Rencontre, naissance, et début de deux nouvelles vies.

[Rexia]

Le soleil se levait sur les terres de Clantor, redonnant à la nature ses droits et ses couleurs. Alors que le ciel prenait des teintes flamboyantes, les ombres des imposantes montagnes devenaient plus douce, tendis qu'elles retrouvaient le gris de leurs pierres et le vert de leurs sapins. Les forêts reprenait leur éclat d'émeraude et de rubis, et les lacs, les étangs et les mers imitaient à la perfection les couleurs des nuages. Il n'y avait pas un souffle de vent, l'eau était calme comme un miroir. Bientôt, l'air des bois s'emplirait du chant des oiseaux et du rire des elfes. Tout les signes étaient présent pour laisser penser que ce jour-là, à Clantor, la journée serait belle et chaude, calme, et surement normale, voir banale, rien de bien précis ne devait arriver. Banale ? En réalité, pas pour tout-le-monde, car en jour, une vie s'apprêtait à naître, et une autre à changer.

Sur un ancien chemin de terre, creusé il y avait longtemps par plus personne ne savait qui, on pouvait entendre le bruit de vieilles roues qui avançaient en gronçant, ainsi que le pataclop lourd de bovins tirant un chariot... et pour finir, le désagréable chant d'un ivrogne. Leonardo, un vielle homme venu de terres lointaines, avec ses bêtes et sa voiture remplit de divers objets qu'il revendait par-ci, par-là, venait d'entrer à Clantor. Ce n'était pas un homme qui inspirait la confiance, au premier regard. Maigre, décharné, avec des vêtements rapiécés et une longue barbe grise et sale qui reposait sur ses genoux, il ressemblait à un homme qu'on aurait enterré alors qu'il était toujours en vie, et qui serait sorti seul de terre. Deux yeux de pie noirs brillaient derrière ses gros sourcils, comme si ils étaient à la recherche d'objets brillants. L'homme sentait fort la friture, le fromage et l'alcool. Et pour finir, il chantait à tut-tête une chanson vulgaire sortie tout-droit de son imagination. Ses bœufs n'étaient pas en meilleur état : maigres, avec de longs poiles, ils avaient sur le dos des traces rouges qui ne laissaient aucun doute sur la façon dont leur maître les traitait. Derrière-eux, dans le chariot, il y avait divers objets, trouvés ou volés au quatre coin du globe. Le tout était posé en vrac, alors forcément, au premier cailloux sur le chemin, ce qu'il y avait a l'arrière se cassa la figure.

Ronchonnant dans sa barbe et insultant ses bêtes "qui n'avaient pas fais attention à où elles allaient", le vieil homme arrêta ses bovins et descendit d'une démarche chaloupée, afin de remettre en place, sur son chariot, différents matériaux qu'il avait perdu, dont un bureau, un vase cassé, une collection de broches et quelques pierres brillantes. Malgré son âge et sa stature, il fit preuve d'une assez grande force pour porter tout-cela. Une fois que ce fut fait, il remonta sur son siège, attrapa son fouet, donna un coup et les bœufs reprirent la route. Ce que l'homme ignorait, c'était qu'il laissait derrière-lui peut-être l'objet le plus précieux qu'il n'ait jamais possédé, et qu'il avait toujours pris pour un simple gros caillou qu'il pourrait vendre à bon pris en le faisant passer pour une pierre précieuse : cette objet était ovale, rouge comme un rubis, à la surface poli comme un morceau de métal, et gros comme un chat adulte lové sur lui-même. L'objet était tombé avec le reste et avait roulé sur le route, loin des yeux de l'homme. Maintenant, il reposait sur le chemin de terre, éclatant sous les rayons du soleil, et à la merci de la première personne passant par-là, qui se baisserait alors pour le ramasser...

[Melkerah]

Quelques secondes plus tard à peine, une petite silhouette frêle sortit d'un taillis et jeta un regard circulaire alentour, la posture prudente de celui qui se tient prêt à déguerpir au premier signe de danger.
La silhouette était celle d'une fillette de douze ans et d'apparence humaine, ou presque. Jari était une noctalienne, avec le teint blême et maladif de sa race, les yeux et les cheveux plus sombres qu'une nuit sans lune, et un corps frêle. Mais elle avait quelque chose d'un peu différent de la plupart des noctaliens. La plus jeune du clan Umbra, c'était elle qui avait le plus changé depuis la révolution qu'avait lancée sa tante Uri au sein de la famille. Au lieu de l'être renfermé, terne et furtif qu'avaient tenté de créer son éducation, Jari était vive, curieuse de tout et particulièrement joviale.
Ce jour-là, son père lui avait donné pour mission de guetter d'éventuels colporteurs et autres marchands ambulants dans les environs de Clantor et de revenir avec un maximum de renseignements. Elle aimait assez sa vie de voleuse, mais ce n'était sans doute pas ce qu'elle aurait choisi si la vie lui avait offert le luxe d'en décider.
Elle avait donc aperçu le vieil homme barbu et malingre dans sa charrette, ou plutôt l'avait entendu, et de loin, et l'avait donc suivi un moment. Elle avait vu un objet rouge rouler dans l'herbe, sur le côté de la route, et s'était rendu compte que l'affreux marchand ne l'avait pas récupéré. N'ayant pas eu le temps de voir de quoi il s'agissait, elle s'était dit que ça valait le coup de jeter un coup d’œil. Une fois la voix rauque et disgracieuse assez loin pour être indistincte, elle était sortie de sa cachette.
Elle courut à pas de loup jusqu'au dernier endroit où elle avait vu l'objet couleur de rubis et le trouva un mètre plus loin. C'était une sorte de pierre scintillante de forme ovale, totalement lisse, d'un rouge si profond que la jeune noctalienne resta quelques instants à admirer les derniers éclats du soleil se refléter dessus.
Enfin, elle se pencha pour le ramasser, songeant que son père serait ravi de cette trouvaille et fier de sa fille.

[Rexia]

Et au moment où les doigts de la jeune fille se posèrent sur la surface de la pierre lisse et dure, elle ne put le ressentir, mais une sorte de choc d'énergie traversa l'objet, se rependant dans les muscles de l'être qui vivait à l'intérieur, et réveillant son corps en état d'hibernation depuis plus de deux centaines d'années. Car le vieux Leonardo et la jeune Jari faisaient tout-deux fausse route : cet objet n'était pas une pierre précieuse, même si, sans-doute dans le but de le protéger d'avides humains qui voudraient le détruire, la nature l'y avait fait ressemblé. En réalité, c'était un œuf... un œuf de dragon, volé et perdu à ses parents deux-cents-cinquante ans plus tôt.

Le petit embryon, reposant à l'intérieur de cet œuf, ouvrit un œil et vit à travers sa coquille l'ombre de la jeune fille. Personne n'avait jamais fait réagir ainsi la petite créature, qui avait passé tout le reste de sa presque-vie à dormir et à somnoler, et pourtant, elle était passée entre les mains de bien des gents... des nobles riches, de courageux soldats, des chevaliers au cœur pur, et autant de personnes mauvaises que de personnes biens. Mais un dragon ne choisissait jamais la personne à qui il se lirait à la naissance sur son passé, sur ses ancêtres, sur sa richesse, ou même sur son caractère... non, le choix relevait de quelque-chose de plus profond, que même les dragons eux-même ne pouvaient déterminer. Mais l'esprit d'un bébé dragon, dans son œuf, pouvait lire en la personne qui le touchait. Celui qui se trouvait entre les mains de la jeune noctalienne avait senti quelque-chose dans l'âme de cette fille, et il en était certain, désormais : il venait, enfin, de trouver la personne qui partagerait à-jamais sa vie et ses vols, la personne qu'il protégerait, et qui le protégerait... le dragonneau venait, enfin, de découvrir sa dragonnière.

La créature ressentait désormais le besoin irrésistible de briser cette coquille qui l'avait protégée et réchauffée depuis tellement longtemps... elle voulait naître, elle voulait vivre, elle était attirée vers cette fille comme par un aimant, elle voulait qu'elle la touche, qu'elle la caresse, elle voulait lui offrir sa marque... en bref, elle voulait plus que tout éclore. Le dragon commença alors sa besogne, car il ne fallait pas la cacher : éclore était un travail fastidieux, et le premier défit d'une vie, le défit qui devait donner le droit de vivre. Elle commença alors à frapper avec ses courtes griffes, ainsi qu'avec la petite corne qu'elle avait sur le bout du museau, et elle tenta même de mordre, dans le but de casser cet œuf indestructible depuis l'extérieur. Elle se fatigua vite, car ses jeunes muscles encore tout froid n'étaient pas habitués à l'effort... mais elle n'abandonna pas, car elle savait que si elle le faisait, elle mourrait avant même d'être née, la magie de son oeuf s'étant évaporé et ne la protégeant plus contre la fin et le temps. Finalement, trois heures passa avant que le bébé dragon ne réussisse enfin à se libérer...

La "pierre" se mit à bouger là où on l'avait déposée. On entendit des chocs à l'intérieur, puis de puissant couinements qui s'en échappèrent. Elle commença à se craqueler, et enfin, une énorme fissure apparu. Un œil ambré, coupé d'une fente noire, apparu par celui-ci, admirant le monde extérieur pour la première fois. Puis six phalanges écailleuses, se finissant par une griffe, passèrent par la fente, tirant de chaque côté. Et enfin, finalement, ses craquelure se divisèrent, et l’œuf se brisa en mille morceaux. Épuisée par l'effort, le bébé dragon... ou plutôt la petite dragonnette, car c'était une femelle... se laissa tomber, tout pantelante, là où elle avait éclot, ses ailes étendus sous et sur elle, immobile, sauf pour ses côtes qui se soulevait tendis qu'elle essayer de reprendre son souffle. Elle finit par relever la tête et chercha la jeune fille pour qui elle avait éclot... une plainte déchirante échappa de sa gorge : la créature, frêle et fragile, avait peur, maintenant qu'elle se retrouvait dans ce monde si grand, et elle voulait que sa dragonnière vienne la rassurer, la protéger...

[Melkerah]

Durant le long et épuisant combat de la petite dragonne, sa dragonnière, qui ignorait encore tout de ce qui se jouait entre ses propres mains, s'était remise en chemin pour rejoindre la maison qu'elle partageait avec son père et son oncle Irano. Elle n'avait cessé d'admirer la beauté de la pierre qu'elle avait trouvée et ne s'était résolue à la dissimuler dans son sac que quand les chants obscènes du marchand étaient à nouveau parvenus à ses oreilles. Elle avait fait un détour pour l'éviter, ne serait-ce que parce qu'elle le trouvait absolument repoussant.
Enfin, elle était arrivée à Clantor et s'était précipitée pour raconter sa bonne fortune à son père.
Celui-ci, après être resté un moment dubitatif, avait conseillé à la fillette d'aller montrer l'objet à Uri, la meneuse des Umbra et tante de Jari. Ce qu'elle s'était empressée de faire avec enthousiasme. Uri l'avait reçue et écoutée avec intérêt et avait décidé de garder la pierre rouge dans son manoir jusqu'à avoir déterminé de quoi il s'agissait.
Jari en était encore à raconter son aventure à sa tante quand la coquille s'était enfin brisée. L'ouïe fine d'Uri lui avait permis de percevoir le bris de l’œuf, mais ce n'est que quand la plainte retentit, faisant sursauter Jari, qu'elle réagit.

-Ta pierre faisait du bruit quand tu l'as trouvée ? demanda-t-elle à sa nièce.

Qui répondit par la négative.
Elles se dirigèrent vers la pièce protégée où elles avaient laissé ladite pierre tandis qu'elle discutaient et y entrèrent. Toutes deux restèrent stupéfaites devant la toute petite créature reptilienne qui gisait, visiblement à bout de souffle, au milieu des morceaux brisés de l’œuf rubis. Le premier réflexe d'Uri, témoin d'une vie mouvementée, fut de créer son bouclier de noirceur entre la dragonnette et elles le temps de déterminer ce qu'il convenait de faire. Mais Jari ne vit pas les choses de la même façon.
Elle contourna le bouclier de sa tante, qui l'en laissa disparaître de surprise, et se précipita vers le nouveau-né épuisé qui avait de toute évidence besoin de soins. La jeune fille se pencha doucement au-dessus de sa nouvelle protégée, essayant de ne pas l'effrayer, et lui parla d'une voix douce.

-Là, ça va, je vais m'occuper de toi... Reste calme, hein ? Je veux juste t'aider...


Elle tendit prudemment la main vers la dragonne rouge, craignant un coup de dents, mais comme aucun signe de menace ne semblait se manifester, elle la prit délicatement, veillant à ne pas lui tordre une aile, et la souleva dans ses bras.

-Jari, attention... prévint Uri bien qu'elle soit au moins aussi fascinée que sa nièce par la scène.

[Rexia]

Pourquoi l'avait-on laissée seule, elle qui était tout-juste sur le point de naître ? Pourquoi sa dragonnière n'était-elle pas la pour s'occuper d'elle ? Elle avait froid, et elle avait peur, elle voulait qu'elle soit là, qu'elle la prenne dans ses bras, qu'elle la rassure, la réchauffe et la protège. Et surtout, elle voulait lui donner la marque. Elle passa le temps où elle fut seule à regarder la pièce, tout autour d'elle, sombre et froide avec ses murs de pierre, et tout ces étranges objets qui l'encombraient. Une seule pensée traversait sa tête : "grand ! Beaucoup trop grand !". Elle avait passée deux-cents-cinquante ans à l'étroit, à somnoler dans un œuf... maintenant qu'elle avait l'espace qu'il lui fallait pour se mouvoir, elle trouvait qu'elle avait beaucoup trop d'espace. Elle réussit tant bien que mal à se recroqueviller sur elle-même, bien que ses muscles ne lui obéissaient pas encore totalement.

La dragonnette ne se rendait pas encore compte que son œuf avait été pris pour une pierre, et elle commença rapidement à croire qu'elle avait été abandonnée à son sort. Les bruits de la porte retentirent dans la pièce, et elle n'osa pas se retourner... elle avait peur des bruits qu'elle ne connaissait pas... elle avait, pour le moment, peur de tout. Mais ses peurs disparurent, ou tout-du-moins se calmèrent, quand une douce voie vint lui chatouiller les oreilles, et que deux chaudes mains la saisirent pour la soulever. Elle leva la tête vers celle qui la portait, un visage fait d'une peau blanche et de cheveux noirs, aux yeux pétillant de jeunesse et de malice. Un visage doux et serein qui lui réchauffait le cœur. C'était elle, sa dragonnière, elle était venu la chercher ! Cherchant chaleur et réconfort, la dragonnette se blottit contre elle.

Par-dessus l'épaule de la jeune-fille, elle remarqua la présence d'une autre créature-bipède, qui ressemblait un peu à sa dragonnière, mais en plus grande... mais elle, elle lui faisait peur. Elle se cacha contre le ventre de la fillette et tenta de se cacher des yeux de l'adulte. C'est à ce moment-là que, sous la main de Jari, une décharge d'énergie s'alluma et traversa tout son corps. Le procédé fut douloureux, autant pour la dragonnette que pour la noctalienne, comme un éclair qui les aurait toutes les deux traversé, mais ne dura que deux secondes, et lorsque ce fut terminé, sur la paume de la fille, brillait un ovale qui semblait avoir été marqué au fer rouge. Cette marque, c'était celle des dragonniers, celle qui lirait à jamais les deux petites. Ce qui l'avait créé, c'était l'âme de la dragonnette, qui s'était déchirée en deux et avait pénétrée de force la corps de la fillette, et le même procédé s'était opéré dans son corps à elle. Désormais, elles partageaient une âme commune, leurs pensées, leurs émotions... et leurs sensations.

Un grognement échappa de la petite bête, mais ce n'était pas de sa gorge : son œuf l'avait protégé des besoins naturelles pendant toutes ces années, mais maintenant, elle était à la merci de ces besoins, et de la douleur qu'ils amenaient avec eux... ce grognement, c'était son ventre qui gargouillait. La dragonnette leva la tête et plongea ses grands yeux ambrés et humides dans ceux de sa dragonnière. Elle ne lui parla pas, car elle était encore trop jeune pour formuler des mots, même par la pensée... elle ne fit que formuler l'idée, le désir, et le transmis à l'esprit de la jeune noctalienne. Cette idée, c'était "faim ! Très faim". Et comme pour mettre une image sur ce qu'elle ressentait, elle attrapa entre ses dents une mèche de cheveux sombre de la jeune fille et se mit à la mâchouiller.

[Melkerah]

Au moment où la petite dragonne marqua sa dragonnière et scinda leurs âmes pour les partager entre elles à jamais, un second phénomène, au moins aussi troublant que le premier pour Jari, survint. D'un seul coup, alors que la décharge d'énergie la paralysait encore, une étrange sensation monta jusqu'à la submerger : elle se sentait enfin réelle, avec l'impression que c'est ce qu'elle avait attendu toute sa courte vie.
Au bout d'un moment ces deux sensations se firent moins pressantes, et la jeune noctalienne put enfin reprendre ses esprits et réagir au présent. Elle avait une petite dragonne blottie dans ses bras, qu'elle s'était mise à ressentir presque comme une partie nouvelle d'elle-même. Elle se rendit compte que la présence d'Uri derrière elle terrorisait sa petite protégée, ainsi que de la faim qui tenaillait le petit estomac de cette dernière.

-Jari, est-ce que ça va ? s'inquiéta Uri.

-Euh... Oui, oui, ça va, répondit-elle, mais je crois que tu lui fais peur...

La plus âgée fronça les sourcils, essayant de comprendre ce qui venait d'arriver sous ses yeux, mais le ton de Jari lorsqu'elle poursuivit la convainquit de garder ses interrogations pour plus tard.

-Elle a très faim. S'il te plait, va me chercher un morceau de viande, je vais l'emmener dans ton petit salon le temps qu'elle se sente mieux. Il faut qu'elle se sente au calme...

La fillette rit en voyant a petite créature attraper ses cheveux et les mâchonner comme s'il s'agissait de nourriture et décida de laisser sa mèche à la merci des petits crocs en attendant d'avoir mieux à lui offrir. Tant pis si ses cheveux ne s'en remettaient pas.
Comme sa tante semblait obéir sans protester à sa demande, Jari serra sa petite protégée contre elle pour la rassurer et descendit au petit salon en lui murmurant des mots rassurants, entrecoupés d'exclamations sur la beauté de la créature couleur de rubis.

[Rexia]

Mâchonner ces quelques cheveux aidèrent la créature à apaiser sa faim, ou au-moins à l'ignorer, et ainsi à patienter le temps que la tante de Jari revienne en lui apportant de-quoi lui remplir son petit ventre. Mais elle faisait cependant attention, elle ne planta pas ses crocs, elle ne tira pas et n'arracha rien. Le désir de manger la poussait instinctivement à mâchouiller, mais elle savait que ce n'était pas de la nourriture, qu'elle avait dans la gueule, mais bien un morceau de sa dragonnière. Elle était encore trop petite pour comprendre que les cheveux étaient bien moins sensible que si elle lui avait mordu un doigt... en fait, elle était encore trop petite pour comprendre bien des choses. Mais cela lui viendrait tendis qu'elle grandirait, ce qui arrivera bien plus vite qu'avec un jeune humain...

Sa dragonnière se déplaça, et cela eu un effet de balancier qui berça un peu la petite créature, l'apaisant, calmant les battements son cœur qui s'était accéléré avec sa naissance et le changement d’oxygène. Le départ de la noctalienne adulte l'avait rassuré... et maintenant, tendis qu'elles traversaient un couloir, la dragonnette s'intéressa à tout ce qu'il y avait autour d'elle, tournant vivement la tête tel un oiseau à l'affut, observant les motifs de la tapisserie, un meuble ou une table, un bibelot sur une étagère... elle ne comprenait pas la fonction des trois quarts des choses qu'elle voyait, si bien qu'elle voulait tout savoir, tout connaître, et tout voir. Lovée dans les bras de la fille, le monde lui semblait soudainement bien moins grand et bien moins effrayant... tout du moins, temps que le calme régnait autour d'elle.

Elles finirent par arriver dans une grande pièce chaleureuse, douillette et agréablement éclairée... agréablement pour un œil habitué, cependant. Les lampes de cette pièce eurent l'effet sur la dragonnette de petits soleils, faisant mal à ses yeux qui n'avaient jusque-là connus que les ténèbres. Elle posa l'une de ses petites patte écailleuse dessus, le temps qu'ils s’habituent à la lumière. Et lorsque ce fut fait, elle recommença à regarder autour d'elle, admirant et apprenant, et toujours avec la mèche de cheveux de la fille dans la bouche. Elle bloqua un instant sur le feu qui crépitait dans la cheminée, devant un carré de canapés... elle le trouvait vraiment joli. De-plus, elle sentait qu'elle était intimement liée à cet élément, sans encore savoir pourquoi. Et enfin, ses yeux se levèrent à-nouveau vers sa dragonnière...

Les pensées des deux jeunes créatures se mélangeaient, tel le cour de deux rivières, elles se ressentaient, même si elles n'étaient pas encore capable de se comprendre. Ressentir les chaleureuses émotions de Jari rassurait autant la dragonnette que d'entendre sa douce voie. Une interrogation se matérialisa alors dans l'esprit du bébé dragon : elle se demanda si la jeune fille comprenait ce qu'il lui arrivait, si elle savait ce qu'elle était, et ce que elle, elle était devenu. Jari connaissait-elle les histoires des dragonnier ? Comme pour répondre à sa question, une fenêtre s'ouvrit, d'un coup, et un grand vent s'infiltra dans la pièce. Ça fit du bruit, et ça fit trembler les flammes des bougies. La petite eut peur et cacha sa tête dans le colle de la robe de la fillette.

Le vent fit trembler les livres sur une étagère, mais un seul tomba, un gros volume relié de cuir rouge et de fils dorés, qui tomba sur la couverture, laissant apparaître son tire : "Les Dragonniers à Travers les Âges". Peut-être était-ce dû à la magie du bébé dragon, qui s'était activée lorsqu'elle s'était posée la question... ou alors, c'était un coup du sort, ou pour finir, mais ce serait vraiment surprenant, une simple coincidence. En tout les cas, une chose était sûre : le destin était en marche, et la jeune Jari venait de faire son entrée dans le sien avec sa nouvelle âme-jumelle...

[Melkerah]

L'esprit de Jari était parti dans de lointaines réflexions et rêveries tandis qu'elle emmenait la dragonne avec elle. Une vague somnolence s'était même emparée d'elle, mais l'excitation d'avoir un dragon dans les bras avait largement suffi à lui garder les sens alertes. Une fois dans le petit salon, elle s'assit en tailleur sur un fauteuil et regarda avec curiosité la petite créature de rubis cacher ses yeux avec sa patte. Elle mit quelques instants à comprendre que la lumière agressait encore les touts jeunes yeux de la dragonnette qui découvrait le monde.
Puis, quand l'éblouissement de la petite créature fut moins fort, elles échangèrent un regard. Jari plongea dans les yeux d'ambre de sa protégée et se dit qu'aucun regard ne lui avait jamais autant parlé de toute sa vie. Elle ne comprenait absolument rien à ce qui se passait entre elle et ce bébé dragon, mais c'était tellement fort qu'elle ne se souciait pas de le définir.
Tout à coup, une fenêtre s'ouvrit en claquant sous l'effet d'une rafale de vent, et la bibliothèque d'Uri en fut ébranlée, laissant tomber un des nombreux livres au sol. La petite créature s'était caché la tête sous l'effet de la peur, et Jari ne put s'empêcher d'en être attendrie. Elle passa une main dans le col de sa robe et caressa délicatement la petite tête du bout des doigts. Elle avait des piquants qui risquaient de devenir redoutables quand elle grandirait.
Puis la noctalienne regarda quel livre  était tombé, espérant que ce n'en était pas un trop précieux. En tous cas, il était superbement relié, mais il fallut quelques instants à Jari pour déchiffrer le titre car elle n'avait appris à lire et à écrire qu'assez peu de temps auparavant.

-"Les ...Dragonniers à travers... les Âges", lut-elle tout haut.

Elle fut stupéfaite du sens de l'à-propos que venait de montrer le hasard, mais Uri entra à ce moment et détourna les pensées de sa nièce.

-Voilà, je t'ai pris un morceau de porc, dit-elle en entrant discrètement, tu me diras si ça convient...

L'aînée vint déposer la nourriture sur la table basse devant le fauteuil de Jari et jeta un petit coup d’œil curieux à la petite créature rouge agrippée à la fillette.

-Eh bien, on dirait qu'elle t'a adoptée, commenta-t-elle.

-On dirait oui, approuva Jari avec enthousiasme. Merci Uri ! Dis, tu peux me passer le livre qui est tombé ? Et fermer la fenêtre...

Uri s'exécuta, examinant avec intérêt ledit livre avant de le tendre à Jari. Puis elle alla fermer la fenêtre, qui opposa une légère résistance à cause du vent. Enfin, elle alla pour ressortir.

-Jari, fit-elle juste avant de refermer la porte derrière elle, il va sans doute falloir lui trouver un meilleur endroit pour vivre et grandir... Je n'ai pas beaucoup lu sur les dragons, et c'est le premier que je vois, mais je doute que ce soit une créature d'intérieur...

Puis elle partit sans attendre de réponse. Jari décrocha les petites griffes de sa robe et déposa sa protégée à côté de la viande pour la laisser manger, tandis qu'elle ouvrait l'épais volume.
Mais tandis qu'elle s'attaquait à la première ligne, une idée lui traversa l'esprit :

-Il va te falloir un nom !

[Rexia]

Les douces caresses de la jeune-fille calmèrent la panique du bébé dragon, qui ressortit lentement la tête de son col et regarda autour d'elle... puis qui frissonna. Le vend était froid, trop froid pour elle, qui n'avait pas l'habitude de cette sensation. Il lui faudrait un moment pour s'habituer à tout ce que le monde offrait, après l'étroite et chaude protection de son oeuf. Le retour d'Uri réanima un peu sa crainte, mais moins que la première fois où elle l'avait vue... dans les bras de sa dragonnière, et avec le temps qui passait, elle prenait confiance. Enfin, confiance n'était le terme adéquate : disons qu'elle se méfiait de l'adulte, mais qu'elle était rassurée par la présence protectrice de sa dragonnière.

Le robe de Jari était fichue, trouée à plusieurs endroit où la dragonnette y avait plantées ses griffes, dans le but de s'accrocher, et lorsqu'elle avait eue peur et que cela l'avait crispée. Heureusement, ça avait été un vêtement assez épais pour protéger sa peau. La dragonnette était petite, mais déjà, ses dents, ses griffes et ses piquants étaient pointus et coupants. Elle n'était pas encore bien douée pour bouger, mais nul doute que d'ici quelques jours, elle chasserait les rongeurs dans la maison où Jari l'aurait installée, et que d'ici quelques mois, lorsqu'elle aurait grandie, elle chasserait dans les bois des proies bien plus consistantes. En attendant, elle se contenterait de ce qu'on lui donnait avec joie.

Lorsque la fillette la déposa, la créature couina un peu, effrayée, ayant la même peur que tout nouveau-né : celle d'être abandonné. Mais très vite, ses naseaux frémirent lorsqu'elle sentit une bonne odeur flotter jusqu'à elle. Même si elle n'en avait jamais vu, elle savait d'instinct reconnaître le fumé de la nourriture. Dressée tel un rapace, elle tourna la tête vers la viande, de la salive dégoulinante sur la table d'entre ses dents. Elles fit les quelques pas qui la séparait de la viande d'une façon trébuchante, ses ailes pendants de chaque côté de son corps et trainant dans ses pattes. Il lui fallait tout apprendre, à marcher, à communiquer, et même à replier ses ailes. Arrivée devant la viande, elle la flaira un moment, lécha pour goûter, décida que le goût lui plaisait, planta les griffes de l'une de ses pattes-avants dedans, mordit, tira et arracha son premier gros morceau. Puis elle pencha la tête en arrière et avala tout rond, à la manière d'un pélican. Elle répéta ce manège jusqu'à ce qu'il ne reste rien.

Pour le tout premier repas de sa vie, elle mangea gloutonnement, mettant du jus de viande un peu partout. Et lorsqu'elle eut terminée, elle lécha un peu la table pour finir, puis elle s'assit, lâchant un long rot, et se mit à ronronner de bien être. Ses yeux se fermaient... elle avait passé deux-cents-cinquante années à se reposer, mais avoir le ventre plein après avoir éclot, maintenant, lui donnait sommeil. Elle devait reprendre des forces après sa bataille contre l’œuf et le choc de l'entrée dans le monde. Elle se tourna vers sa dragonnière... elle n'avait pas compris, et à-peine écoutée, lorsqu'elle lui avait parlée d'un nom. Elle était encore trop jeune pour comprendre ce que c'était. Tout ce qu'elle voulait, maintenant, c'était dormir tout contre elle.

Alors elle se dressa, et marcha sur la table vers elle. S'étirant depuis le bord, elle réussit à monter sur ses genoux, se glissa sous le livre qu'elle tenait encore entre ses mains, et alla se lover sur ses genoux, contre son ventre. La créature ronronnait comme un chaton. Elle garda la tête dressée le temps de lâcher un long bâillement, dévoilant ses rangés de crocs de dragonneau, puis coucha sa tête sur ses pattes, la queue contre le museau, elle ferma les yeux et commença à s'endormir. Machinalement, elle se mit le bout de la queue dans la bouche et le mâchonna dans son sommeil, un peu comme un enfant suce son pouce.

[Melkerah]

Jari laissa la dragonnette se glisser sous le livre pour s'installer et se réinstalla pour lui laisser un peu de place. Elle avait fini par comprendre que le concept même de nom était étranger à sa protégée, comme beaucoup d'autres choses, et s'était résolue à attendre le lendemain, qu'elles soient toutes deux reposées, pour tenter de lui expliquer quelques bases de ce monde. Pour le moment, elle allait lire ce livre.
C'est avec stupéfaction qu'elle fit le lien entre ce que racontait ce livre et ce qui lui était arrivé, et seule la marque dans sa main, identique à cette représentée dans le volume, parvint à la convaincre tout à fait qu'elle ne rêvait pas éveillée. Au bout de trois chapitres, la jeune fille s'endormit, sa lecture toujours ouverte sur ses genoux.
Elle ne sut pas depuis combien de temps elle dormait quand elle ouvrit les yeux, mais visiblement pas très longtemps car il faisait encore noir dehors. Comme le sommeil ne revenait pas, elle décida de chercher un nom à la... sa petite dragonne. Jari se souvenait d'un livre qu'elle avait emprunté à Uri pour s'exercer, écrit dans une langue que plus personne ne parlait depuis longtemps, sauf dans quelques églises. Quelques mots de cette langue lui étaient restés en mémoire, et l'un d'eux lui parut idéal pour nommer un dragon, car il signifiait "roi". Rex. Mais juste comme ça, ça n'allait pas, surtout qu'il s'agissait d'une dragonne. Alors elle chercha comment l'adapter à sa petite reine... Elle finit par s'arrêter sur "Rexia".

-Rexia, dit-elle tout haut en observant le petit être endormi.

Qui dormait apparemment très profondément.
Jari décida donc d'observer un peu plus l'anatomie de Rexia, curieuse de ce à quoi pouvait bien ressembler le corps d'un dragon. Doucement, pour ne pas la réveiller, elle déplia les pattes, puis les ailes de la créature, admirant l'agilité dont pourrait faire preuve une telle créature une fois plus expérimentée.
Mais comment lui faire acquérir l'expérience nécessaire ? Devait-elle la faire vivre dehors ? Lui faire faire de l'exercice régulièrement ? Peut-être le livre le lui apprendrait-il. Elle se replongea donc dedans en attendant le réveil de Rexia.

[Rexia]

Et le réveil de la nouvellement nommée "Rexia" se produisit environ une heure après que la petite noctalienne se soit replongée dans son livre. Quand un dragon dormait, il était très difficile de le réveiller, surtout à cet âge-là. Cela se traduisit d'abord par de petits mouvements du corps de la dragonnette, sa queue se mit à claquer, ses ailes à trembloter tendis qu'elles s'étiraient d'elles-même, ses serres aux trois phalanges s'ouvrirent et se refermèrent dans le vide. De petits mouvement de la gueule lui laissa échapper des cris qui ressemblaient à des pépiements de moineau, presque à des gémissements... on aurait pu croire qu'elle avait peur, qu'elle faisait un cauchemar... mais c'était à ça que ressemblait le cri du bébé dragon, pour le moment, en tout-cas, temps qu'elle n'aurait pas grandit et que ses cordes vocales ne se serait pas développés. Puis finalement, Rexia ouvrit doucement ses grands yeux, papillotant pour s'habituer à la lumière, poussa un dernier petit cri, et enfin, releva la tête.

Elle avait passée toute la nuit installée que les genoux de sa dragonnière... encore quelque-chose de mauvais pour sa robe, d'ailleurs un morceau de tissus s'était déchiré, restant accroché aux piquants de la dragonnette. Mais elle avait vraiment bien dormi, au chaud, en sécurité, et elle se sentait maintenant en pleine forme. D'humeur joueuse, le bébé dragon se redressa en position assise sur les genoux de Jari, poussant un nouveau pépiement comme pour la saluer. Elle tenta ensuite de se dresser droite sur ses pattes arrière, comme si elle cherchait à faire la belle pour sa dragonnière, battant l'air de ses pattes de devant... mais la petite avait déjà du mal à se tenir à quatre pattes. Elle perdit l'équilibre et tomba en arrière, emportant avec elle le livre que lisait la nouvelle dragonnière.

Tout deux tombèrent, pas de bien haut, mais assez pour que la petite pousse une plainte déchirante... c'était cependant plus par peur que parce qu'elle s'était fait mal. Aux pieds de sa dragonnière, elle se balança un instant sur le dos, légèrement sonnée, mais se reprit vite puis réussit à se remettre droite sur ses quatre pattes. Elle leva la tête vers Jari, s'apprêta à pousser un long couinement pour réclamer qu'elle la ramasse... et son œil se posa alors sur la page où le livre s'était ouvert, et elle se tourna vers celle-ci. C'était en effet un chapitre très intéressant, autant pour la monteuse que pour la monture, expliquant comment un dragonnier devait faire pour chevaucher son dragon. Rexia ne savait pas lire, bien-sûr, mais elle était intéressée par le dessin qui avait été fait pour illustrer : un grand homme en armure d'argent, montait sur une selle un dragon rouge, comme elle, et se tenait grâce à des lanières attachés à ses cornes. Le dragon n'était en rien entravé dans ses mouvements. Rexia s'approcha et baissa le museau vers le dessin. Elle le regarda de loin, puis s'approcha, pencha la tête d'un côté, puis de l'autre, en-haut, en-bas... elle semblait croire que regarder le dessin de façon différente allait le faire changer. Puis elle dressa l'une de ses propres ailes et l'observa longuement...

Le dragon, sur le dessin, volait, et grâce à une mémoire que chaque parent léguait à ses petits avant la naissance, qui devait leur permettre d'apprendre à voler, à chasser, et à survivre si jamais ils se retrouvaient seuls à la naissance, elle savait que elle-aussi, elle pouvait le faire. Alors Rexia plia ses petits membres et sauta sur la table, réussissant tant bien que mal à s'y hisser... non-sans érafler un peu le bois de ses griffes. Et là, elle se dressa aussi droite que possible, et étendit ses ailes de chaque côté de son corps. Leur envergure était déjà plus longue qu'elle. Elles restaient cependant droites et immobiles, car elle ne savait pas ce qu'elle devait faire... mais la dragonnette essayait déjà de voler. Cependant, il lui faudrait attendre un peu plus d'un mois, qu'elle grandisse un peu, avant d'arriver à monter de quelques mètres.

[Melkerah]

La toute jeune dragonnière était restée fascinée et attendrie par les cabrioles de Rexia. Elle avait sursauté et esquissé un geste pour la rattraper quand elle avait basculé avec le livre, mais voyant que la petite dragonne s'en sortait très bien toute seule, elle décida de la laisser apprendre à se mouvoir par elle-même.
Et la dragonnette se mit à fixer le livre. Intriguée, Jari se pencha pour voir ce qui scotchait ainsi un bébé dragon qui n'avait sans doute pas la moindre notion de lecture. Le dessin était magnifique, superbement détaillé et réalisé avec l'expertise de celui qui connait son sujet sur le bout des doigts. Elle admira avec émerveillement le chevalier en armure rutilante, chevaucher une créature majestueuse qui ressemblait furieusement à Rexia, mais en bien plus grand et plus mature.

-Ouah, tu crois qu'on fera ça un jour Rexia ?

Elle regarda sa petite protégée, qui tentait d'imiter le dragon du dessin sans vraiment savoir comment s'y prendre. Jari se pencha, saisit doucement les petites ailes membraneuses et les fit battre pour essayer de faire comprendre à Rexia comment on utilisait ces choses-là. Puis elle sourit, ravie.

-Il va falloir que tu grandisses un peu d'abord ! Et que tu apprennes à voler, à chasser... Je pourrais t'emmener dehors aujourd'hui, ça serait bien !

Puis une réflexion lui vint en tête, qu'elle exprima tout haut pour vérifier.

-Est-ce que tu comprends quoi que ce soit à ce que je dis...?

[Rexia]

La petite Rexia ne comprenait pas pourquoi elle n'arrivait pas à monter, comme le grand dragon sur le dessin. Elle regarda longuement ses ailes pour voir si rien ne clochait, en poussant de petits cris de frustration. Lorsque sa dragonnière attrapa ses ailes et fit des mouvements de haut jusqu'en bas, elle comprit qu'elle essayait de lui montrait comment elle devait se servir de ces instruments pour s'élever dans les airs. Elle se mit alors à battre, d'abord lentement, puis plus vite, et de plus en plus rapidement. Elle en vint à un moment que les bourrasques soulevées par ses ailes firent tourner les pages du livre... mais, évidemment, elle ne parvint pas à s'élever, et elle finit par abandonner parce que les jeunes muscles de ses ailes lui faisaient mal. Elle n'avait pas encore l'endurance qu'il lui fallait, ni la force, pour battre bien longtemps. Une lueur de déception s'alluma dans son esprit... mais, en s'adressant à elle, sa dragonnière lui permis de penser à autre-chose. La petite dragonnette leva à-nouveau le museau vers la fille... elle sentait que les sons qu'elle faisait lui étaient adressés, mais...

Non, la petite ne comprenait pas un traitre mot de ce que lui disait sa jeune dragonnière. Elle pencha d'ailleurs la tête sur le côté, pour montrer cette incompréhension. La dragonne ne pourrait jamais apprendre à parler normalement, car elle n'avait pas les cordes vocales suffisantes pour cela, elle ne pourrait que grogner, rugir, et ronronner... un dragon ne s’adressait à son dragonnier que par l'esprit. Cependant, elle pouvait apprendre à comprendre ce langage, et ainsi à y répondre, par les mouvements ou par l'esprit. Elle ne l'apprendrait qu'en écoutant les pensées et les mots de sa dragonnière, et en faisant le lien avec les choses et les mouvements qu'elle voyait. En attendant, Rexia ne pouvait comprendre... cependant, elle pouvait ressentir, et faire ressentir.

La dragonnette libéra son esprit, afin de le faire entrer en contact avec celui de Jari. Le langage par l'esprit était un langage... différent, et universel, même un nouveau-né pouvait le comprendre. Car ce langage n'était pas fait que de mots qui retentissaient dans une tête : il était aussi fait d'idée, de sensation, que l'on envoyait aux autres afin de leur faire comprendre ce que l'on ressentait. Les pensées du bébé dragon étaient encore vagues, car il lui fallait encore comprendre ses propres sentiments... mais ils se comprenaient quand-même un minimum. L'esprit de Rexia était empli de bien des chose : un amour nouveau qu'elle portait à sa dragonnière, et le désir qu'elle avait de rester toujours auprès, qu'elle ne la laisse jamais, qu'elle ne l'abandonne jamais. Il y avait aussi de la crainte, pour toute chose qui ne touchait pas à sa dragonnière, mais la crainte était caché par un autre sentiment : la curiosité. Le petite avait le désir de comprendre tout ce qu'elle voyait, un besoin de grandir et d'apprendre. Et les réponses à ces questions, il n'y avait que Jari qui pouvait les lui donner.

Alors bien que Rexia ne pouvait ni comprendre, ni répondre à la première question qu'elle lui avait posé, elle pouvait lui faire ressentir ce qui aurait été sa réponse : oui, elle aussi, elle désirait sortir, voir, comprendre, apprendre... ce ne serait qu'à cette condition qu'elle saisirait la nature du monde, ainsi que sa propre nature, et qu'un jour, elles pourraient toutes les deux imiter le duo représentait dans ce livre.

[Melkerah]

Jari fut toute étourdie par ce soudain contact d'esprits, par toutes ces émotions et ces idées qui n'étaient pas les siennes. Elle se concentra pour essayer de saisir ce que voulait transmettre sa dragonnette dans toute sa profondeur. Puis elle tenta de former des pensées que Rexia pourrait comprendre pour lui répondre.
Elle lui transmit qu'elle ne l'abandonnerait pas, qu'elles resteraient ensemble aussi longtemps que la vie le leur permettrait et qu'elle défendrait sa nouvelle compagne s'il le fallait. Elle lui montra aussi des images d'elles deux dehors, dans la forêt ou dans des clairières, où Rexia apprendrait à voler, à chasser ses propres proies, et où Jari apprendrait ses devoirs de dragonnière envers elle. Elle essaya aussi de lui faire comprendre que Uri était une sorte d'alliée, ou même de protectrice, et qu'il ne fallait pas la craindre.
Quand la jeune noctalienne se trouva à court de pensées à donner à la petite créature de rubis, elle tendit la main pour lui gratter la gorge. Quelle merveille la vie venait de lui offrir !
Mais une idée vint à Jari. Elle essaya de demander par l'esprit si Rexia voulait sortir dès maintenant pour commencer à découvrir le monde. Elle formula aussi l'idée qu'elle devrait aller voir Uri très vite pour lui parler, et que la petite dragonne pourrait l'accompagner où l'attendre ici selon ce qu'elle préférait.

[Rexia]

Rexia, qui avait déjà du mal à faire le tri dans ses propres pensées et ses propres sensations, passa un long moment le museau en l'air, visiblement égarée dans son esprit, essayant de comprendre les informations que lui envoyaient sa dragonnière via leur lien fraichement créé. Mais les nouvelles idées se formaient dans sa tête comme si c'était d'elle qu'elles venaient, si bien qu'elle finit par saisir le gros de ces informations. Elle regarda alors Jari, les yeux brillants, une immense sensation de bonheur et de sérénité se lisant dans son âme : elle savait, maintenant, que sa dragonnière l'acceptait, qu'elle jouerait son rôle, et qu'elles seraient désormais à-jamais ensemble. Et en échange, la dragonne lui resterait fidèle et protégerait la jeune noctalienne au péril de sa vie... enfin, lorsqu'elle serait assez grande pour cela.

De nouveaux désirs fusaient désormais dans la tête de la petite. Elle qui avait eue si peur de la grandeur rien que de cette maison après son éclosion, la fillette lui avait maintenant donné envie d'aller dehors. Elle voulait voir, elle voulait apprendre, elle voulait comprendre. Tout été nouveau, pour elle, et elle ne rêvait que d'une chose : que cela devienne aussi logique pour elle que pour Jari. Alors dans l'esprit de la dragonnette, l'espièglerie se fit sentir, le désir de sortir et de se dégourdir les membres, l'envie d'aller jouer dans l'herbe et de courir entre les arbres... c'était sa réponse pour dire que oui, elle voulait sortir, elle-aussi. La réponse à l'autre question fut cependant plus physique que mentale...

Jari lui proposait de rester seule, si elle ne désirait pas voir sa tante... mais la dragonnette désirait encore moins être seule que de voir une autre bipède. Si bien qu'elle lécha affectueusement ses doigts en-train de la caresser, puis elle alla sauter de sur la table sur les genoux de sa dragonnière, et de là, elle réussit à se glisser à l'intérieur de son col, allant se lover contre le ventre de celle-ci, et ne sortant que sa tête, si bien que Jari ressemblait désormais à une étrange créature avec deux têtes, une humaine, et une de lézard. De là, elle posa son museau contre sa joue et poussa un petit cri ronronnant...

C'était sa façon de lui dire que non, elle ne voulait pas rester seule, elle voulait rester avec elle, toujours, ne plus jamais être seule... elle saisirait ce qu'il y avait de bien à être seul, parfois, plus tard, en grandissant, lorsqu'elle ne serait plus un bébé dragon ayant besoin d'attention et de protection. Elle savait, maintenant, qu'elle pouvait avoir confiance en Uri, mais elle la craignait toujours un peu... c'était dû à son jeune âge. Mais elle la craignait moins que de se retrouver toute-seule.

[Melkerah]

La nouvelle cachette de Rexia fit beaucoup rire Jari, qui songea qu'elle devrait trouver des vêtements plus résistants. Elle vérifia que la petite dragonne était bien accrochée et se leva pour aller voir sa tante.
Uri était toujours là où elles avaient discuté plus tôt, les yeux dans le vague, une chope de thé à la main. Elle avait déjà perçu l'arrivée de sa nièce et ne tourna pas la tête tout de suite, ce qui fit songer à Jari qu'elle devait être épuisée.

-Ah, te voilà, fit Uri. Où est le... (elle tourna brusquement la tête vers celle qui dépassait du col de Jari) Oh, je vois qu'il ne te quitte plus ! C'est lui qui as mis ta robe dans cet état ?

-Elle, rectifia la fillette en souriant, je l'ai appelée Rexia. C'est ma dragonne maintenant. Tu voudras bien lire le livre que j'ai laissé sur le fauteuil s'il te plait ? C'est un peu dur pour moi... Et puis j'ai besoin d'un sac pour emmener un peu de viande, je l'emmène dehors. Et aussi de vêtements à toute épreuve !

Uri réfléchit quelques instants, le regard fixé sur Rexia.

-Très bien, je vais te chercher tout ça. Je vais te prêter ma vieille cuirasse pour le moment, ça sera sans doute utile. Et fais attention si tu t'éloignes.

La noctalienne se leva et sortit, avant de revenir avec cuirasse, sac de viande et nécessaire pour se débrouiller dehors : dagues, briquet, cordelette, kit de soins... Jari la remercia, enfila la protection de cuir trop grande pour elle, ce qui permettait à Rexia de rester dedans si elle voulait, prit sac et équipement et fila.
En sortant du manoir, la grande ville bruyante prit la place des couloirs et du salon calmes. Il y avait des dizaines de bipèdes, des odeurs par milliers, des conversations entremêlées. Jari connaissait cet environnement par coeur, à la seule différence qu'il était difficile d'être discrète et furtive avec un dragon dans la cuirasse.

[Rexia]

La nouvelle tenue qu'enfila sa dragonnière intrigua grandement la petite dragonne aux écailles rouges, et, après s'être à-nouveau glissée à l'intérieur de la coque en cuir et avoir ressortie sa tête près de celle de Jari, elle se mit à sentir la cuirasse, la tapota du bout du museau, provoquant un bruit sourd, et tenta même de la mordre, comme si elle cherchait à déterminer sa nature en la goûtant. Tout-cela lui rappelait étrangement l’œuf qu'elle avait brisé quelques heures plus tôt. Elle en vint finalement à la conclusion qu'elle préférait quand Jari portait sa robe... cette tenu était trop froide, pas assez confortable à son goût. Le bébé dragon ne se rendait pas encore compte de l'importance des vêtements, pour les bipèdes, et qu'il ne lui fallait pas les déchirer comme elle l'avait fait, bien qu'elle ne l'ai pas fait exprès.

Mais l'important, pour elle, c'était d'être contre sa compagne-d'âme... donc elle accepta de s'adapter à cette nouvelle tenue sans broncher. Le bas du corps allongé au fond de la cuirasse, elle était accrochée aux épaules de sa dragonnière avec ses pattes-avants griffues, et arrivait ainsi sans effort à hisser sa tête près de la sienne. Elle appréciait la chaleur de son contact et le rayonnement de son esprit. Flairant avec avidité, la petite gourmande s'intéressa de près au sac rempli de viande que portait la jeune-fille... mais lorsqu'elle ouvrit la porte du manoir pour sortir dans le monde, elle ouvrit également le monde à sa dragonnette, qui oublia vite sa faim, emportée par sa curiosité... et par ses craintes.

Rexia se réfugiait régulièrement dans sa cachette, lorsqu'elle croisait quelque-chose de nouveau, un bruit trop fort, ou un humain qui passait trop près d'elles à son goût, avant de ressortir après s'être aperçu qu'il n'y avait pas de danger. Les premières choses qui la poussèrent à se cacher furent les sons trop puissants, les odeurs trop prenantes, et la lumière trop vive... il fallut attendre que ses oreilles, ses naseaux et ses yeux s'habituent à ces nouvelles sensations avant qu'elle accepte de ressortir. Et la plus grande peur qu'elle eut, ce fut lorsque un gros chien couru vers elles en aboyant, ses petits yeux noirs et féroces pointés sur la tête de reptile. Rexia s'était alors recroquevillée, toute tremblante, contre le ventre de sa dragonnière, et il avait fallu un moment pour que celle-ci réussisse à la rassurer, la poussant à ressortir, prudemment, la tête.

En-dehors de cela, de ces frayeurs et de cette mésaventure, le temps que Rexia passa avec la tête sortie, elle le passa à observer, et à apprendre. Elle voulait tout savoir, elle voulait savoir pourquoi telle chose était ainsi, pourquoi il y avait tout ces bruits, d'où venait toutes ces odeurs, à quoi servait ces objets... et toutes ses interrogations, qui se mélangeaient dans sa tête, elle les envoyait à sa dragonnière via leur lien mental. Un groupe d'enfants, la plupart plus jeune, certains du même âge que Jari, ne tarda pas à se former et à les suivre. Ils restèrent cependant à distance, ne sachant pas si ils devaient craindre ou non le bébé dragon. Rexia les observa longuement, la tête penchée sur le côté, éprouvant autant de curiosité pour eux qu'ils n'en éprouvaient pour elle.

[Melkerah]

Durant tout le temps que Rexia avait passé à observer avidement le monde, Jari avait fait de son mieux pour rester ouverte aux questions muettes de sa jeune compagne et y répondre de son mieux. Il n'était pas évident d'expliquer la chose la plus familière au monde à quelqu'un qui ne possédait pas la moindre base permettant de la comprendre, mais elle s'y employa. Il lui fallut un long moment pour inculquer le concept de ville à la dragonnette, et la jeune noctalienne finit par se contenter d'une image vague et légèrement déformée de ce que ça pouvait être. Il fallait bien commencer quelque part.
La fillette connaissait bien le chien qui avait tant effrayé sa petite créature de rubis, elle savait qu'il se contentait d'effrayer quiconque passait trop près de ce qu'il considérait comme son domaine mais qu'il n'attaquerait jamais réellement, car sa masse suffisait toujours à dissuader les intrus de rester. Mais il fut difficile d'en convaincre Rexia. Jari tint tout de même à lui apprendre qu'elle serait un jour mille fois plus puissante que ce sale cabot et que si elle le craignait aujourd'hui, elle finirait par le considérer comme quantité négligeable.
La petite voleuse était très gênée par l'attroupement qu'avait créé la présence du bébé dragon dans sa cuirasse, elle qui passait toujours inaperçue avec tant de facilité. Elle n'avait jamais côtoyé d'enfants de son âge, son mode de vie ancestral était resté ancré profondément jusqu'à la révolution d'Uri, encore trop récente pour que Jari ait pu découvrir la vraie vie sociale. Mais l'intense curiosité de sa compagne d'esprit était contagieuse.
Au détour d'une rue, elle prévint rapidement Rexia de sa manœuvre avant de s'arrêter net et de se retourner pour faire face au groupe disparate qui lui servait de cortège. Les enfants se figèrent aussi sec.

-Quoi ? fit Jari d'un ton de défi.

Bien sûr, aucun ne pipa mot, trop intimidés qu'ils étaient par cette fillette accompagnée d'un dragon, même miniature.

-Si vous avez rien à nous dire, arrêtez de me coller aux basques ! lança-t-elle. Vous aurez qu'à revenir quand vous aurez retrouvé votre langue.

Sans attendre une éventuelle réplique, elle tourna les talons et poursuivit sa route. Puis elle montra à Rexia une image de la forêt sauvage et des plaines alentour, proposant à la petite dragonne d'aller découvrir tout ça sans tout ce monde autour d'elles. Et elle l'appâta avec des images de gibier, un grand sourire aux lèvres.

[Rexia]

Une autre chose qu'il allait falloir apprendre à la petite dragonnette : c'était la gêne que pouvaient ressentir les humanoïdes à être suivit, observés, la pudeur et la gêne qu'ils pouvaient ressentir face au regard des autres. Elle aussi, elle ressentirait cela, une fois qu'elle serait adulte, et qu'elle en aurait assez que tout-le-monde la suive pour l'observer... et elle rêvait déjà de le devenir, après cette mésaventure avec le chien, pour retourner le voir et lui aboyer dessus à son tour, pour le plaisir de le voir se recroqueviller au fond de sa niche et lui apprendre à ne pas faire peur à un jeune dragon... mais en attendant, elle se demanda pourquoi sa dragonnière chassa cette bande de petits-bipèdes, alors que Rexia se faisait un plaisir de les observer de loin, se demandant comment ils arrivaient à tenir sur leurs deux pattes-arrières. La question à cela se matérialisa dans sa tête... mais elle fut chassée par les nouvelles images que lui envoya sa dragonnière.

La ville, c'était un endroit où il y avait du bruit, d'étranges odeurs et des humanoïdes partout. Elle apprenait ce qu'étaient les humains et leur mode de vie via les explications de sa dragonnière, même si, encore, jeune, bien des nuances lui échappaient encore... mais elle en eut vite assez de toutes ces effluves qui agressaient ses sens. La forêt semblait plus calme, plus agréable, et surtout plus jolie, plus colorée... la dragonnette poussa alors un cri qui ressemblait à un croassement, pour signaler son accord, et elle posa sa tête sur l'épaule de Jari, impatiente d'y arriver. Chaque fois qu'elles croisaient un arbre, elle se dressait, pensant que c'était là... mais vu que la noctalienne continuait sa route, elle s'allongeait à-nouveau, déçu. Et enfin, elle vit, pour la première fois de sa vie, la vraie nature.

La dragonnette resta un moment, le museau entre-ouvert, devant les bois... ce monde était tellement différent de celui de la ville. Plus beau, plus pure, elle préférait les odeurs de fleurs et de bêtes à celles de l'huile et de la sueur. Un vol d'oies sauvages leur passa au-dessus... Rexia les observa jusqu'à se qu'elle disparaissent au-dessus des ramures, ne sachant pas si elle les trouvait plus intéressantes... ou plus appétissantes. Finalement, elle commença à se hisser hors de la cuirasse... en ville, il y avait eu trop de monde, elle avait eue peur... ici, tout était calme, elle se sentait assez en confiance pour sortir. Habilement, elle se ramassa sur elle-même, sauta, atterrit sur ses quatre pattes...

Et elle poussa un couinement. L'étrange sensation de l'herbe de l'herbe picotant et chatouillant le dessous de ses pattes lui fit peur. Elle voulut reculer, se prit les pieds dans ses ailes, tomba en arrière et roula sur elle-même, arriva à se relever et partit se cacher derrière les jambes de Jari, ne comprenant pas pourquoi elle ressentait toujours ces chatouilles. Elle se calma cependant rapidement, comprenant que les plantes n'étaient pas dangereuses. Elle sortit de derrière-elle et sentit, curieuse, les brins, les plantes, et les écorces des arbres. Lorsque de l'herbe lui entra dans les naseaux, elle poussa un fort éternuement.

[Tu voudras faire rencontrer les deux dragonnes dans un prochain sujet, ou comptes-tu faire intervenir Melkerah ici ?]

[Melkerah]

Jari rit aux éclats en regardant Rexia se débattre dans l'herbe, hésitant à lui expliquer à quel point c'était une chose inoffensive, mais elle se dit finalement que la petite dragonne saurait au moins aussi bien s'en rendre compte par elle-même.
Pendant que la petite créature de rubis explorait le monde, la fillette se mit à la recherche d'une quelconque petite proie, un rongeur, une grenouille, n'importe quoi, pour la montrer à sa petite protégée. Nul doute que la dragonnette était capable d'apprendre cela aussi d'elle-même, mais ce serait sans doute plus ardu, et Jari voulait s'impliquer dans l'apprentissage de sa dragonne.
Au bout de cinq minutes, elle repéra ce qu'elle cherchait. Elle se rapprocha de l'esprit de Rexia pour lui dire de rester silencieuse et immobile quelques instants et de regarder ce qu'elle faisait. Elle lui indiqua aussi où était la créature que Jari allait tenter d'attraper. La petite voleuse se mit à l'affut, marchant silencieusement comme son père le lui avait appris vers le lapin qui fourrageait dans un buisson. Quand elle estima être suffisamment près du petit animal, elle sortit sa dague et se jeta sur lui. Le lapin voulut détaler, mais soit par un coup de chance soit que Jari avait particulièrement bien calculé son coup, la lame s'enfonça directement entre les épaules du lapin, ripant sur la colonne vertébrale, et si le petit animal continua de courir, il était évident qu'il n'irait pas bien loin.
Jari transmit à Rexia que c'était à elle de l'achever si elle voulait le manger.

[Rexia]

Il était très difficile, pour la petite dragonnette, de rester attentive à une chose plus de quelques secondes... tout, dans ce monde nouveau, l'attirait, que ce soit l'odeur des fleurs portée par le vent ou un simple joli papillon qui venait voler un peu trop près de son museau. D'ailleurs, avant que Jari ne vienne l'interrompre, elle s'amusait à les courser de sa manière si maladroite. Mais lorsqu'elle comprit, en le lisant dans son esprit, ce qu'elle avait l'intention de faire, ce qu'elle avait l'intention de lui montrer, chose que déjà son instinct la poussait à faire... alors la petite créature, avide d'apprendre, curieuse de voir, réussit à s'asseoir dans l'herbe et à se montrer silencieuse, observant comment la jeune noctalienne s'y prenait pour tuer.

Rexia observa le petit animal détaller, pensant que la dague était une griffe de Jari qu'elle n'avait jusque-là pas remarquée. Puis elle entendit les pensées de sa dragonnière... c'était donc à elle, de finir le travail, et de déjà montrer de quoi elle était capable, à son âge. L'odeur du sang de lapin vint chatouiller ses naseaux, ce qui fit monter en elle une excitation bestiale... la dragonnette se dressa et se mit à courir par petits bonds. La demande de Jari, et cette odeur de sang, avait réveillé en elle un instinct ancestral, l'instinct de la prédation, et rendait soudainement la petite chasseresse plus rapide, plus habile, elle semblait avoir appris à courir soudainement. Cependant, ce qu'elle faisait par instinct était loin d’égaler ce qu'elle ferait par expérience... elle se déplaçait encore de manière maladroite, posant ses pattes dans le désordre. En revanche, elle ne tomba pas...

Elle n'aurait, par-contre, pas pue rattraper sa proie, si jamais celle-ci ne s'était pas arrêtée, trop épuisée à-cause de la blessure. La petite dragonne rouge lui sauta dessus. Le lapin envoya quelque coups de pattes-arrière sur son museau, mais rien qui ne lui fit bien mal. Poussant des sifflements comme un serpent en colère, Rexia coinça le lapin sous son poids, et commença à mordre et à griffer plusieurs parties de son corps, faisant l'expérience de la mise-à-mort de la proie. Mais elle se lassa vite : elle ne trouvait pas amusant de faire souffrir inutilement... au moins, une chose était sûre : elle ne serait pas une chasseuse cruelle. Elle leva une pattes en l'air... ses trois griffes en forme de faucille brillèrent légèrement sous le soleil d'un éclat sanglant... puis elle l'abattit, tranchant la gorge du lapin, et éclaboussant l'herbe alentour de sang.

Une fois que ce fut fini et que le corps de l'animal poilu fut tout mous, la caractère de la chasse quitta la petite bête et la dragonnette retrouva son air curieux et innocent. Ignorant encore tout de la mort, elle n'était pas certaine d'avoir tuée le lapin... elle se mit à le pousser du bout du museau et à le mordiller, comme si elle cherchait à avoir une réaction de sa part. Puis, n'obtenant rien, elle leva ses grands yeux curieux vers sa dragonnière, l'air de dire "Ça y est ? Je peux le manger ?".

[Melkerah]

Jari était ravie du premier essai de Rexia. Elle n'était elle-même pas très sûre de sa leçon et était très soulagée que la petite dragonne ait fini le travail aussi efficacement.

-Vas-y, régale-toi ! dit-elle tout en transmettant une traduction en pensées.

Elle tenta également de formuler un compliment compréhensible pour sa petite protégée encore en apprentissage, pour lui dire qu'elle s'en était très bien sortie. Puis, tandis que Rexia s'occupait de sa première proie, Jari sortit de son sac son propre goûter, un morceau de pain, qu'elle attaqua avec enthousiasme ; l'appétit de Rexia l'avait atteinte à travers leur lien en construction.
Mais une question trottait dans la tête de Jari : la petite créature de rubis avait-elle compris que le mot "Rexia" la désignait désormais ? Et comment le lui faire comprendre ? Elle tenta une solution qu'elle avait imaginée.

-Rexia, dit-elle tout haut en transmettant à la petite dragonne une image d'elle-même.

Il était difficile d'associer ainsi un mot à un être par une pensée simple, mais il fallait bien essayer. Mais il fallut se rendre à l'évidence, la viande intéressait mille fois plus la dragonnette que son nom. La noctalienne se résolut à attendre un meilleur moment.
Soudain, un lointain mais puissant rugissement retentit dans toute la forêt. La petite voleuse se redressa en toute hâte, cherchant d'où provenait ce son menaçant, et finit par apercevoir ce qu'elle avait pris pour un aigle en vol, mais qui scintillait maintenant d'émeraude et semblait bien trop grand, même pour le plus grand des rapaces. Elle resta pétrifiée, terrifiée à l'idée du danger qu'elle et Rexia couraient en présence d'un tel prédateur. Elle fit ce que toute sa vie l'avait préparée à faire : elle se tapit dans l'ombre des arbres et resta immobile autant que ses tremblements de peur le lui permettaient, guettant l'inquiétante silhouette qui planait dangereusement bas...

[HRP : le moment de la rencontre va sans doute dépendre des prochaines actions de Jari et Rexia, donc : improvisons ]

[Rexia]

[J'espère que la façon dont ça se passe te convient ^^]

Effectivement, ce coup-ci, la jeune noctalienne n'obtint pas de réponse de la part de sa petite protégée. La dragonnette, après avoir obtenue l'autorisation, autant par la voie que par l'esprit, car elle le ressentit, s'était jetée sur le lapin qu'elle venait d'achever, et avait arrachée de gros morceau de viande crue et encore poilue, montrant ainsi que ses dents étaient déjà bien puissantes. Elle prit un certain plaisir à s'abreuver de sang encore chaud de sa victime, et se rendit alors compte qu'elle préférait largement le goût de cette viande-ci, encore chaude, tuée par ses propres moyens, à celle que Jari lui avait donnée la veille. Elle ne rejetterait pas cette viande, mais elle préférait celle-ci. Et, un jour, elle s'apercevrait qu'elle aimerait encore plus la viande crue légèrement cuite par le feu de dragon. Elle commençait à prendre ses aises, dans ce monde, et à apprendre ce qu'étaient les préférences et le goût.

Les paroles et les compliments, mentales ou à voie-haute, n'atteignirent donc pas la petite créature le temps qu'elle était en-train de manger... mais il y eut une chose qui lui sortie le museau des entrailles de sa victime : le rugissement. Elle n'avait pas repérée la créature volante plus tôt, comme Jari... en revanche, son cri fit tellement peur à la petite qu'elle fit un bond et retomba allongée sur le côté. Elle se releva et regarda autour d'elle... sa dragonnière partait se cacher, et sans avoir pris le temps de chercher quelle était l'origine du bruit, terrifiée, elle partit à sa suite et se jeta dans ses bras, toute tremblante, comme lorsque le chien lui avait aboyé après. Elle cacha sa tête sous la bras de sa dragonnière, attendant que le danger ne disparaisse.

Mais, alors que la bête qui lui faisait tellement peur descendait en planant dans le ciel d'azur, quelque-chose se passa en le bébé dragon... l'odeur de la bête vint jusqu'à son nez, et soudainement, elle arrêta de trembler. Cette odeur, elle la connaissait... en fait, non, elle ne connaissait pas cette odeur elle-même, mais elle savait d'instinct de ce qu'elle venait. C'était SON odeur, l'odeur qu'elle aurait lorsqu'elle deviendrait adulte. Peut-être était-ce par imprudence due à son âge, par ignorance qu'un adulte féroce et sauvage pouvait être dangereux, même envers un petit de son espèce... mais, poussée par sa curiosité et un désir de le rencontrer, elle quitta soudainement les bras de sa dragonnière et courut à découvert, quittant l'ombre, son corps rouge en évidence sur le vert de l'herbe.

La dragonnette leva la tête et repéra enfin le point vert volant dans le ciel. Elle savait, elle sentait qu'elle avait raison... alors elle ouvrit la gueule et poussa un profond grondement, tel un bébé dragon appelant un parent, afin d'attirer son attention...

[Melkerah]

[Moi, tant que ça fait un RP intéressant et cohérent, je suis comblée]

Jari eut un cri de frayeur quand elle vit que Rexia se mettait à découvert, face à un tel danger, mais elle se calma vite. D'abord, elle chercha à comprendre ce qui avait poussé la petite dragonne à faire ça. Elle s'approcha de son esprit, sans vraiment vouloir s'immiscer, afin de percevoir ce qui se passait dans la tête de la petite créature de rubis. C'était un peu confus pour la petite noctalienne, mais elle comprit tout de même l'intention générale : rencontrer son congénère plus âgé. La fillette n'avait jamais pensé que ça puisse arriver un jour... Elle resta à couvert, préférant ne pas interférer tant que Rexia n'était pas menacée.


La magnifique créature d'émeraude poursuivait son voyage à travers Zaerod, parcourant inlassablement les airs à la recherche des siens, encore et toujours en vain. La frustration et la lassitude menaçaient à chaque instant de la faire renoncer, mais ses ailes puissantes la menaient toujours à travers les cieux, tandis que ses yeux d'azur parcouraient la terre sans trêve.
Mais voilà que quelque chose de nouveau arrivait ce jour-là : alors qu'elle venait de pousser un rugissement d'exaspération, songeant qu'elle allait devoir s'arrêter pour manger et dormir, elle perçut un mouvement presque à sa verticale. Elle crut tout d'abord qu'il s'agissait de gibier, sur lequel elle s'apprêtait justement à fondre tous crocs dehors, mais tout à coup, l'incroyable se produisit : une toute petite tache d'un rouge flamboyant sortit du bosquet qu'elle survolait et se planta là, totalement à découvert. Melkerah la regarda, stupéfaite. Ce n'était pas un comportement normal, ni pour du gibier, ni pour des petits humains. Et puis elle ne connaissait aucune créature d'une si belle couleur, scintillante et vive...
Saisie d'un doute, la jeune dragonne fit pratiquement demi-tour sur place et fila en un vertigineux piqué vers le sol. Elle arracha des mottes de terres et des touffes d'herbe en touchant le sol, ses griffes laissant de profonds sillons. Là, elle s'ébroua rapidement avant de tourner la tête en tous sens pour retrouver la petite tache de rubis...

#Où es-tu...?# demanda-t-elle par la pensée, comme elle avait toujours eu coutume de s'exprimer.

[Rexia]

L'immense masse verte de la dragonne adulte vint se poser tout près de la dragonnette... elle manqua même de l'écraser, et celle-ci recula de trois pas lorsqu'elle sentit le sol trembler sous ses pattes, et qu'elle se reçu quelques touffes d'herbes sur le museau. Le vent soulevé par ses ailes était si puissant qu'elle en fit une roulade en-arrière, et les bruits de chocs, la puissante respiration et les mouvement puissants de la dragonne lui firent à-nouveau peur. Elle resta un moment allongée sur le sol, la tête plaquée contre l'herbe tel un chien pris en faute. Mais, tout en se cachant ainsi de la vue de Melkerah qui, trop grande, n'arrivait pas à la repérer, elle en profita pour l'admirer...

Ses écailles miroitaient sous le soleil comme une cotte de mailles faite de diamants taillés et polis par les meilleurs artisans nains de ce monde. Contrairement à la petite nouvelle-née, qui avait des mouvements maladroits et pas franchement élégants à voir, il émanait d'elle une grande fierté, une grande puissance, une majesté digne d'une déesse. Son odeur était puissante, entêtante, à la fois menaçante... et rassurante pour Rexia. Elle n'avait pas le ressentie la sécurité qu'elle avait auprès de sa dragonnière... mais le fait de voir, sous ses yeux, une représentante adulte de son espèce la faisait se sentir plus intégrée dans ce monde qu'elle ne l'avait jamais resentie depuis son éclosion. Elle se dressa et s'approcha prudemment de la patte de la puissante chasseresse.

Sa griffe avait une forme parfaite, visiblement capable d'éventrer la proie la plus grosse. Rexia posa sa propre patte dessus et sembla vouloir en comparer la taille. Ses propres pattes étaient si petites. Elle leva haut le museau et regarda la dragonne verte, qui semblait être en-train de la chercher. A ses yeux, elle semblait être un monde à elle toute-seule, assez grande pour porter de la vie sur son dos. Les émotions de Rexia étaient partagés... d'un côté, elle avait peur, mais d'un autre, elle était plus admirative devant-elle qu'effrayée. Finalement, elle répondit à la dragonne en poussant un nouveau couinement, aux pieds de celle-ci.

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