Shirius, ce qui le fit sourire et même pouffer. Shirius demander une rançon... Cet elfe possédait les trois quarts de la fortune elfe noire à lui tout seule. De l'argent, il n'en avait pas besoin. Non, Shirius était ivre d'un pouvoir bien plus grand et plus malsain que l'argent. Il répondit alors d'un ton monocorde :

"Shirius n'a pas besoin de demander de rançon. Il haït les elfes sauvages plus qu'il ne hait ses propres congénères, et, ce n'est pas peu dire... Shirius compte probablement utiliser ton père à des fins maléfiques. C'est également une assurance en plus pour assouvir à nouveau son pouvoir sur Bois-Ardent : Me rayer de la carte et utiliser ton père pour retrouver le pouvoir qu'il avait avant ... Voire plus grand qu'avant. Ce qu'il veut à ton père, et bien, ce sont probablement ses dons druidiques ou alors ... Un artefact, une information, n'importe quoi qui pourrait lui garantir une puissance incommensurable. C'est alors aussi important pour moi de retrouver ton père que pour toi."

Il se mit à rôder dans l'ombre sans quitter Naev' des yeux. Il observait cette dernière comme pour s'imprégner de sa présence, pour s'habituer à son contact. En effet, il ne ferait plus cavalier seul, et pas forcément avec une équipière qui lui veut du bien. Mais elle possédait des raisons suffisamment solides pour qu'il lui accorde un minimum de confiance.Après tout, on ne pouvait pas vraiment reprocher aux elfes communs ou sauvages d'être déloyaux, mais chaque elfe sombre savait ceci : Leur peuple ne s'est pas exilé en Eynain pour un malentendu. L'histoire était restée suffisamment claire même après toutes ces années. Il détourna le regard dans le vide, comme divisé par un choix. Un bon assassin se devait d'assurer ses arrières. Höl se préparait probablement à l'affronter à l'avenir. Non pas qu'il ne se sentait pas prêt, seulement, il avait énormément de mal à prévoir les réactions des elfes sauvages, imprévisibles, impulsifs, et ils ne manquent pas une occasion de tuer un elfe sombre. Surveiller ses arrière, c'était tout ce qu'il fallait faire. Il reprit tout à coup le fil de sa réponse :

"La mort de Shirius ne sera pas... Plaisante. Je peux te faire le serment que l'Enfer aura peut être un meilleur goût que son agonie."

Le visage de l'elfe se crispa de vice, de rage et de rancœur. Dans sa tête, des milliards de fois il l'avait torturé, des milliards de fois il lui avait rendu ses coups, mais comme une faim insatiable, rien ne le calmerait que d’exécuter ces funestes projets sur le patriarche des Néorta.

"Nous devrions nous mettre en route. J'ai perdu sa trace tôt après son arrivée sur le continent. Il avait déjà pas mal d'avance sur moi, probablement déjà parti lorsque j'ai fait brûlé sa demeure. Le mieux serait de mener l'enquête, mais il y a peu de chance que nous trouvions les informations nécessaires au soleil. Je suis navré, mais nous allons devoir passer par les recoins les plus sombre de cette cité. Sa passion pour le vice et son dégoût de la lumière du jour l'a probablement poussé à séjourner ou même simplement passer dans des tavernes mal famées ou des maisons de passe. Je sais qu'il est accompagné de ses deux fils, mais je ne sais pas où il retient ton père."

Höl dicta tout ceci en se revêtant de sa cape et en vidant ses cendres sur le sol. Il semblait être prêt à partir et plutôt déterminé. Il laissait même transparaître une aura de confiance, ne trahissant ses pensées d'aucun signe de méfiance, de dégoût ou de haine. Une fois sa capuche rabattue, il risqua quelques pas à la lumière et hocha brièvement la tête comme pour signifier qu'il était prêt.

[Mortelune]

Naev' toujours assise en tailleur, écoutait attentivement Höl en caressant lentement le plumage de sa nouvelle amie. Elle nota sans mal toute la haine qui se lisait sur le visage de l'elfe sombre, à l'évocation de Shirius. Il avait du lui en faire baver plus souvent qu'à son tour. Elle même reconnaissait volontiers que le traitement dont elle avait fait l'objet dans les geôles de Fort-Sadis était sans commune mesure avec le sien car à la souffrance physique s’était ajoutée l'humiliation.


Quand on sait l'importance qu'accorde tout Elfe qui se respecte à son honneur et sa réputation... on a moins de mal à imaginer la rancœur que doit porter Höl à son tortionnaire.


A mesure que les minutes défilaient en compagnie de l'elfe sombre, Naev' voyait naître en elle une certaine forme de compassion. Ou du moins une once de compréhension. Elle appréhendait de façon un peu plus concrète le mode de penser de Höl, ce qui le motivait, mais aussi ce qui pourrait le mettre hors de lui.


Alors qu'il expliquait le mode de fonctionnement des Néorta, un minuscule rongeur, peut-être une musaraigne, passa sa tête hors d'un trou dans le mur effrité du grenier. Ni une, ni deux, les yeux de Naevia brillèrent de la même lueur que celle qu'Höl avait pu observer précédemment dans la taverne. Elle prononça quelques mots en Sylvanien en chuchotant assez mystérieusement. C'est alors que surgit de nulle part, une branche de lierre se faufila par une aspérité de la charpente et vint se saisir du pauvre animal. Le lierre, mû par une une volonté magique, se rapprocha ensuite de Naev' pour libérer sa proie dans ses mains.


La jeune Elfe s'adressa ensuite au rôdeur, tout en jouant avec le petit rongeur, qu'elle faisait passer d'une main à l'autre.

-"Je comprends mieux. Shirius peut effectivement tirer parti de mon père. Mais je pense qu'il n'a que faire de ses dons druidiques, comme tu les appelles vulgairement. Mon père n'a jamais été un bon élementaliste. Surtout si on le compare à Ménélas. Non.. on peut-même dire qu'il est plutôt mauvais -expliqua-t-elle visiblement gênée comme si elle avait un peu honte de la médiocrité de son paternel - Par contre, c'est un combattant merveilleux et un stratège hors pair. Mais même cela ne constitue guère un motif valable de détention. Non... par contre, il a connaissance de tous les dispositifs de défenses mobilisés dans les Iles Vertes et plus particulièrement à Puritas. Il sait également, les forces en présences, les contingents mobilisés et leur constitutions, la localisation de nos armureries,  les mouvements des patrouilles de Golems et d'Ents, tout, il sait absolument tout sur l'armée Sylvarienne. Et cela est fortement préoccupant. Je doute que mon père ne cède à quelconque torture pour révéler le moindre sujet stratégique, mais... si Shirius devait faire usage de la magie pour extirper ces informations, j'ai peur que mon père ne soit pas en mesure de lui resister".

Naev' réfléchissait tout en parlant. Les yeux dans le vague, elle ne fixait plus aucun élément tangible de son champs de vision. Au fil des mots prononcés, ses mains avaient cessé de jouer avec la musaraigne. Lorsqu'elle reprit enfin ses esprits, l'elfe constata qu'elle lui avait tout bonnement brisé la nuque d'un geste sec. Impassible et loin d'être perturbée par son acte, elle jeta sa prise en pâture à la chouette qui se trouvait toujours à ses côtés. Puis, elle rassembla à son tour ses affaires, sa pèlerine ainsi que sa lance avant de s'adresser une fois de plus à Höl. Elle eut un petit rictus d'agacement lorsqu'il lui indiqua être navré de devoir poursuivre ses investigations dans des endroits peu appréciés des Elfes sauvage. Ce petit affront eut pour effet de lui rappeler l'antagonisme existant entre leurs deux races.


-"Je suis prête Höl. Mais garde de toi bien d'être navré de quoi que ce soit. Je sais faire la part des choses et te suivre dans ces endroits immondes ne sera qu'une simple formalité pour moi. Je suis peut-être une elfe sauvage, comme vous autres vous plaisez à nous appeler, mais il n'en demeure pas moins que moi et les miens vous sommes supérieurs en bien des aspects, si ce n'est en tous. Considère donc moi comme ton alliée temporaire, mais pas comme une petite chose fragile sur laquelle il faut veiller. A défaut ma lance finira malencontreusement par se ficher dans ton crâne".

Sur ces mots, la Graine, sûre d'elle comme jamais fit s'envoler d'un geste de son bras droit la chouette effraie qui se réfugia plus haut dans les combles. Elle enfila à son tour sa cape et positionna sa lance en balancier sur son épaule. Lorsque constata que l'elfe sombre fit quelques pas dans la lumière pour s'approcher d'elle, elle fut relativement surprise de l'initiative. Que cherchait-il au juste ? A matérialiser le fait qu'il était prêt à accepter leurs différences ? A lui signifier une sorte de main tendue ? Peu lui importait pour le moment. L'urgence n'était pas là... 


Elle ne rendit qu'un hochement de tête neutre à l'elfe, lui indiquant qu'elle même était prête à lever le camp.

[Höl]

Höl savait parfaitement qu'il ne valait mieux pas agir pour sauver ce petit rongeur. Il se remémora soudain la perversité des sien et sourit en coin. Sous ses habits elfiques de protectrice de la nature, elle se permit d'être cruelle envers un animal, histoire de satisfaire une autre race plus forte. Cela ressemblait énormément à la façon de penser de la Graine de Sylvareth. Cruellement, ceci rappelait à l'elfe sombre pourquoi les siens haïssaient tant les autres elfes. Après tout, leur réputation vicieuse et parjure était également présente chez eux, seulement, il se gardaient bien de l'assumer.

"Si comme tu le dis, ton père n'est pas un bon élémentaliste, il y a de fortes probabilités qu'il en veuille à l'organisation militaire des tiens. Puritas possède probablement quelque chose qu'il désire, ou alors, peut être ne désire t-il que s'en prendre à ta race. Quand à la torture, tu as raison sur un point mais faux sur l'autre. Il n'utilisera pas forcément la torture physique sur ton père, il utilisera probablement la torture mentale, peut être aidée de ses sortilèges si son mental est assez résistant. Je ne connais personne qui n'aie pas parler après avoir été torturé par Shirius... Excepté mon cousin."


L'elfe sombre ne tint pas compte de l'arrogance de sa partenaire lors de sa dernière remarque et semblait même se ficher complétement de son avis, peut être volontairement. Il ne répondit pas et prit un certain temps avant de s'élancer, comme pour signifier qu'il avait tout de même entendu. Derrière ce visage fier et sur d'elle, se cachait probablement une incapacité quasi-totale à se fondre parmi la plèbe. Elle serait un boulet pour la mission, mais il n'avait pas le choix. Il semblait plus préoccuper à se trouver un route pour arriver vers un autre quartier mal famé, un quartier ou Shirius aurait pût se cacher, que de se braquer contre Naev' pour entamer un débat qui ne mènerait à rien. Tout en débutant sa route par des acrobaties virevoltante, se permettant de prendre un peu d'avance, quitte à bousculer un peu sa coéquipière de fortune, l'elfe sombre se remémorait son cousin. Ce dernier était probablement le seul vrai martyr de Shirius. Non seulement les sévices qu'il avait subi étaient particulièrement brutaux et vicieux, mais en plus, il avait perdu la vie sans même livrer son cousin en pâture à son tortionnaire. La mort de sa famille, la perversité de Shirius, tout ça tournoyait dans sa tête tel un tourbillon dévastateur, rendant sa course plus rapide et plus risqué, mais tout de même maîtrisée. Il se reposa sur un perchoir, en haut d'une maison haute, afin d'avoir une nouvelle vision de la ville pour pouvoir s'orienter. Derrière lui venait d'arriver la Graine de Sylvareth, et sans se retourner, il lui indiqua avec une ironie froide :

"Bon, je ne doute pas de tes compétences hautement supérieurs aux miennes quand il s'agit de trouver des informations dans un quartier populaire humain, mais pour ce coup, je me chargerait du principal. Tu me préviens si jamais tu vois quelque chose qui m'aurait échappé et tu évite de t'énerver et de sortir tes lianes dès qu'un bonhomme t'effleure les fesses."

Brutalement, Höl plongea dans le vide d'une manière suicidaire, pour se retrouver quelques secondes après, incognito dans la rue, sans même que personne ne se rende compte de quoi que ce soit. Il leva les yeux prudemment vers Naev' attendant que celle ci la rejoigne. Son manteau enveloppait totalement l'elfe sombre, le rendant homme parmi les hommes. Même le tintement rougeoyant de ses yeux avait disparu. Sans trop tarder, il prit ses marques, cherchant chaque endroit qui pourrait retenir des informations. Avec tous ces évènements, le soleil commençait à se coucher, et le sourire de l'elfe se dessina lentement sur son visage. Il savait que la pèche serait bien meilleure de nuit. La nuit, les gens les plus douteux sortent, et c'est souvent d'eux que les meilleures informations viennent.

[Mortelune]

Naev' avait suivi la piste d'Höl sur les toitures biscornues des bâtiments du quartier. Elle ne possédait pas son agilité en pareil endroit, mais se débrouillait tout de même convenablement. Arrivée à quelques mètres de sa cible, elle serra les dents lorsque Höl usa d'une ironie non dissimulée. Elle se contenta de hocher la tête nerveusement, comme pour lui signifier d’abréger son discours et de passer à l'action.

De toute façon ses conseils n'étaient d'aucune utilité, elle savait déjà qu'elle devrait lutter pour refréner ses pulsions colériques. Elle observa l'elfe sombre disparaître dans la foule, plus bas, après un extravagant saut de l'ange. Elle soupira lentement devant le spectacle et se demanda s'il cherchait vainement à l’impressionner. Cette idée la fit pouffer un moment tant cette entreprise serait vouée à l'échec.

Agilement, elle se laissa glisser sur l'ardoise de la toiture, puis redressa sa trajectoire en prenant appuis sur une rebord de fenêtre et glissa le long d'une corde à linge avant de se lâcher à quelques mètre au dessus du sol, dans une ruelle adjacente peu empruntée. Ses chevilles souples amortirent la chute sans mal et sans bruit. Elle avait été discrète au possible. Elle s'enfonça ensuite dans la rue passante, grognant à chaque fois que ses épaules heurtaient celles des badauds qui allaient et venaient. Déjà le jour tombait et la lune ne tarderait pas à poindre si bien que sa vision passait progressivement en nyctalopie en fonction de la luminosité des endroits qu'elle regardait.

Höl l'avait chargé d'observer et de le prévenir en cas de chose inhabituelle. Il en avait de bonnes lui. Elle mettait les pieds pour la première fois dans une ville humaine, qui plus est de cette taille. Elle n'avait absolument aucune idée de ce qui était habituel ou non. Ce gros lard qui les regardait la bas, tout en se grattant le nez l'était-il ? Et cet individu encapuchonné, adossé à la taverne ? Ici, tout semblait étrange à Naev', tellement différent de Puritas. Ce bruit, ces odeurs, cette promiscuité entre les gens. Diantre, ces gens ne prenaient-ils jamais de bain ? Ces effluves étaient proprement insupportables.

Malgré tout et en dépit de ces tourments, Naevia continuait d'observer les environs. Elle passait en revue les façades des bâtiments. Taverne, brasserie, bordel, taverne, brasserie, hôtel de passe, taverne, brasserie... quel quartier formidable... quel lieu parfait pour passer sa retraite !

[Höl]

Höl jeta un regard furtif à Naevia. Il s'attendait à voir du dégoût sur son visage et ne fût pas déçu de le constater. Il s'engouffra dans la plèbe tel une ombre insaisissable. Et dans la valse infernale de cette foule d'humains, il devenait presque invisible, laissant quelques signes afin que Naevia ne le perde pas. Après avoir traversé la rue en large, l'elfe sombre décida de s'engouffrer dans une ruelle où personne ou presque ne se risquait. C'était probablement un signe d'extrême débauche ou de vilénie infâme. Il inspecta les murs de pierre qui cernaient cette sinistre petite allée qui semblait se diriger vers l'enfer. Le sourire de l'elfe sombre se dessina lentement, alimenté d'une curiosité irrépressible. Sur les murs, se trouvaient quelques traces de sang, mais on pouvait également voir des dents cassées sur le sol, et Höl fût même capable de trouver un doigt. Il releva l'indice et l'inspecta : Doigt d'humaine, probablement jeune vu son aspect et en dépit de sa décomposition. Il continua jusqu'à l'embouchure de cette ruelle et trouva ce qu'il pensait trouver au bout de cette rue. Une enseigne sale ou l'on pouvait lire clairement "Le Bonheur des Hommes". Élégante enseigne pour un établissement de petite vertu. Il releva sa capuche et s'engouffra dans l'établissement. Son visage rappellerait probablement celui de Shirius et se verrait sur le visage des habitués dès qu'il rentrerait dans la bâtisse. Mais Höl en avait presque marre de faire mouche. Surtout quand un des garde du corps des prostituées ne décide de voir rouge et de hurler sur Höl :

"Héla ! Plus d'elfes sombres dans cet établiss'ment ! Sortez avant que je ne te casse les deux jambes !"

Höl observa l'homme qui s’approchait dangereusement de lui. Il voyait très bien sans même quitter des yeux sa cible, que le bordel dans lequel il avait mit pied semblait luxueux, et il voyait également l'air effrayé des prostitués en le voyant. Il leva ses mains en age de bonne foi et pris doucement la parole :

"Je ne suis pas celui que vous pensez. Vous avez récemment vu un ou des elfes sombres, mais je ne suis pas comme eux. Je le recherche simplement, et je ne demanderais pas de filles."

L'homme déserra les poings. Malgré l'aspect effrayant de Höl pour des yeux humains, son parlé semblait franc et il ne semblait pas hostile et arrogant comme il s'attendait à voir d'un elfe sombre. Höl jeta un coup d'oeil vers Naevia, comme pour s'assurer que cette dernière ne ferait pas de mauvais coup.

HRP:

[Mortelune]

Alors que Naev' s’apprêtait à s'expliquer à sa façon avec un ivrogne qui avait rendu à proximité de ses jambières en bois d'arbre de fer, son attention fut soudainement happée par Höl dont le comportement lui rappela subrepticement celui des inquisiteurs en place dans les Iles Vertes et en charge de déceler toute forme de croyance païenne dans les terres des Graines de Sylvareth. 


Comme ces saints inspecteurs, Höl exminait avec minutie un élément qui avait retenu son attention au détour d'une ruelle glauque.. une de plus. Située à une dizaine de mètres, Naevia ne distinguait pas clairement ce qu'il observait et ce dernier quitta la scène l'instant d'après avant de se diriger vers un établissement au nom plus qu'évocateur.


La jeune Elfe Sauvage se contenta de punir le soulard d'un violent coup de tête qui le fit s'effondrer sur lui même et rallia à son tour le lieu inspecté pour y découvrir les éléments observés par l'Elfe Sombre peu avant. Visiblement Shirius ou l'un de ses sbires devait être passé par là. Elle conclut que Höl avait reconnu dans ces indices des signes évocateurs des vices caractéristiques des Elfes Sombres.


Elle arriva à son tour à la maison close et y pénétra sans hésiter. Lorsqu'elle retrouva Höl, elle se tint en retrait, à un pas du membre de la famille Dytania. Elle aurait volontiers laisser l'une de ses lianes broyer l’œsophage du gros balourd qui s'interposa face à lui en gueulant mais résignée à ne pas entraver l'évolution de l'enquête, elle se contenta de rester silencieuse. Ses yeux trahissaient néanmoins une hostilité évidente envers leurs interlocuteurs et au moindre signe troublant, elle n'hésiterait pas à déchaîner sur eux toute sa hargne et le tranchant de ses lames affutées.


Elle éprouva en parallèle un étrange sentiment de compassion à l'égard des pauvres femmes qui se trouvaient non loin d'eux et qui affichaient toutes des mines terrifiées, comme si, en observant Höl, elles se retrouvaient à nouveau nez à nez avec la mort. Elles avaient probablement été fortement traumatisées par le passage, ne serait-ce que furtif, du Seigneur Neorta.


Lorsqu'elle passait en revue une à une ces filles de joie, elle ne pouvait s’empêcher de se demander comment elles avaient pu en arriver là. Humaines, Elfes, Naines, et d'autres représentantes de races plus exotiques dont les noms lui échappaient, il y avait là un beau panel d'ethnies. Chacune de ces femelles, captives contre leur gré, avait probablement une histoire triste à raconter. Une histoire dont Naevia  n'aurait probablement que faire et qui l'ennuierait très certainement. Mais sa curiosité était néanmoins attisée. Comment expliquer telle déchéance ? Certes, l'établissement semblait plutôt correct et propre, mais il y régnait une atmosphère moite et étouffante. Naev' imaginait mal que l'on puisse exercer ce métier par vocation.


Partagée entre l'idée que ces femmes subissaient un destin cruel et celle de penser qu'elles ne pouvaient s'en prendre qu'à elles mêmes. Elles s'étaient forcement montrées faibles à un instant donné de leur existence. Faibles pour ne pas avoir su montrer suffisamment de force de caractère ou de détermination afin de ne pas souffrir de cette situation. C'etait en partie à cause de femmes comme celles-ci, pensa-t-elle que l'Homme commun se pensait infiniment supérieur aux femmes actuellement. 


Tout en réfléchissant à cela, elle attendait avec anxiété et dans un inconfort certain la réponse fournie par le garde du corps à la question posée par Höl. Dissimulée sous sa cape de voyage la main de Naev' tenait fermement le manche de sa lance courte.

[Höl]

Le malabar soupira et relâcha quelque peu ses muscles tendus comme ceux d'un taureau prêt à charger. Höl ne savait pas vraiment si ce dernier était si fort qu'il paraissait être, cependant, mieux valait ne pas tenter le diable dans un espace si confiné. L'homme passa sa main sur son crâne chauve, comme déconcerté et étrangement, choqué. Son visage trahissait de mauvais souvenirs, et son coup d'arrogance n'avait probablement pas fait broncher Shirius. Alors il prit la parole d'une voix peu rassurée :

" Il s'appelait Shiriosh
- Shirius. corrigea Höl
- Oui voilà, Shirius. Il est venu ici dans le but de se divertir, pour célébrer je ne sais quoi. Résultat, Jiaa, manque à l'appel et trois autres filles ici ne sortent même plus tell'ment elles sont traumatisées. Lorsque j'ai entendu les premiers cris, j'ai foncé jusqu'à la chambre qu'il avait réservé, suis entré, et toutes les nanas qu'il avait demandé étaient dans un piteux état. Alors j'ai voulu intervenir mais il m'as mis dans les vapes par sorcellerie ! Et depuis, Jiaa a disparu.
-Manque t-il un doigt à l'une de vos fille ?"

Le grand homme secoua la tête négativement, l'air effrayé, comme-ci il avait deviné ce que Höl voulait dire. Ce dernier, malgré son air plutôt antipathique, se permit de froncer les sourcils d'un air compatissant, tout en sortant le doigt qu'il avait récupérer plus tôt dans la ruelle. L'homme fût pétrifié d'observer une telle horreur.

"C'est peut être dur pour vous, mais j'ai encore deux questions à vous poser. Était-il accompagné et où est-il parti ?"

L'homme saisit une chaise non loin et s'assit comme un malade qui ne pouvait plus tenir debout. Il passa sa main sur son visage, tremblan comme une feuille. Cela aurait pût être comique : Un grand homme costaud qui tremble tel une fillette apeurée. Mais la cruauté de Shirius ferai passer n'importe qui pour une fillette apeurée. Après un petit temps d'attente, où les prostituées vinrent presque pour consoler la brute abasourdie, ce dernier répondit d'une voix plutôt faible :

"Il était seul. Enfin non, deux hommes l'attendaient à la sortie de l'établissement. Si je ne m'abuse, il devrait encore être dans les alentours de Clantor de ce que j'ai entendu avant qu'il ne franchisse le seuil de cette maison. Le reste je.... Je n'sais pas..."

La fin du récit fût pitoyable, le géant mit ses mains sur son visage et se mit à sangloter furtivement. Höl se sentait bête avec le doigt de la jeune femme entre les siens. Il fût compatissant et déposa ce vestige sur une petite table non loin.

"Je suis navré pour votre perte. Merci pour vos indications."

L'elfe sombre tourna les talons et sortit quelques pièces de sa bourse avant de les déposer à coté du doigt. Il se dirigea lentement vers la sortie, faisant signe à Naevia de le suivre. Une fois retourné dans la ruelle, Höl repensait à tout ça, d'une manière très empathique. Sa personnalité ne reflétait pas ses émotions profondes et il s'en voulait quelque peu de ne pouvoir soutenir plus ces pauvres gens. En effet, Höl n'avait rien contre les humains, il en connaissait lorsqu'il était chez lui, dans sa demeure familiale. Les Dytanias possédaient des esclaves, mais leur bonheur était quasiment assuré une fois qu'il avait compris que leur vie était en Bois-Ardent. Ils mangeaient et buvaient à leur faim, jouissait d'un confort respectable ainsi que d'un traitement respectueux, en échange, il ne devait que faire office de serviteurs. Pour la plupart, ils se réjouissaient de vivre ici quitte à travailler, cela leur changeait de leurs fermes miteuses où poussaient parfois quelques navets sans saveur. Quelques pas plus loin, Höl se met à parler à Naevia :

"Shirius a dût se trouver un endroit non loin d'ici pour se cacher, mais je ne sais pas où. Je doute fortement que le bourgmestre ne lui aie vendu une maison. Nous ne sommes pas très aimés ici, nous autres elfes sombres. Il a dût trouver un ancien site abandonné en bordure de la cité, je doute qu'il se soit risqué à vivre en pleine ville."

Höl continua sa marche, déterminé et toujours en forme. Son entrainement d'assassin le rendait endurant et determiné. Ajouter à tout ceci un désir de vengeance, et l'elfe sombre devient une machine inarrêtable.

[Mortelune]

Comme c'était gênant... Naevia du se contenir pour ne pas pouffer de rire lorsque le géant fondit en larmes à l'évocation des souvenirs de sa rencontre avec Shirius. Allons, un peu de tenue !! Pensa-t-elle en écarquillant ses yeux jaunes face au pitoyable spectacle que le offrait le vigile. Ah ça pour rouler des mécaniques devant des filles de joie, il y avait du monde, mais quand il s'agit de se frotter à un elfe sombre, ça chiale comme une pucelle.


La Graine de Sylvareth savait que Shirius Neorta n'était pas un tendre, pour avoir elle même eut à subir ses traitements. Cela dit, elle avait mis un point d'honneur à ne jamais baisser les yeux face à lui. Question de fierté. Etre née femme impliquait pour Naev' de devoir montrer une force de caractère plus tenace que celle d'un homme pour ne pas se faire écraser par eux, qui plus est lorsque l'on évolue dans un environnement militaire. Naev' était donc dure, sans pitié ni compassion, sans parler d'une totale absence d'empathie.


Elle s'amusa presque de la détresse du gros balourd et le toisa avec insistance alors qu'il tentait de témoigner auprès de Höl. Elle soupirait de lassitude à chacun des signes de faiblesse manifesté par l'employé de la maison close. Chaque reniflement, chaque sanglot lui faisait lever les yeux au ciel. Bizarrement, Höl se montrait plus patient avec lui. Un peu plus et il lui aurait presque mouché le nez et fait un gros câlin pensa Naev' pour elle même.


La situation exaspérait tant la jeune elfe au cœur de pierre qu'elle n'écoutait que d'une oreille distraite les déclarations du vigile. Tout ce qu'elle retint de ses aveux, c'est que Shirius était bien passé dans le coin, accompagné, et qu'il devait être encore dans les environs à l'heure actuelle.


Elle écouta avec plus d'attention le débrief que lui fit Höl et plus particulièrement ce qu'il considérait comme les pistes à suivre. Des lieux abandonnés en bordure de ville... elle avait croisé pas mal de battisses qui auraient pu correspondre à cette description en pistant Höl avant son arrivée à Clantor.

-"J'ai repéré de vieux silos à grains désaffectés en arrivant ici, ils sont un peu plus au nord de la ville. Ils pourraient facilement abriter trois hommes discrètement pour une ou deux nuits. Après, ils pourraient tout aussi bien être n'importe ou. Mais je suppose qu'il recherche un endroit calme et non exposé au soleil..."

[Höl]

"Shirius ne se cachera pas dans un silo à grain. Pour dormir, il préférera une bâtisse luxueuse. Tu as tout à fait raison en ce qui concerne le soleil, pour le calme, pas nécessairement, mais cela irait de pair avec le fait qu'il ne soit plus en ville."

Tout en progressant, Höl exposa sa théorie. Il entreprit à nouveau de grimper sur les toits de Clantor et reprit ses acrobaties nocturnes. A quelques endroits stratégiques, il se posa pour faire un tour rapide sur lui même et reparti dans une direction, apparemment aléatoire. Après une longue poursuite sur les toits de la cité, Höl se décida à nouveau à plonger dans les rues sombres, mais d'un autre quartier. D'ici, Höl était proche de la tour des mages, mais il savait pertinemment qu'il devrait y pénétrer de manière franche, et non en l'infiltrant : Il n'avait pas envie de provoquer la colère des mages de cette tour. Son seul renfort aurait été Naevia, mais, cela n'aurait probablement pas été suffisant, quoi qu'elle en pense. Il attendit de sentir sa présence non loin de lui pour reprendre la marche effrénée vers la tour des mages. Cette dernière était proche, et la population du quartier était plutôt faiblement représentée par quelques nobles noctambules ou autres poètes nocturnes. Höl ne se soucia d'aucun d'eux : La mission avant tout. Son pas déterminé faisait voler sa cape en arrière, lui donnant l'air d'un sombre vengeur, effrayant aux yeux de quelques superstitieux. Mais Höl, encore une fois, n'en avait que faire. Sa marche semblait imperturbable. Ses yeux étaient rivés sur cette tour gigantesque qui perçait les nuages nocturnes qui couvraient Clantor en ce soir plutôt sinistre. Mais quelques pas avant de l'atteindre, Höl s'arrêta net. Il jeta un regard à Naevia et lui demanda sur son habituel ton glacial :

"Je ne sais pas si les mages de cette cité acceptent les elfes sombres ou les elfes sauvages. Quoi qu'il en soit, les elfes communs, quant à eux, doivent probablement être acceptés. Je vais donc te demander de te faire passer pour l'un d'eux, ce sera probablement plus crédible non ? Tu sais parler l'elfique ?"

[Mortelune]

Naev' collait aux talons de l'elfe sombre, qui avait une nouvelle fois entreprit d'évoluer sur les toits de Clantor. Sans doute envisageait-il mieux sa piste depuis les hauteurs de la ville. Cela n’était pas pour déplaire à la Graine de Sylvareth, qui respirait mieux quelques mètres au dessus des ruelles étouffantes.


Höl semblait comme habité. Furetant, inspectant, s’arrêtant parfois une seconde avant de reprendre sa route dans une direction opposée. Il lui semblait étrange, la façon dont il traçait son chemin. Naevia ne reconnaissait aucune de ses propres techniques de pistages. Il lui semblait qu'il évoluait plus à l'instant que de façon rationnelle, comme s'il tentait de réfléchir comme Shirius et non d'en repérer les traces tangibles.


La lune, haute dans le ciel, perça un moment au travers de quelques nuages menaçants, se reflétant sur la chevelure verte et abondante de la jeune elfe sauvage. Le pas léger et silencieux, elle maintenait une vive allure quand Höl plongea à nouveau vers les ruelles du quartier qui se trouvait plus bas. Déçue par l'initiative de l'elfe sombre, Naev' repositionna la capuche de son vêtement de voyage afin d'être certaine de couvrir convenablement les traits de son visage et dissimula sa lance courte sous un pan de cape. Ses yeux aux pigments oranges contrastant avec son teint mat fixèrent avec attention un étrange bâtiment tout en hauteur qui se dessinait dans l'obscurité de l'horizon.


Son compagnon d'infortune lui indiqua indirectement la nature de la bâtisse. Selon ses mots, Naevia comprit qu'il devait s'agir de la fameuse tour des mages de Clantor. Elle en avait déjà entendu parler. Comme tout le monde.


Alors qu'elle s’était arrêtée à quelques pas d'Höl et qu'elle resserrait les cordons de son corselet en écorces d'arbre de fer, elle répondit à la requête de son guide, sans même lui adresser un regard et visiblement agacée qu'il ait pu imaginer un instant qu'elle ne soit pas en mesure de maîtriser une langue si basique que l'elfique.

-"Quelle piètre guerrière je ferais si je ne maniait pas la langue de mon ennemi....- grommela-t-elle avant de poursuivre - Par contre, je ne garanti pas l'accent. Si nous devions croiser un vrai elfe commun la dedans, inutile de te dire que je ne ferais pas illusion bien longtemps. Et puis toi non plus... enfin... bon.. c'est marqué sur nos visages qu'on est pas des communs... je veux dire. Nos vêtements, nos armes, ta face de craie et mon teint halé... Même un humain, s'il est un peu érudit, ferait le rapprochement... et des humains érudits, il est probable qu'on en trouve ici..." finit-elle en désignant d'un mouvement du menton, la tour des mages.

[Höl]

"Il ne te suffira que de les saluer en elfique, mais si tu veux, tu peux continuer à déblatérer ton piètre commun, même si c'est plutôt rare pour un elfe de saluer dans une autre langue que la sienne. Et puis, peut être passeras-tu pour une figure amicale malgré tout."

Höl reprit sa marche vers la tour et frappa à la porte, espérant que quelques mage noctambules ou trop passionnés par la magie soit encore ici à étudier quelques formules magiques. Höl bougea sa tête tel un oiseau de proie dans divers angles. Sans regarder Naevia, il reprit la parole :

"La première règle de l'infiltration, c'est de ne pas trop se poser de questions, ne pas trop se cacher. Le secret, c'est de faire comme ci de rien n'était. Voilà au moins un tuyau que tu connaîtra. Surtout que nous ne sommes pas ouvertement en situation de conflit avec les mages de Clantor. Si ils te démasquent, joue la pauvre âme égarée qui cherche un refuge."

Alors que la porte émit un bruit de verrou, Höl tourna sur lui même et se plaqua dans un contrefort de la tour, à coté de la porte. Cette dernière s'ouvrit, masquant Höl à la vue du vieux mage qui venait d'ouvrir, faisant face à Naevia seule. Höl croisa les bras et s'appuya contre le mur, décontracté. Le mage prit alors la parole :

"Et bien, qui voilà en cette heure tardive ? Approchez vous mon enfant."

Le vieux mage était habillé d'une magnifique robe de mage ouvragée pourpre, un livre fermé dans sa main gauche. Le vieil homme était plutôt grand et se tenait à l'aide d'un batôn d'acier sombre, surmonté d'une étrange gemme bleue ciel. Sa longue barbe blanche atteignait le milieu de son buste, frisant, parsemé de deux longue tresses, tandis que ses cheveux frisées semblaient courts, masqués par un chapeau pourpre, de qualité similaire à sa robe. Ses yeux étaient à moitié fermé par les rides, mais on pouvait en distinguer l'étrange lueur verte claire qui s'échappait de ses iris bienveillants. Höl, dissimulé derrière une partie de la double porte, fit tournoyer son index devant lui, incitant Naev à parler. Il inspecta ensuite par l'interstice des gonds la configuration de l'intérieur de la tour, demeurant toujours calme et, malgré ses mouvements, silencieux, inaudible.

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